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Société Prisons camerounaises: des univers surréalistes - Des policiers torturent pour faire avouer des suspects

Prisons camerounaises: des univers surréalistes - Des policiers torturent pour faire avouer des suspects

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Index de l'article
Prisons camerounaises: des univers surréalistes
Les tares des prisons du Cameroun dénoncées
Clément a vécu un enfer avant d’être libéré
Des adultes logés au quartier des mineurs
Assistance et argent au bout du coup de fil des détenus
Un détenu veut porter plainte contre l’Etat
Des policiers torturent pour faire avouer des suspects
Un condamné à mort soigne ses codétenus
Des étudiants condamnés pour avoir voulu manifester
Les détenus payent leur transfert au tribunal
Sortis de New-Bell, ils se forment et travaillent
Des nourrissons font ''leurs premiers pas''
Une ministre enferme un paysan
Les abandonnés galèrent pour survivre
Des détenus cisèlent, sculptent, cousent…
Distribution des tracts: des opposants emprisonnés dix jours
Prison de Mantoum: La réinsertion par le travail aux champs
Torturé et détenu sans motif pendant trois ans
Guy crée des bijoux et revit
Un jeune abattu à la prison de Bafoussam
Les ''pingouins'' dorment à la belle étoile
Prison de Ngambe: trop délabrée
A Bantoum, des habitants dénoncent le racket de l’adjudant-chef
Toutes les pages

Pratique encore trop courante à Douala
Des policiers torturent pour faire avouer des suspects
A Douala, certaines forces du maintien de l’ordre s’adonnent à des actes de torture et autres traitements dégradants pour arracher des aveux aux suspects. En violation du code de procédure pénale.
«Tu me prends pour un menteur ? Ne m’as-tu pas avoué, hier, que tu avais son numéro de téléphone ? Tu ne sais pas à qui tu as affaire ; je vais te montrer qui je suis », menace, noir de colère, l’officier de police qui assène gifles et coups de pied à Florent P. qui continue de nier les faits. Dépassé, le bonhomme à la barbe dure fond en larmes devant des usagers médusés, ce vendredi du mois d’août 2012 au commissariat central No 2 de Douala.
Accusé d’avoir planifié le vol du véhicule de son patron, il s’est présenté à la première convocation de la police au cours de  laquelle il lui a été demandé de donner le numéro de téléphone de son complice. «Je n’ai jamais reconnu avoir organisé le vol de cette voiture ou avoir le numéro de téléphone d’un des voleurs», clame-t-il sans cesse. A cette réponse,  le fonctionnaire de police, contrarié, riposte violemment et laisse des dégâts. «La tempe gauche du gars est enflée», fait prudemment remarquer un usager.
Même s’il n’a pas reçu de pareils coups, Serges Nonga garde un mauvais souvenir du commissariat du 7eme arrondissement de Douala. «En 2011, j’avais du mal à rembourser une dette. Mécontent, le monsieur qui m’a prêté de l’argent s’est plaint à la police. A ma grande surprise, l’enquêteur menaçait de m’envoyer en prison si je n’admettais pas avoir promis un lopin de terre en contrepartie au prêteur. C’était un complot fomenté pour me nuire», raconte le quinquagénaire, qui fut jeté en cellule puis extrait avant d’être contraint de verser une importante somme d’argent au plaignant afin de reconsidérer la version des faits.

 

Cupidité des brebis galeuses
Dans la plupart des unités de police de la capitale économique, la pratique est courante. Certains agents de police, à la quête des aveux, ne se cachent plus pour torturer des suspects. Selon un officier de police judiciaire qui a requis l’anonymat, cela fait partie d’un jeu. «Certains hommes en tenue habitués à auditionner des délinquants de grand chemin usent de ces méthodes pour dénouer des situations rendues difficiles par l’arrogance ou le silence complice de ces délinquants», explique-t-il, avant de regretter que «ces pratiques d’une autre époque persistent à cause de la cupidité des brebis galeuses».
La violence policière est imprévisible et peut avoir des conséquences graves. «Mon petit frère a été sauvagement molesté dans un commissariat pour une accusation qu’on voulait lui coller. Il traîne, depuis, un mal de tête malgré les multiples consultations médicales», explique une dame. Redoutant leur brutalité, des personnes qui ont affaire aux forces de police, pratiquent la corruption pour espérer sortir du pétrin. Mais, cette approche ne garantit pas toujours le salut. En 2011, Souleymane, un jeune homme de 20 ans, est mort après avoir passé dix jours menotté dans une cellule de la brigade de gendarmerie de l’aéroport. Sa famille avait proposé de verser 500.000 Fcfa pour faire cesser la torture dont il était victime. La brigade avait jugé la somme insuffisante . Et le pire est arrivé…

Disposition légale sacrifiée
Pour Me Sterling Minou, avocat au barreau du Cameroun, la torture et tous les autres traitements dégradants dans les unités de police sont inacceptables. « Ces méthodes barbares sont à condamner avec la dernière énergie . D’ailleurs, il faut que les policiers, qui les pratiquent, sachent que leur tenue ne peut servir d’immunité en cas d’atteinte à l’intégrité physique de la victime », indique le défenseur des droits humains. Il indique cependant que ces pratiques sont en net recul, du fait des dénonciations.   
Qu’elle soit une conséquence de la corruption ou du zèle, la torture des suspects est interdite par la loi. En effet, l’article 122 alinéa 2 du code de procédure pénale stipule que «le suspect ne sera point soumis à la contrainte physique ou mentale, à la torture, à la violence, à la menace ou à tout autre moyen de pression, à la tromperie, à des manœuvres insidieuses, à des suggestions fallacieuses, à des interrogatoires prolongés, à l’hypnose, à l’administration de drogues ou à tout autre procédé de nature à compromettre ou à réduire sa liberté d’action ou de décision, à altérer sa mémoire ou son discernement». Une disposition légale sacrifiée par des hommes en tenue.
Christian Locka (Jade)