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Société Le Père Lado répond à Mgr Tonyé Bakot: "Un chrétien n'a pas de région"

Le Père Lado répond à Mgr Tonyé Bakot: "Un chrétien n'a pas de région"

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« Tu connaîtras la vérité et la vérité te rendra libre » (Jn 8, 13).
Il se trouve qu’une correspondance adressée par Mgr Victor Tonye Bakot, Grand Chancelier de l’Ucac, au Doyen de la Faculté de Sciences Sociales et de Gestion de l’Ucac, qui se voulait confidentielle, est désormais sur la place publique.  La fuite ne vient pas de la Faculté, encore moins de moi comme on tente de le faire croire, mais du dehors, de ceux qui on cru me nuire ! Je n’étais pas le destinataire du courrier et n’a jamais été en possession d’une copie avant la fuite. Le Doyen peut le confirmer. Quoi qu’il en soit, cette lettre, directement ou indirectement, fait peser de graves soupçons de discrimination ethnique, et même de faux, sur le campus d’Ekounou confié à ma gestion en  tant que Vice Doyen de la Faculté. Je me penche ici sur le contenu de ce tissu de mensonges et de rumeurs qui mettent finalement en cause l’intégrité de l’équipe de Jésuites auxquels la gestion de la faculté est confiée depuis près de 20 ans. Je m’en vais clarifier un certain nombre de choses pour laisser entrevoir quelques valeurs fondamentales de la pédagogie jésuite. Je ferai d’abord quelques considérations préliminaires sur la lettre du Grand Chancelier avant de rétablir les faits sur les pratiques actuelles relatives au recrutement des enseignants et au recrutement des étudiants. Je terminerai par la question de la fausse attestation de réussite à laquelle mon nom est malicieusement associé.

1. Quelques interrogations
Le Grand Chancelier introduit sa lettre en affirmant que sa démarche fait suite à une requête du Conseil Supérieur de l’Ucac qui est la plus haute instance dirigeante de l’université au niveau sous-régional. Cette instance l’aurait « prié » de se pencher sur les statistiques de la Faculté de Sciences Sociales et de Gestion. Pourquoi seulement la Faculté de Sciences Sociales et de Gestion et non tous les autres établissements de l’Ucac, puisque c’est toute l’université avec toutes ses facultés qui est sous-régionale? Les autres facultés seraient-elles ethniquement équilibrées sauf la Faculté de Sciences Sociales et de Gestion ? Et puis, quel intérêt un évêque du Gabon, du Tchad, de la Centrafrique, etc. aurait-il à savoir quelle est la distribution régionale des étudiants Camerounais de la Faculté, si on ne lui a pas au préalable empoisonné l’esprit avec des soupçons malveillants relevant de nos « camerouniaiseries »?
Par ailleurs, à supposer que l’on s’en tienne à la Faculté de Sciences sociales et de Gestion, pourquoi avoir limité lesdites statistiques relatives aux étudiants au seul campus d’Ekounou confié à ma gestion alors que celle-ci dispose d’un autre campus à Nkolbisson? Quant au classement par région, mes modestes connaissances en anthropologie de la parenté et de ses évolutions récentes m’obligent à interroger les critères qui ont présidé à cette répartition : Nom ? Lieu de naissance ? Noms des parents ? Si oui, du père ou de la mère ? Et à quoi correspondent les régions au Cameroun ? Unité administrative ? Culturelle ? Ethnique ? Religieuse? Pourquoi avoir mis Nord-Ouest et Sud-Ouest ensemble ? Le Nord signifie-t-il Grand Nord ?
Quant à la surreprésentation des étudiants d’une région sur le Campus d’Ekounou, je ne peux ni l’infirmer ni le confirmer parce que les Jésuites qui ont la gestion de la faculté  n’ont jamais fait ce genre de statistiques et ne le feront jamais. Cela ne fait pas partie de nos valeurs. Tant que la faculté leur sera confiée, ils s’en tiendront au mérite !  Ce n’est même pas négociable ! Qui sommes-nous pour enfermer les enfants de Dieu dans les régions alors que la Parole de Dieu nous rappelle qu’avec l’eau du baptême, il n’y plus….  A cette allure on se demandera bientôt pourquoi il y a plus de chrétiens d’une région que d’une autre. Si le Grand Chancelier souhaite mener  une réflexion scientifique sur la représentativité ethnique à l’Ucac, et pas seulement à la Faculté de Sciences Sociales et de Gestion, qu’il s’adresse aux sociologues ou anthropologues. Ils ont de meilleurs outils méthodologiques et théoriques pour le faire !
Durant mes cinq années à l’Ucac, je n’ai jamais flairé chez les étudiants un problème de cohabitation ethnique, maintenant on leur prêche du sommet la polarisation ethnique sur fond de théorie du complot régional. Insinuer, en colportant une rumeur, que les enseignants de la région de l’Ouest favorisent systématiquement les étudiants de la même région grâce à des marques sur les copies qui permettent de contourner la précaution de l’anonymat relève simplement de la mythomanie. Les archives existent et  j’invite le Grand Chancelier à les faire auditer car je suis moi-même curieux de savoir à quoi ressemblent ces signes. Quant aux soupçons de tricherie qui pèsent sur les étudiants de la même région, je rappelle simplement que les étudiants de la Faculté de Sciences Sociales et Gestion passent leurs épreuves dans les mêmes conditions. Le Grand Chancelier peut toujours passer superviser les examens s’ils le souhaitent.
Ce qui est pour le moins troublant, voire préoccupant, dans la démarche du Grand Chancelier, c’est la facilité avec laquelle il a adhéré aux rumeurs et soupçons surréalistes puisque ses commentaires n’en sont que le relai. Il aurait pu confier au Recteur, qui n’a même pas reçu une copie de cette lettre adressée au Doyen, une enquête en bonne et due forme (ou au besoin un audit indépendant) sur ces allégations. Cela reste d’ailleurs possible et je ne demande que cela. Mais pour les raisons qu’il est le seul à maîtriser, le Grand Chancelier s’en est tenu à des données mal collectées et d’ailleurs imprécises, à des analyses biaisées. Je prends à témoin ce paragraphe fort suggestif de sa correspondance sur les enseignants permanents. A supposer que les chiffres du Grand Chancelier soient exacts, sur 29 enseignants,  il est dit que 11 sont du Centre, 1 de l’Est, 4 du Littoral, 9 de l’Ouest, et 4 non camerounais.  Mais au lieu de constater que les ressortissants du centre sont majoritaires, il arrive quand même à conclure que « l’Ouest s’en tire avec un pourcentage de près de 31,5% alors que le Littoral et le Centre ont 50% ».  Je suis faible en statistiques, mais quelle est la logique de ces additions ? Quel veut-on finalement prouver ? Que l’Ouest est majoritaire partout, même avec 9% ?

2. Au sujet du recrutement des enseignants associés et permanents
A l’Ucac, ce n’est pas la faculté qui recrute mais le rectorat. La procédure est bien connue et a toujours été respectée. La  Faculté de Sciences Sociales et de Gestion comme tous les autres établissements de l’Ucac exprime leurs besoins en personnel enseignant, le rectorat fait l’ouverture de postes (publiée dans Cameroon Tribune comme c’est le cas ces jours-ci) et recueille les dossiers qui sont ensuite renvoyés à la faculté pour avis. Les dossiers avec les avis de la faculté sont ensuite retournés au rectorat qui fait siéger le comité de recrutement. La commission prend connaissance de l’avis de la faculté mais n’est pas obligée d’en tenir compte comme cela est arrivé plusieurs fois. Les conclusions du comité de recrutement sont ensuite acheminées au rectorat qui procède à la nomination des nouveaux enseignants. Je signale qu’aucun ressortissant de la région de l’Ouest ne siège au comité de recrutement et que, jusqu’ici, il n’y a pas eu de Recteur originaire de la région de l’Ouest. Donc, s’il y a surreprésentation de la région de l’Ouest dans le corps enseignant, la Faculté n’y est pour rien. C’est le rectorat qu’il faut interroger !

3. Au sujet du recrutement des étudiants
Le concours d’entrée en première année de la Faculté est supervisé par le Doyen et le Vice Doyen appuyés par leurs assistants respectifs. Il est unique pour les deux campus et toutes les filières de la Faculté. Le Décanat conçoit les épreuves et veille à leur confidentialité jusqu’à leur administration. Aujourd’hui aucun de leurs collaborateurs ne participe à la multiplication et à l’empaquetage des épreuves, même s’il faut reconnaître qu’en cette matière il n’y a pas de risque zéro. Précisons que le concours est administré dans toutes les régions du Cameroun et dans tous les pays de la sous-région après une campagne soutenue d’information dans les établissements scolaires. C’est ce qu’indique le rapport du doyen adressé récemment au Conseil Supérieur : « Cette année, grâce à une politique de proximité que nous devons aux Missions – Ucac, le nombre des étudiants de première année en provenance du Tchad et du Gabon s’est accru. La même politique a été appliquée cette année pour la Centrafrique et le Congo Brazzaville. Ce qui nous laisse espérer un effectif plus important en provenance de ces pays  en première année à la rentrée 2012-2013. » (Rapport du doyen, 2012).
Après l’administration des épreuves, les assistants du Doyen et du Vice Doyen appuyés par les assistants pédagogiques (et aucun d’eux n’est de la région de l’Ouest) s’occupent de l’anonymat, du dispatching des copies aux correcteurs dont la listes est ouverte à tous les enseignants de l’Ucac, pas seulement de la faculté. Quel intérêt nos assistants qui ne sont pas de la région de l’Ouest auraient donc à mettre des signes sur les copies anonymées des candidats de la région de l’Ouest ? Et le dispatching des copies pour corrections se fait de manière aléatoire. Les archives de copies des sessions antérieures sont disponibles et une courte enquête aurait suffi pour éviter des insinuations diaboliques. J’invite le Grand Chancelier à les consulter. Après le retour des copies, ce sont encore nos assistants qui se chargent du désanonymat et du report de notes avant la saisie, qui est faite par un groupe de trois personnes et sous la supervision du Doyen. Après la saisie des notes, nos assistants préparent les documents pour le jury qui est ensuite convoqué et présidé par le doyen. Le Doyen et le Vice Doyen n’y ont jamais demandé une faveur pour un quelconque candidat et même les évêques se gardent de nous faire des recommandations ou demandes dans ce sens parce qu’ils connaissent notre réponse. Pour nous, l’entrée à la Faculté est fondée sur le culte du mérite.  Les considérations d’ordre ethnique ne font pas partie de nos critères d’appréciation et de nos valeurs. A la délibération, nous regardons les notes et pas les noms!
Cependant, nous sommes conscients du fait qu’il existe au Cameroun des zones d’éducation prioritaire au Cameroun et nous avons fait des efforts pour attirer les enfants de ces régions défavorisées à l’Ucac. En plus du programme de bourses ordinaire, le doyen et moi avons mis sur pied depuis 2010 un projet spécial de bourses dénommé Projet Jeunes Talents Ruraux (PROJETAR), pour aider les jeunes doués issus de ces zones mais de condition sociale modeste à étudier dans notre faculté. En 2010, 10 jeunes ayant fait leur scolarité dans les régions de l’Est et celles du Grand Nord sont entrés dans notre faculté par ce biais et obtiendront bientôt leur licence ! J’ai moi-même sillonné quelques établissements secondaires de la région de l’Est pour faire la publicité de cette opportunité.  En 2011, c’est la région du Sud qui a été servie et une autre dizaine de jeunes en a bénéficiées. Mais quelques une de ces bourses sont aussi allées aux étudiants tchadiens. En 2012-2013, en plus des étudiants camerounais et tchadiens, quelques étudiants centrafricains en seront aussi bénéficiaires. Le critère ethnique ne fait pas partie de la pédagogie Jésuite. C’est le mérite qui prime, mais avec une attention particulière aux couches les plus défavorisées, d’où la pratique de l’octroi des bourses depuis la création de l’institution.

4. Au sujet des attestations de réussite
En ce qui concerne la fausse attestation de réussite à laquelle mon nom est malicieusement associé, il convient d’abord de rétablir les faits. Cette fausse attestation a été découverte non pas dans mon service mais au Secrétariat des Affaires Universitaires dans la chemise des attestations qui étaient destinées à la confection des diplômes. Une simple comparaison lors du dernier Conseil du Recteur de cette année académique, en présence de tous les chefs d’établissement de l’Ucac, a montré que ma signature et celle du cosignataire (qui n’a curieusement pas été mentionné par le Grand Chancelier) avaient simplement été forgées. Le Doyen et le Recteur peuvent en témoigner.  Donc premièrement, c’est vrai que je signe des attestations de réussite du campus d’Ekounou mais elles sont toujours cosignées par le Secrétariat des affaires Universitaires qui est la seule instance qui produit les diplômes. Et pendant tout mon temps à l’Ucac, à ma connaissance, ce cosignataire n’était pas de la région de l’Ouest. Deuxièmement il suffit de reconstituer le circuit de production des attestations pour montrer que je ne peux pas avoir été l’auteur de cette fausse attestation : quand les procès-verbaux sont établis après les examens, la Secrétaire de la Faculté qui n’est pas de la région de l’Ouest produit les attestations ; elles sont vérifiées et côtés par mon assistante qui n’est pas de la région de l’Ouest, et c’est alors que je les signe. Je ne signe jamais un document qui ne porte pas la griffe de mon assistante. Or justement cette fausse attestation n’en porte pas !  Une fois signées, c’est mon assistante qui les récupère et les achemine au Secrétariat Universitaire qui les vérifie sur procès-verbal avant de les conserver. C’est d’ailleurs au Secrétariat Universitaire que sont retirées les attestations de réussite et non en faculté. Et puis, pourquoi s’étonner que des fausses attestations ou faux diplômes existent avec des signatures forgées, c’est chose courante ici et ailleurs ! Celle d’un de mes prédécesseurs avait aussi été imitée et frauduleusement utilisée avant d’être découverte.  Il revient à chaque institution de prendre des mesures et précautions pour protéger ses parchemins et à chaque employeur de prendre la peine de vérifier l’authenticité des diplômes des employés.

En guise de conclusion…
Puisqu’il l’a demandé, je rassure donc le Grand Chancelier que les Jésuites et leurs collaborateurs ne mènent pas une politique de discrimination ethnique et de faux sur le campus d’Ekounou. Il a été purement et simplement induit en erreur. Comme le dit notre maître à tous : « Tu connaîtras la vérité et la vérité te rendra libre » (Jn 8, 13).  Le Grand Chancelier a demandé et obtenu mon départ proche de l’Ucac pour des raisons politiques et non professionnelles. Et c’était bien avant la sortie de cette lettre ! Il faut que cela soit clair ! Je l’assume et je m’en vais ailleurs, serein et le cœur léger, servir la jeunesse africaine. Un Jésuite est un pèlerin…et sa paroisse c’est le monde. Mon horizon de service de l’humanité n’est pas une région, même pas le Cameroun mais le monde ! Je ne suis pas un saint, mais de grâce…on n’a pas besoin pour me noyer de m’accuser de rage. Je connais mes péchés, et ce ne sont ni la discrimination ni le faux. Si mes explications ne satisfont pas le Grand Chancelier, je lui propose une confrontation avec les plus hautes autorités de l’Université ou encore un débat public. Un chrétien n’a pas de région, il a des frères et sœurs à aimer. Mais que c’est difficile d’aimer son prochain comme soi-même !
P. Ludovic Lado, Jésuite
Vice Doyen de la Faculté de Sciences sociales et de Gestion
Université Catholique d’Afrique centrale