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Présidentielle 2011 : jeux sans enjeux

Présidentielle 2011 : jeux sans enjeux

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Le 09 octobre 2011, les citoyens camerounais, ceux qui ont eu la chance de s’inscrire sur les listes électorales et qui pourront avant le jour du scrutin retirer leurs cartes d’électeur, iront élire le président de la République du Cameroun pour les sept prochaines années. A la veille de cette importante échéance, Paul Biya,  chef de l’État et président national du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) a choisi de caresser dans le sens du poil ses concitoyens de l’Extrême-Nord du Cameroun afin de les amener à soutenir sa candidature. Pour le monarque présidentiel, les conditions naturelles des populations de cette région du Cameroun les ont rendus durs à la tâche, leurs modes de pensée ont fait d’eux des hommes et des femmes responsables, leur histoire leur a enseigné la patience. Ces vertus, poursuit-il,  le laissent penser que, si les moyens  étaient mis à leur disposition, ils seraient capables d’apporter à la République une contribution exceptionnelle.
C’est la raison pour laquelle  il espère que les électeurs de l’Extrême -Nord iront massivement voter le 9 octobre prochain, pour confirmer par leurs « suffrages que le « choix du peuple » est le bon choix  pour la prospérité de notre pays et pour [leur] prospérité ». Car, soutient-il, « une forte participation apportera la preuve de la vitalité du système démocratique camerounais ». Aussi, poursuit-il, « La Nouvelle Dynamique [qu’il a] impulsée permettra à notre pays de parvenir à l’émergence à l’horizon 2035.  Cette vision de l’avenir, celle d’un Cameroun émergent auquel nous aspirons tous, nous l’avions baptisée en 2004 « Les Grandes Ambitions ». Cette vision est en train de devenir une réalité et j’ai placé le prochain septennat sous le signe des « Grandes Réalisations » dont je souhaite vous rappeler les grandes lignes. »
Dans sa posture de  président sortant, il n’a pas manqué, comme toujours, de formuler une litanie de promesses - qui à coup sûr n’engageront que ceux y croiront - et de décliner les axes majeurs de sa politique au cours des sept prochaines années : au plan politique, économique et social.
En d’autres circonstances, Paul Biya avait déjà for opportunément rappelé à ses concitoyens que les « élections libres sont le seul moyen qui permette à chacun en son âme et conscience […] de se prononcer sur le devenir d’un pays […] et qui puisse donner à tous les Camerounais une chance égale de participer à la gestion des affaires publiques ».
Lorsque Paul Biya parle de démocratie, il sait très bien que cela présuppose aussi les élections. Ses propos laissent transparaître l’idée selon laquelle un peuple ne se gouverne qu’en choisissant les femmes et les hommes à qui il confie des missions précises. « La souveraineté nationale appartient au peuple camerounais qui l’exerce soit par l’intermédiaire du président de la République et des membres du Parlement, soit par voie de référendum», dispose l’article 2 de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996.
Au regard de tout ce qui s’est dit sur l’organisation et le déroulement des élections ces dernières années et compte tenu du fait que certains Camerounais ne croient plus aux propos peu rassurants des responsables d’Elecam, partisans, soupçonnés de manœuvrer pour la victoire de Paul Biya, le Nnom gui a bien voulu assurer ses concitoyens , principalement les électeurs, de sa volonté d’impulser une nouvelle dynamique pour un Cameroun émergent en 2035.  A-t-il réussi à les convaincre ?
Toujours est-il que les actions quotidiennes du régime en place et de ses défenseurs semblent toujours s’inscrire en faux contre ses discours lancinants et lénifiants. Aussi certaines dispositions constitutionnelles - qui imposent l’appartenance à un parti politique comme condition d’éligibilité, malgré la liberté d’association, droit fondamental reconnu aux citoyens par la Constitution et  par la Déclaration universelle des droits de l’homme, c’est-à-dire une pratique discriminatoire qui interdit certains d’élections - ne plaident-elles pas en faveur de la volonté du chef de l’État de démocratiser  la vie politique nationale et d’assurer la sincérité et la transparence des scrutins. Cette situation et ces pratiques ont rendu plusieurs Camerounais sceptiques quant à la volonté réelle du régime en place d’organiser les élections transparentes et justes.
Pour ceux-ci, toutes les dispositions ont été déjà prises pour que Paul Biya remporte la prochaine élection présidentielle. Aussi estiment-ils qu’il n’est pas possible, après 51 ans de règne sans partage d’un régime d’abord dictatorial, puis pseudo-démocratique et d’un État administratif partisan, que ses dirigeants - englués dans la corruption et les privilèges matériels et sociaux, frappés pour certains d’amnésie et de sclérose intellectuelles - se prétendent encore être en mesure d’impulser et de piloter unilatéralement le changement, les réformes administratives, économiques et surtout institutionnelles qui s’imposent, pour libérer les énergies créatrices d’un peuple qui devra les juger.  Ils pensent aussi qu’il n’est plus possible qu’un régime qui fait semblant d’être démocratique - mais qui ne se hâte pas pour le devenir véritablement et qui ne fait que des concessions formelles en les vidant de tout contenu -  ne peut pas organiser les élections sincères et transparentes.  Même Saint Augustin - pas Kodock, heureusement-  aurait douté, lui qui pensait très simplement et sans hésitation que « pour rendre un homme meilleur, il faut s’obstiner  à le croire bon »
Face à ce que d’aucuns considèrent comme étant une farce démocratique, les résultats de la prochaine  élection étant déjà connus d’avance, il est tout de même aisé de s’interroger sur les capacités de ce qui tient lieu d’opposition ou de ce qui en reste, d’impulser un changement démocratique dans notre pays. Autrement dit, que peut faire une opposition alimentaire, fragilisée par des faux jetons, constituée de satellites du Rdpc,  d’opportunistes et de joueurs de Pari mutuel urbain camerounais (Pmuc), d’indigents intellectuels et matériels en mal d’immunité-refuge ? Que peuvent ces saprophytes qui, par leur participation sans un minimum de garantie sur la sincérité du scrutin, ont accepté de cautionner une forfaiture ?
Elle glanera quelques voix, après avoir fait trop de bruit pour rien. Ensuite, elle fatiguera les oreilles des citoyens de leurs sempiternelles jérémiades. Comme à l’accoutumée, elle viendra devant le peuple faire son cinéma en accusant le régime en place de fraudes. Ce faisant, elle jouera parfaitement le rôle de faire-valoir démocratique qu’elle a toujours joué avec le concours intéressé du pouvoir en place.  Elle ne pourra pourtant invoquer, plus tard,  aucune raison pour expliquer son incapacité à infléchir une décision du pouvoir en faveur du peuple, étant donné qu’elle aura fait semblant, pour des raisons alimentaires évidentes, de méconnaître la nature profonde du système Biya.
Afin que nul n’en ignore, le philosophe Fabien Eboussi Boulaga nous rappelle la manie de ceux qui nous gouvernent depuis plus de 50 ans : « (1) Ceux qui nous gouvernent ont posé comme intangible la résolution suivante : ne montrer aucun signe de faiblesse. Ils l’ont tenue et appliquée, en l’interprétant ainsi : il ne faut faire aucune concession, sinon pour la forme, en la vidant de tout contenu ou à titre de ruse et de diversion avant d’user de la force. Jamais, aucun membre de ce régime n’a reconnu d’erreur sinon en termes généraux et abstraits du genre : « nul n’est parfait », « toute œuvre humaine est perfectible ». Tripartite, législative, présidentielle ont été menées quand et comme ils l’ont entendu. Il n’est pas douteux qu’ils continuent de la sorte. (2) Ils ont posé que le pouvoir d’État consistait dans le monopole de la violence et des ressources financières nationales. Gouverner, en ce cas, ne consiste pas à prévoir, à permettre à une communauté historique donnée de prendre les décisions et d’entreprendre les actions qui assurent la survie et la vie bonne à rencontre des forces de la nature et des ennemis du dedans et du dehors. User de ses capacités d’intimider, d’emprisonner, de tuer, ne devient acte de gouvernement que si cela est reconnu comme partie du contrat immémorial qui lie l’homme à l’institution politique, où l’on donne contre la protection et la confiance. Mais, quand l’État est devenu le plus grand agent provocateur d’insécurité, quand l’entretien de celle-ci est un moyen ordinaire de régner, il n’y a plus d’État ».
Si le pouvoir en place peut tout se permettre, c’est bien parce que cette opposition n’a pas encore compris (ou a toujours fait semblant de ne pas comprendre) l’importance des coalitions, des alliances et des regroupements stratégiques, face à un adversaire déloyal,  hyperpuissant qui utilise les moyens de l’État et qui fait flèche de tout bois pour conserver le pouvoir.  Au moment où le charisme de certains leaders est en crise ; au moment où les querelles ethniques, de leadership continuent d’effriter la cohésion nécessaire à l’élaboration des stratégies pertinentes, le moment semble venu pour un renouvellement de la pensée au sein de l’opposition et de la société civile afin que les actions à entreprendre en faveur de l’enracinement des projets de l’alternance dans un vaste mouvement social, soient efficaces.
Paul Biya a certes verrouillé tout le processus électoral pour assurer sa réélection. Mais un second, voire un  troisième tour social pourrait bien se profiler après le scrutin. C’est dire si  la grande bataille devrait être engagée et gagnée après cette élection.

Jean-Bosco Talla

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