Pourquoi Paul Biya est une pire catastrophe pour le Cameroun

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Gouvernance: un désastre s’abat sur le Cameroun
Bientôt 30 ans au pouvoir. Cela  ne lui a pas suffi pour étaler son incapacité et son incompétence. Hisser son pays au rang des grandes  nations qui comptent dans l’échiquier mondial. Pays paradoxalement riche, tant en ressource humaine que matérielle. Non content de s’être maintenu contre vents et marées  par la ruse et imposé par la roublardise, il s’apprête à renouveler un autre bail de sept ans à la tête de son pays. En s’appuyant, non sur un bilan satisfaisant, mais sur un autre coup de poker menteur, en jurant par ses récentes décisions, (route Bafang-Nkonjock et autres chantiers du même tonneau…) de faire, en un ultime septennat, ce que trois autres avant,  n’ont pu le décider à faire ce pour quoi il est le président de la République, à savoir  apaiser les souffrances de ses compatriotes.  A défaut de leur apporter la prospérité à laquelle ses slogans de rigueur et de moralisation avaient fait croire à l’entame de son pouvoir, c'est une nouvelle longue marche vers l’enfer des Camerounais qui s'amorce.

Aidé par un entourage cache-sexe, il ne peut plus se cacher  derrière son petit doigt pour justifier tous les rendez-vous manqués avec l’histoire, pourtant si  généreuse, qui le fit un jour de novembre 1982, le chef de l’Etat du Cameroun. Quelque indulgent qu’on veuille être à son encontre, un truisme sur lequel on s’accorde aujourd’hui, est que Paul Biya est maitre du chaos qu’il a crée qu’il cherche à tout prix à laisser en héritage aux camerounais. Le plus grand mal que Ahmadou Ahidjo a fait aux Camerounais est d’avoir confié la gestion du Cameroun à Paul Biya qui passe plus de temps à l’hôtel Intercontinental de Genève qu’à Etoudi.

Paul Biya, responsable de la catastrophe

Ils ont cru détruire l’ouvrage de Fanny Pigeaud. Ils ont réussi à booster les ventes de ce chef d’oeuvre qui nous renvoie notre image.
Fanny Pigeaud, journaliste, ex-correspondante au Cameroun de l’Agence France-Presse et du quotidien Libération, vient de commettre aux éditions Karthala un ouvrage, Au Cameroun de Paul Biya qui fait des vagues dans le landernau politique camerounais.  Tous les moyens sont bons pour réduire la portée et l’impact de cet ouvrage qui, malgré quelques imprécisions et imperfections mineures, demeure un chef d’œuvre qui, non seulement arrive, au moment opportun - quand le temps semblait avoir passé sur les mémoires - mais renvoie à la face des truands, des prédateurs et du monarque de la République, à la manière d’un miroir,  la face hideuse de la gouvernance politique au Cameroun. Comment donc s’étonner de la sortie d’un certain Franck Robert Herviaux - pseudonyme d'un valareux Camerounais, enseignant/journaliste/écrivain, qui prête souvent ses services au Cabinet si vil de la présidence de la République du Cameroun moyennant espèces sonnantes et trébuchantes -  qui affirme dans les colonnes de certains journaux (Repères et La Nouvelle) avoir « été l’un des premiers journalistes français contactés par les véritables auteurs, les marionnettistes et les vrais initiateurs de ce projet éditorial intitulé, aujourd’hui, Au Cameroun de Paul Biya et qui aurait refusé parce que, dit-il , « les tireurs de ficelles qui ne sont autres que les compatriotes du président camerounais, ses opposants ou ses délateurs à coup sûr, eurent souhaité que ce fût un étranger, et de surcroit un français qui en endossa la paternité de cette publication. »
Il faut être un niais pour croire aux fariboles du fameux Herviaux. Avant lui d’autres journalistes camerounais avaient été invités pour effectuer la sale de besogne de démolition de l’ouvrage de Fanny Pigeaud. Les partisans de Paul Biya qui veulent « détruire » Au Cameroun de Paul Biya, contribuent efficacement et inconsciemment à faire sa publicité et à booster les ventes. Ils contribuent ainsi à accréditer la thèse selon laquelle (presque) tout ce que Fanny Pigeaud a écrit est vrai, même s’il est vrai que l'on peut interroger la démarche méthodologique adoptée par Fanny Pigeaud, l'organisation du contenu de son travail, son partie pris manifeste, des imprécisions et imperfections qui prêtent le flanc à la critique. C’est d’ailleurs pour la majorité des Camerounais une sorte d’évidence : Paul Biya a détruit le Cameroun. Les Camerounais attendent les marches et les émotions de soutien que Marie Claire Nnana, directrice générale de la Société d’édition et de presse du Cameroun (Sopecam) publiera le 09 octobre 2011 dans le tome 6 de L’Appel d’un peuple famélique, qui meurt de choléra et qui est vêtu de guenilles. Fanny Pigeaud a réussi son coup à quelques encablures de l’élection présidentielle, celui d’avoir réussi à braquer tous les projecteurs de l’actualité politique sur son ouvrage qui s’achète désormais comme de petits pains à la librairie des Peuples noirs, sise au quartier Tsinga à Yaoundé. Elle qui affirme à juste titre que la synthèse des « années Biya» qu’elle a faite « devrait aider les jeunes camerounais à mieux connaître et à comprendre le cheminement de leur pays, dont la mémoire historique, même récente, est très peu entretenue, et ce alors qu’une époque est sur le point de s’achever. En effet, même si Biya, âgé de 78 ans en 2011, semble vouloir – il ne l’a pas encore officiellement dit – se présenter à l’élection présidentielle prévue en octobre 2011 et ainsi prolonger son long séjour à la tête de l’État, il n’est pas éternel : chaque jour rapproche le Cameroun du moment où le pouvoir changera de mains et où les Camerounais devront, s’ils veulent donner un avenir à leurs enfants, faire le bilan des décennies passées. »
Faut-il le souligner, cette synthèse des « années Biya » faite par Fanny Pigeaud permet aux Camerounais de savoir qui est responsable de la situation catastrophique dans laquelle le Cameroun se trouve aujourd’hui. Indiscutablement, le responsable de cette tragédie camerounaise est Paul Biya, lui qui, selon les dispositions de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996, définit la politique de la Nation dont le gouvernement est chargé de la mise en œuvre  (Art.11-1) ; nomme le premier ministre et, sur proposition de celui-ci, les autres membres du gouvernement (article 10-1) ; fixe leurs attributions et met fin à leurs fonctions ; nomme aux emplois civils et militaires de l’État (art.8-10).

Dératisation

Charles Atéba Eyené ne dit pas autre chose quand il scrute le repaire des « bandits » qu’est le Rassemblement démocratique du peuple camerounais quand il affirme que « les truands » ont infesté le parti de Paul Biya et appelle à la dératisation. Pour l’auteur de l’opuscule intitulé Le congrès ordinaire du Rdpc de 2011 et ses enjeux pour la survie ou le déclin du parti, « Après avoir déréglé le parti en voulant maladroitement tenir le rôle d’avant-centre, plutôt que celui de l’arbitre, les truands du Rdpc vont certainement l’amener à atteindre précocement son rôle d’incompétence. Déjà, le parti a pris un sérieux coup dans les batailles orchestrées par ces camarades plus qu’encombrants. Barrer la route aux truands, devrait être le premier combat véritable du Secrétaire général et de son équipe au cours de ce congrès. Il ne faudrait absolument pas qu’on entende dire que quelqu’un est entré au Bureau politique ou au Comité central parce qu’il a fait parler sa poche, du fait de ses origines ou du fait du socle familial, le militantisme n’étant pas héréditaire ». Même si l’auteur des Paradoxes du pays organisateur n’attribue pas les  responsabilités à ses idoles que sont Paul Biya et Réné Sadi à qui il a dédicacé son récent opuscule, il reste qu’en dernière analyse, les maux qu’il stigmatise et qui minent ce parti administratif sont la conséquence logique d’une confiscation et d’une gestion calamiteuse du Rdpc par Paul Biya et sa clique. La dératisation du Rdpc, par ricochet du Cameroun,  dont parle Atéba Eyéné passe impérativement par le départ organisé, en ordre ou forcé de la tête de cette formation politique, de l’État du Cameroun du monarque présidentiel et de ses thuriféraires hypocrites. Leurs noms sont écrits, noir sur blanc, dans les 5 volumes de L’Appel du peuple publiés par les éditions Sopecam, documents d’une portée historique inestimable, car, ils permettront aux futurs dirigeants du Cameroun de connaitre les noms des personnes et personnalités, partisans du statu quo, qui se sont vivement opposées au changement et à l’avènement d’un état de droit démocratique au Cameroun.
Jean-Bosco Talla

Tripartite: embryon d'une descente aux enfers

Les fourberies politiques de Paul Biya, si elles l’ont souvent servi, finissent toujours par lui jouer un mauvais tour.
Ainsi en est-il du débat aujourd’hui ouvert par les éminents juristes sur  l’inéligibilité de l’actuel président de la République, après la révision constitutionnelle d’avril 2008 ; une révision qui n’avait concernée que l’article 6 alinéa 2 de la constitution du 18 janvier 1996, relative à l’élection du président de la République. Pour bien compembryonrendre l’art du boulanger dont se sert l’homme du 6 novembre, qui malheureusement ou heureusement voit le piège tendu à ses opposants se refermer autour de lui, il conviendrait de remonter le cours de l’histoire politique récente du Cameroun.
En effet, nous sommes en 1990 et à l’instar de la plupart des pays de l’Afrique subsaharienne qui sont encore insidieusement sous la coupole de l’ancienne puissance colonisatrice, la France (pour ne pas la nommer), le Cameroun connait des secousses sociopolitiques sans précédent du fait de l’emprise du discours «mitterrandien» de la Baule en juin 1990 qui conditionnait désormais l’aide au développement des pays du Sud à l’instauration du multipartisme et de la démocratie. Meilleure occasion pour les hommes politiques et les membres de la société civile, animés d’un esprit de changement de système politique, de formuler une litanie de revendications, parmi lesquelles l’organisation d’une Conférence nationale souveraine (Cns) et, à la suite, des élections libres et transparentes.   
C’est ici que Paul Biya, frappe et réussit son premier coup de poker car, contrairement à beaucoup d’autres pays voisins, les lexicologues du gouvernement de l’époque ne sont pas allés loin pour trouver une terminologie digne des grands maîtres dans l’art de la roublardise politique. C’est ainsi que le terme «Tripartite » devait être imposé à la place de « conférence nationale souveraine », l’intention étant de ne pas accéder favorablement aux doléances des partisans du changement puisque pour Paul Biya, resté inflexible : « La conférence nationale souveraine  est sans objet ! », avait-il  toujours martelé.

Le piège s’ouvre…

C’est ainsi qu’à la place d’une conférence nationale souveraine, devait se tenir, à l’initiative du Président Paul Biya, la rencontre tripartite, organisée du 30 octobre au 17 novembre 1991, au palais des congrès de Yaoundé. Les 300 participants à cette rencontre représentants les pouvoirs publics, les partis politiques et la société civile avaient pour objectif de désamorcer une bombe sociopolitique née de l’impossibilité pour le régime et les partis d’opposition à s’entendre sur la meilleure façon de gérer la transition démocratique au Cameroun.
Dans la logique de la préparation de ces assises, le président de la République avait manifesté,  dans une adresse à la nation le 11 octobre 1991, l’intention de faire de la tripartite « un véritable code d’honneur démocratique », en exhortant les leaders des partis d’opposition à prendre part à cette rencontre historique « pour qu’ensemble nous préparions sereinement les règles du jeu de l’avenir démocratique de notre pays », avait-il souhaité avant de préciser plus loin : « les décisions […] s’imposeront à tous ». Mais entre ce discours officiel et la réalité, le fossé était grand dans la tête de M. Biya, puisque comme le note le magistrat Emmanuel Kengne Pokam, observateur averti de la scène politique camerounaise de l’époque, « Paul Biya voulait une simple rencontre entre les acteurs socio-politiques  camerounais présidée par son Premier ministre avec un secrétaire désigné par lui, qui, au terme des travaux, allait adresser le Procès-verbal signé par lui et  le Président, mais dont le contenu n’avait aucune valeur juridique et ne s’imposait à aucune des parties à la rencontre ». Cela s’appelle avoir une culture de double langage caractéristique des hommes du Renouveau.
L’autre feinte préparée pour distraire les parties prenantes à cette rencontre est l’ordre du jour qui se limitait à deux points, à savoir : la réforme de la loi électorale pour les Législatives et le code médiatique tendant à réglementer l’accès aux médias officiels par les partis politiques, alors que les participants souhaitaient aller au-delà pour évoquer des questions devant permettre la refondation de la gouvernance de l’Etat. En outre, cette rencontre était un piège à cons non seulement dans la mesure où en coulisses, des pions du régime faisaient des yeux doux à certains leaders politiques afin que ceux-ci brisent la dynamique de la Coordination des partis de l’opposition, mais aussi parce que le Chef de l’Etat se proposait de rencontrer individuellement les membres de la Coordination. Et quand on sait que ces assises, contrairement à ce qui avait été arrêté de commun accord, n’avaient pas été diffusées en direct de la télévision nationale (la seule chaine à l’époque), l’on comprend que la sincérité et la sérénité n’étaient pas au rendez-vous de cette rencontre.

… Et se referme

Ce pendant, en dépit de la mésentente observée au sein de la Coordination pendant la Tripartite, les leaders d’opposition réussiront à imposer un troisième point majeur à l’ordre du jour, à savoir la Réforme constitutionnelle, sans compter d’autres sujets non prévus initialement ; ce qui avait provoqué un courroux Paul Biya contre son Premier ministre de l’époque, M. Sadou Hayatou « au point de tenter de vouloir tout reprendre suivant le canevas qu’il avait prévu », précise Kengne Pokam qui poursuit : «Mais, il était déjà trop tard, car les accords du 13 novembre 1991 auxquels avaient donné lieu les travaux de la Tripartite, avaient été déjà signés et diffusés tant au plan interne qu’au plan international », avant de conclure pour le regretter : « certains leaders de l’opposition […] par idiotie, allaient lui donner le motif de refuser de respecter les engagements pris par son Premier ministre dans les Accords du 13 novembre », faisant ainsi allusion au rejet de ces Accords par Ni John Fru Ndi, le Chairman du Sdf, principal parti de l’opposition.
Mais au-delà de cette récrimination, l’on retiendra pour l’essentiel que la Tripartite n’aura pas été une rencontre pour rien, loin s’en faut. Car, s’il est une victoire que les partis d’opposition et les membres de la société civile, c’est bien d’avoir réussi imposer l’idée d’une réforme constitutionnelle, contre le gré du gouvernement. Au bout du compte, le Cameroun devait se doter d’une Loi fondamentale le 18 janvier 1996. Cette Loi qualifiée de consensuelle, constituait une sorte de «pacte républicain» signé entre les leaders de l’opposition et Paul Biya ; ce dernier ne pouvant plus avoir droit qu’à deux mandats de sept ans chacun puis de laisser place à l’alternance en se retirant, puisque l’article 6 alinéa 2 disposait : « Le président de la République est élu pour un mandat de sept (7) ans renouvelable une fois ».
A l’analyse, cette disposition de la Constitution avait beaucoup contribué à apaiser le climat sociopolitique de l’époque qui était pourtant électrique et favorable au départ de Paul Biya. Mais comme l’art du politique du président de la République a toujours moins visé l’amélioration du bien-être des Camerounais que son maintien au pouvoir, en février 2008, la modification constitutionnelle n’avait visé que ce fameux article 6.2, dans l’espoir que l’homme du 6 novembre au pouvoir depuis 30 ans se représenterait à la présidentielle de 2011, incarnant ainsi une présidence ad vitam aeternam dans une République. Et c’est là où le bât blesse puisque le «principe de la non rétroactivité» d’une loi, fait que l’article 6.2 modifié ne peut s’appliquer au président en fonction. Du coup, Paul Biya et ses lieutenants sont pris de cours et se lancent dans une opération de charme désespérée qui se traduit ces derniers temps  par des tonnes de tomes d’appels à candidature. La panique n’est vraiment pas du côté de l’opposition, comme quoi, le voleur a été pris dans son propre piège.
Simon Patrice Djomo

Au nom de l'opacité: les commissions d'enquêtes alimentaires

Sous le Renouveau, le Cameroun a connu toute sorte de crimes, d’incendies, de coups de vol, etc. Mais, tous n’ont toujours pas été élucidés, pourtant, des commissions d’enquête ont été créées. Tout semble se passer comme si cela était voulu par le régime de M. Biya qui a fait de l’opacité sa règle de gouvernance.
En août 1986, des dizaines de centaines de compatriotes du nord-ouest perdent la vie, après avoir inhalé un gaz toxique. Même les animaux n’avaient pas pu résister à la toxicité de ce gaz mortel. Les aides et autre assistance des pays amis n’avaient pas pu faire taire les rumeurs des plus naïves au plus pernicieuses. Pendant que certains évoquaient une émanation de gaz du fond du Lac Nyos qui jouxte le village, d’autres poussaient l’impertinence jusqu’à croire que ce qui arrive à ces populations est le résultat des essais des bombes nucléaires… Une telle inflation dans les supputations se justifie par le retard et même l’absence d’une bonne communication autour d’un évènement aussi grave. On peut donc penser que la commission d’enquête créée n’avait pas servi à grand-chose. Mais, les pouvoirs sont presque restés de marbre.  
Autre évènement malheureux, même attitude. Le 14 février 1994, le quartier Nsam à Yaoundé vit un drame : des dizaines de camerounais sont calcinés dans un incendie au moment où ils étaient en train de puiser du carburant des citernes tombées suite au déraillement des wagons d’un train. Au-delà des larmes, de la prise en charge des sinistrés et leurs familles, après le déguerpissement des populations environnantes, l’on s’attendait à ce que les autorités de Yaoundé rendent public les résultats de l’enquête de la commission mise sur pied  par le président de la République. Malheureusement, les camerounais ne savent pas encore exactement ce qui s’était réellement passé au quartier Nsam ce jour ; tout comme ils ignorent encore quelles sont les responsabilités des uns et des autres et par conséquent, les sanctions y afférentes.
Dans la liste des sinistres qu’a connus le Cameroun ces dernières années figure en bonne place l’explosion de la poudrière du quartier général à Yaoundé. Là aussi des rumeurs de coup d’Etat sont allées bon train, et la commission d’enquête créée à cet effet, semble n’avoir été qu’un décor formel puisque ses résultats n’ont jamais été rendus public. Les camerounais ne savent donc pas exactement ce qui s’était passé en 2002. Bien sûr, les questions militaires sont très sensibles, mais pourquoi avoir informé l’opinion de la création d’une commission d’enquête pour faire la lumière sur cet incendie ?
Dans cette affaire, comme dans bien d’autres, à l’instar de l’incendie du palais de verre de Ngoa Ekellé, des marchés de Bafoussam, Douala, Ngaoundéré, etc., des coups de vols répétés dans les ministères, des crimes de sang, etc., où des Commission d’enquêtes sont créées, l’opacité arrange le gouvernement, puisqu’il est difficilement acceptable que l’on promette de faire la lumière sur une chose mais c’est plutôt l’obscurité et le flou qui sont entretenus.

Mépris et arrogance

Il n’y a pas mille manières de mépriser un peuple au nom duquel l’on prétend tirer sa légitimité lorsqu’on n’est pas capable ou que l’on refuse délibérément de mettre à sa disposition la vérité, celle qui n’est pas travestie dans l’intérêt de ceux qui gouvernent. Quand les intérêts de la République sont menacés par des actes irresponsables, ou lorsque les contours d’un incendie, par exemple, échappent encore à la compréhension de l’opinion, que peut et doit attendre le peuple du gouvernement ? Il est évident qu’il n’y a que la vérité et non des entourloupes que ce peuple attend.
Au Cameroun, on a le sentiment que la valeur éthique du peuple ne préoccupe pas assez l’oligarchie gouvernante. Sinon, comment comprendre que l’on n’ait jamais rendu public les résultats de l’enquête d’une commission, pourtant créée pour non seulement comprendre et éclairer le citoyen, mais aussi pour penser des mesures correctives voire participatives. Au lieu de s’acquitter de ce devoir républicain, le gouvernement préfère jouer la carte de la langue de bois, celle qui consiste à invoquer le caractère sensible et stratégique d’une information pour ne pas la mettre à la disposition des camerounais. D’ailleurs nombreux sont les camerounais qui ont plus qu’une simple conviction, presque la certitude qu’au pays de Paul Biya, commission d’enquête est synonyme d’opacité autour d’une affaire. La conséquence d’une telle attitude est simple : c’est qu’en l’absence d’une information officielle fiable, le cancer social appelé rumeur enfle et se métastase au sein de l’opinion. Nous espérons simplement qu’un jour viendra où le jour se fera sur toutes ces affaires obscures.      
S.P.D

Un patriotisme de mauvais aloi

Depuis un certain, des appels au patriotisme sont lancés en direction des Camerounais par les caciques du Rdpc. Le régime antipatriotique de Yaoundé espère ainsi agiter le spectre d’une menace extérieure pour mobiliser les Camerounais qui ont faim et qui ont besoin d’eau et d’électricité derrière le monarque présidentiel vieillissant.
L’environnement international actuel qui donne des insomnies aux pires dictateurs vêtus d’oripeaux de pseudo-démocrates, fait hésiter, voire frémir tous ces gérontocrates au pouvoir appelés à organiser des élections présidentielles dans leurs pays. Ce d’autant plus que, comme on le voit un peu partout dans le monde et principalement en Afrique, la « Communauté internationale » est décidée à faire tomber systématiquement tout ce qu’elle considère comme régime gérontocratique.  Le régime de M. Biya en est-il un ? La réponse semble évidente dans la mesure où il y a des indicateurs objectifs que nul ne peut discuter comme étant des caractéristiques d’un tel régime.
En effet, il serait intellectuellement malhonnête et politiquement malsain de ne pas ainsi qualifier ce régime instauré au Cameroun depuis 1982 par «l’illustre successeur» du président Ahmadou Ahidjo. Avec la probable chute prochaine du Guide libyen, Paul Biya qui aura officiellement 80 ans le 13 février 2012, est actuellement le troisième président le plus ancien au pouvoir en Afrique, du fait de ses 30 ans de règne à la magistrature suprême du Cameroun. Une telle longévité est désormais mal perçue par les occidentaux, et à Yaoundé, on en est parfaitement conscient. Aussi, exhume-t-on un concept, celui du «patriotisme» qui a disparu des discours politiques des dirigeants, pire, ne transparaît dans presqu’aucun de leurs actes politiques au quotidien, démontrant par-là que, pour ce régime de vieillards,  le patriotisme est plus un slogan creux qu’un sentiment d’attachement et d’amour qu’on peut avoir pour sa patrie et ses compatriotes. Si les dirigeants camerounais actuels étaient des patriotes, ils travailleraient pour le mieux-être des Camerounais au lieu de les laisser dans le dénnuement total et de les tenir captif de leurs instinct de conservation.

Menaces extérieures

Avec la tenue de l’élection présidentielle en octobre prochain, règne au sein de la classe politique et même de la société civile une certaine appréhension sur l’issue de ce scrutin : incertitudes, dangers, et risques de toutes sortes sont au menu des spéculations. Cette peur de l’incertitude électorale, surtout perceptible du côté du pouvoir, en dépit d’une apparente sérénité, naît de l’intérêt diplomatique peu ordinaire dont le pays de Paul Biya a été l’objet ces derniers temps de la part des dirigeants occidentaux.
L’on se souvient en tout cas que des lettres ont été adressées au peuple camerounais et à M. Biya par les hauts responsables américains. C’est Hillary Clinton, la secrétaire d’État américaine, qui ouvre le bal en émettant le vœu que l’élection présidentielle se tienne cette année : « que les peuples du Cameroun exercent leurs droit de vote au plus tard cette année au cours  d’un scrutin présidentiel libre, transparent, juste et crédible », écrira-t-elle dans une correspondance adressée aux autorités camerounaises la veille de la fête nationale du 20 mai dernier. Le caractère inhabituel d’une telle missive a évidemment donné des sueurs froides au régime de Yaoundé. Mais pour calmer une situation d’inconfort diplomatique dans laquelle les autorités camerounaises se sont retrouvées, Barack Obama lui-même écrira, une semaine plus tard, à Paul Biya, pour lui adresser, à l’occasion de la fête nationale, les « vives et chaleureuses félicitations du peuple américain […] ». Le président américain qui connait certainement bien la psychologie des dirigeants noirs conclura en ces termes : « puissent la paix et la prospérité régner sur la République du Cameroun ».
Quelques jours plus tard, c’est à un véritable balai diplomatique qu’on assistera au palais de l’Unité. D’abord, Johnny Carson, sous-secrétaire d’État américain aux affaires africaines et émissaire spécial de Barack Obama est reçu le 27 juin 2011 par le président Paul Biya et par M. Eyébé Ayissi Henri, ministre des Relations extérieures. Au menu des entretiens : transparence électorale. Ce séjour lui aura aussi permis de rencontrer la société civile. Il n’y a pas que les américains qui s’intéressent à l’avenir politique du Cameroun mais, les français eux aussi. Ainsi, le 30 juin dernier, c’est au tour de l’émissaire de Nicolas Sarkozy, Henri de Raincourt, ministre français chargé de la coopération, d’être reçu par le chef de l’État camerounais. Entre autres sujets évoqués par les deux hommes, figure encore la question de la transparence électorale à la prochaine présidentielle. À côté de ces rencontres au sommet, signalons les visites des diplomates occidentaux aux leaders de l’opposition et aux responsables d’Elécam ; toutes choses qui ont contribué à faire croire à l’opinion publique et même au gouvernement que la communauté internationale veut s’ingérer dans les affaires intérieures du Cameroun, puisqu’il se dit, par exemple, que ces chancelleries occidentales ne seraient pas favorables à une nouvelle candidature de Paul Biya, en octobre prochain.
D’ailleurs, pour montrer que le gouvernement n’est pas resté insensible à tout ce qui se tramerait, à le parti au pouvoir, maintes reprises, n’a jamais cessé, depuis que le danger a été perçu, d’agiter l’argument de la souveraineté nationale face à ce qu’on appelle de ce côté «les pressions extérieures». Par la voix de son secrétaire général, Emmanuel René Sadi, le Rdpc prévient : « Nous ne subirons pas le choix de l’extérieur […] ce sont les Camerounais qui doivent apporter des réponses aux problèmes camerounais ».

Appel au patriotisme

Ces propos de ce proche de Paul Biya sonnent comme un véritable appel au sens patriotique des camerounais, face aux menaces extérieures. Mais en réalité, cet appel interroge notre conscience : pourquoi vouloir s’appuyer aujourd’hui sur le patriotisme des camerounais pour contrecarrer une supposée ingérence étrangère, alors même que lorsque ce régime veut se légitimer, comme ce fut le cas en 1992, après la très controversée victoire de M. Biya face à Fru Ndi, il se retourne vers cette communauté internationale ?
Et puis que peut valoir cet appel, pour un peuple à qui il manque le minimum vital, situation bien voulue par le régime pour se maintenir au pouvoir, car comme disent les dirigeants rdpcistes, tant qu’un camerounais ne mange pas à sa faim, leur mission ne sera pas terminée. En réalité, l’on n’aurait pas eu besoin de rappeler au peuple camerounais si les conditions de vie étaient minimalement acceptables.
Dans tous les cas, le contexte dans lequel l’élection présidentielle de cette année sera organisée, est différent de celui de 1992, par exemple. En fait de patriotisme, à cette heure, il n’y a pas de leçon à donner au peuple camerounais.
Simon Patrice Djomo

Des sorciers pour un bal masqué

Le chef de l’État, pour se donner des apparences démocratiques consulte les leaders politiques et d’opinion mais ne prend pas en compte leurs propositions. Décidement, Paul Biya est le Grand Maître de l’escroquerie politique.
Paul Biya, au pouvoir depuis bientôt 30 ans est un homme atypique. Les analystes politiques le présentent comme un disciple de Nicolas Machiavel. Comme Le prince, le président national du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) use de tous les moyens et artifices pour exercer et conserver le pouvoir. De par sa nature, on ne lui connaît pas dans le passé des actions musclées pouvant montrer qu’il est un homme de caractère. Son illustre prédécesseur l’avait qualifié d’homme fourbe. Le temps a passé et beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Sur le fond, l’homme n’a pas changé. Mais, il multiplie les stratégies cosmétiques pour donner l’impression que les choses bougent. Mettant en application le fruit des travaux de ses nombreux conseillers grassement rémunérés, L’homme lion, le roi du Cameroun, a procédé à de nombreuses consultations depuis l’avènement au forceps de la démocratie au Cameroun dans l’optique de montrer qu’il tient compte de l’avis de ses compatriotes dans le choix des personnalités appelées à assumer certains fonctions délicates. Mais seulement, la décision qu’il prend à l’issue des entrevues qu’il fait organiser par ses différents commissionnaires pompeusement appelés « chef du gouvernement » cache mal les habitudes d’un homme qui peine à se débarrasser de ses vieux réflexes. Chassez le naturel, il revient au galop.
Dès les premières pages de l’offre politique intitulé « Cameroun: L’offre Orange », Hilaire Kamga évoque une invitation qu’il avait reçu du premier ministre d’alors, Inoni Ephraïm. Il était question pour les deux hommes d’échanger au sujet de l’appareil à mettre en place pour conduire les prochaines consultations électorales au Cameroun vers des horizons démocratiques. Le porte-parole de L’offre Orange ne manque pas de mentionner les joutes verbales qu’il avait eues avec Pierre Moukoko Mbondjo alors directeur du cabinet du Premier ministre. Aujourd’hui, ce n’est pas tant ce couac entre les hommes civilisés qui intéresse les lecteurs du livre d’Hilaire Kamga. La question qui se pose est celle de savoir pourquoi Paul Biya et son système ont déplacé d’illustres personnalités pour recueillir leurs avis sur la Conac, l’Onel et Elecam alors qu’ils avaient déjà leur schéma dans la tête.
Personne ne peut le dire avec assurance. Mais, à l’évidence c’était une escroquerie politique de grande envergure. À preuve, les personnes consultées depuis la mort de l’Observatoire national des élections (Onel) en vue de l’évènement d’Elections Camerounaise sont surprises de la configuration de cette institution chargée de conduire le processus électoral au Cameroun. Aujourd’hui, Hilaire Kamga fait le tour du Cameroun pour exiger le report de l’élection présidentielle de 2011 qui est pourtant la première occasion au cours de laquelle Elecam devait montrer sa vitalité.
Le même constat est fait par Anicet Ekane, candidat du Manidem à la prochaine élection présidentielle. Dans cette vaste opération de consultation des leaders d’opinion, Anicet Ekane, alors président du Mouvement africain pour la nouvelle indépendance (Manidem) a également été abusé. Il a été aussi surpris de la coloration actuelle de Élections Cameroon. Pour manifester sa déception, il a rejoint le rang de ceux qui estiment que l’élection présidentielle d’octobre 2011 doit être reportée parce que les conditions de transparence ne sont pas réunies et une élection organisée dans ce cafouillage artistique est une porte ouverte à tous les démons de la déstabilisation. C’est du moins la position du parti d’Anicet Ekane.
Mais Paul Biya et son système vieillot ont déjà réussi leur plan machiavélique: présenter Elecam à la face du monde comme un organisme issu du consensus national imaginé et imaginaire. Car, dans l’impossibilité de consulter les Camerounais individuellement, ils ont rencontré les personnalités « représentatives » de la société. Et l’instance chargée de conduire le processus électoral en est la résultante. Cette manœuvre laisse clairement transparaître les intentions d’un monarque qui se démène pour se parer des atours démocratiques. Y parviendra-t-il?
Koumpa Mahamat

Un destin si funest
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Une année s'est donc écoulée. Nous avons peine à le croire, tant elle a été vide. Il ne s'est rien passé, comme si nous étions sortis du temps et de l'histoire, nous nous étions effondrés sur nous-mêmes, transformés en un « trou noir », qui piège tout ce qui s'approche de son champ gravitationnel pour le réduire à néant et dont la lumière elle-même ne saurait s'échapper. Nous avons as¬sisté et parfois participé à un rituel d'autodestruction. Désormais, nous savons comment un pays se meurt, comment des peuples se suicident. Nous en avons observé les mécanismes comme à dé¬couvert. Ils se ramènent à ceci : un système mis en cause dans son intégralité, combinant et recombinant ses possibilités, ses recet¬tes les plus éprouvées, sans réussir à résoudre aucun de ces pro-blèmes qui ressortissent à un autre degré, sans pouvoir trouver en soi les règles pour se changer. Il est voué à la compulsion répéti¬tive, jusqu'à épuisement, après des soubresauts à intervalles de plus en plus éloignés et à intensités de plus en plus faibles.
Décrivons quelques modes de ce blocage mortel, d'un immo¬bilisme agité, qui conduisent à la régression, à l'apathie et la mort.
Commençons par les principes et les maximes qui guident l'exer¬cice du pouvoir, par ceux qui le détiennent et qui ont estimé qu'il était sans prix et méritait qu'on lui sacrifie des vies humaines et les valeurs de véracité. À quoi donc a-t-il servi ? Qu'a-t-on fait d'autre sinon de le garder ?
1- Ceux qui nous gouvernent ont posé comme intangible la résolution suivante : ne montrer aucun signe de faiblesse. Ils l'ont tenue et appliquée, en l'interprétant ainsi : il ne faut faire aucune concession, sinon pour la forme, en la vidant de tout contenu ou à titre de ruse et de diversion avant d'user de la force. Jamais, aucun membre de ce régime n'a reconnu d'erreur sinon en termes gé¬néraux et abstraits du genre : « nul n'est parfait », « toute œuvre humaine est perfectible ». Tripartite, législative, présidentielle ont été menées quand et comme ils l'ont entendu. Il n'est pas douteux qu'ils continuent de la sorte.
2 - Ils ont posé que le pouvoir d'Etat consistait dans le mono¬pole de la violence et des ressources financières nationales. Gou¬verner, en ce cas, ne consiste pas à prévoir, à permettre à une communauté historique donnée de prendre les décisions et d'en¬treprendre les actions qui assurent la survie et la vie bonne à ren¬contre des forces de la nature et des ennemis du dedans et du dehors. User de ses capacités d'intimider, d'emprisonner, de tuer, ne devient acte de gouvernement que si cela est reconnu comme partie du contrat immémorial qui lie l'homme à l'institution poli-tique, où l'on donne contre la protection et la confiance. Mais, quand l'État est devenu le plus grand agent provocateur d'insécu¬rité, quand l'entretien de celle-ci est un moyen ordinaire de ré¬gner, il n'y a plus d'État.
Fabien Eboussi Boulaga, Lignes de résistance, Ydé, Clé, 1998, pp.58-59

«30 ans au pouvoir, c'est assez »

Monseigneur Tumi, bonjour !

Bonjour.
Qu'est-ce qui faut remettre à neuf au Cameroun ?
Ce qu'il faut remettre à neuf au Cameroun, c'est la manière de voir notre politique sur le plan moral. Nous avons des gens bien formés et bien qualifiés. Ce qui manque, à mon avis, c'est une éthique professionnelle. Comme vous devez le savoir très bien, Le président Paul Biya, quand il est venu au pouvoir, a laissé des notions comme la moralisation. Mais, depuis là, rien ne se passe. Au Cameroun, on connaît déjà les gens qui détournent les biens. On connaît les gens qui administrent mal nos biens. Mais j'ai comme impression qu'on n'y peut rien.
Il y a des élections présidentielles attendues au mois d'octobre. Bien qu'on ne sache pas encore précisément la date, la question de l'éligibilité du Président Biya alimente les débats. Le Chef de l'État camerounais est au pouvoir depuis presque trente ans. Doit-il ou non se représenter ? Quel est votre sentiment ?
Mon sentiment est que tout dépend de son parti et du peuple camerounais. Tout dépend de son parti qui peut encore le présenter au peuple camerounais qui pourrait, dans une élection transparente, le reconduire au pouvoir.

Est-ce que trente ans, ce n’est pas suffisant ?

Pas seulement suffisant. Je crois que c'est assez

C'est assez ?

Oui ! Moi, je crois que c'est assez. C'est mon opinion. L'organisation du processus électoral est trop critiquée par l'opposition. L'année dernière, l'épiscopat camerounais a proposé au Premier ministre toute une série de réformes : un projet de code électoral, un scrutin présidentiel à deux tours, la mise en place d'un bulletin unique pour. Lutter contre la fraude, etc.

Ces propositions ont-elles été suivies d'effets?

Pas du tout ! Pas du tout ! J'ai l'impression que le parti au pouvoir n'accepte rien de ce qui soit proposé par l'opposition, ou même par la Société civile. Depuis 1993, les Évêques du Cameroun avaient déjà proposé la séparation du pouvoir, mais rien ne s'est fait.

Monseigneur Tumi, alors, est-ce qu'une alternance par les urnes est possible au Cameroun aujourd'hui ?

Il y a des Camerounais qui pensent que cela n'est pas possible et proposent la violence qui, selon mi, n’arrangerait pas les choses non plus. La violence n’arrange rien. On va continuer comme ça.
Peut-être est-ce le temps qui va résoudre le problème.

L'opposition affirme qu'à l'état actuel, l'élection présidentielle pourrait déboucher sur une crise. Est-ce que c'est aussi la crainte de l'Église catholique ?

Non, non ! Je ne crois pas qu'il y aura une crise. Nous avons déjà vécu pas mal de crises. Je ne vois pas ce qui pourrait arriver de neuf. Franchement, je ne vois pas. L'opposition, à mon avis, manque de moyens. Parce qu'elle ne peut pas relayer et passer partout dans le pays comme le parti au pouvoir qui a les gouverneurs, les préfets, les fonctionnaires, les voitures administratives…Ceci, à mon avis, est une injustice d’utiliser ce qui appartient à tout le monde pour un seul parti politique.

Monseigneur Tumi, dans une lettre pastorale publiée le mois dernier, justement à propos des élections attendues cette année, les Évêques ont fait plusieurs recommandations. Ils veulent évidemment que les élections soient libres et transparentes. Et ils demandent aussi à la Communauté internationale de ne pas s'ingérer dans le processus électoral camerounais. À quoi pensent- ils ? À quoi font-ils allusion ?

Quelquefois, l'ingérence extérieure crée des problèmes. Vous voyez la situation en Côte d'Ivoire. Il y a eu tous ces problèmes à cause de l'ingérence extérieure. Et c'était une véritable leçon pour nous. Il faut quand même qu'on apprenne de ce qui se passe ailleurs.

Le ministre français Henri de Raincourt était en visite à Yaoundé. Il a affirmé solennellement que la France n'a pas de candidat pour la prochaine présidentielle. Est- ce qu'à vos yeux c'est une garantie suffisante de non- ingérence ?

Oh, que c'est marrant ! Ce sont des paroles. C'est plutôt ce qui se dit dans les chambres closes qui comptent.
Monseigneur Tumi, quelques voix se sont élevées pour vous demander de vous présenter à la prochaine présidentielle. Le Mouvement républicain vous a même sollicité très officiellement. Est-ce que vous pouvez accepter de diriger une transition ?
Non ! Pas du tout. Ce n'est pas ma vocation. Je crois qu'il y a des Camerounais relativement jeunes, âgés entre 50 et 60 ans qui sont capables de diriger ce pays. Mais, le problème, c'est qu'il y a la peur. Les gens ont peur de se présenter. Ils ont peur de lever seulement la tête. Ils ont peur d'être tués. Ils ont peur de ceci ou de cela. Au sein même du parti au pouvoir, il a des gens capables de diriger ce pays. Le Cameroun ne manque pas de compétences. En ce qui me concerne, je n'ai pas cette vocation. Je suis un Pasteur, moi.
Sources : Rfi

Une gestion des finances publiques très floue

La gestion des finances par la présidence et son premier occupant apparaît en effet très floue. L’ambassade des États-Unis de Yaoundé a estimé dans un autre câble que Biya gérait l’argent public comme si c’était son argent de poche. « Nous avons reçu des témoignages de première main, selon lesquels l’entourage de Biya paie avec des valises remplies de centaines de milliers de dollars en espèces les pleins de kérosène de son avion », dit le message de l’ambassade américaine. « Quand Biya s’est rendu à l’Assemblée générale des Nations unies en septembre 2008, un membre de son entourage a été arrêté, alors qu’il tentait de s’échapper de l’hôtel de Genève où logeait Biya, avec une mallette contenant 3,4 millions de francs suisses en espèces (environ 6800 000 dollars) », racontait le même câble.
En septembre 2009, un séjour du président en France a provoqué un petit scandale médiatique au Cameroun: Biya a dépensé 600 millions de FCfa (900 000 euros) pendant trois semaines de vacances passées dans la station balnéaire de La Baule où il s’était rendu en jet privé accompagné d’une imposante suite. La troupe présidentielle avait réservé 43 chambres dans deux hôtels de luxe à raison de 60000 dollars la nuit et s’était lancée « dans une folie dépensière dans les magasins de luxe et les casinos de la place », toujours selon les diplomates américains. Personne n’a encore calculé le coût des longs séjours du président et de son entourage à l’hôtel Intercontinental de Genève, l’un des plus onéreux de la capitale suisse, mais on peut imaginer qu’il pèse lourd sur les finances de l’État.
« Si Biya arrêtait tous ceux qui ont volé, ce serait comme jeter une bombe dans sa propre maison. Il pourrait sauter avec », observait un proche du pouvoir en 2008: tout en étant à l’origine d’une utilisation douteuse des finances publiques, le chef de l’État est lui-même un important acteur des détournements à des fins personnelles. Le scandale de la déroute financière de la Société camerounaise de banque (Scb), en septembre 1989, a révélé pour la première fois publiquement ses pratiques: en 1992, l’ex-directeur de cette banque, Robert Messi Messi, alors en exil au Canada, a déclaré que le couple Biya avait largement ponctionné l’argent de la SCB pour se faire construire, entre autres, un palais et un terrain de golf à 18 trous à Mvomeka’a. La présidence n’a jamais réagi à ses accusations. Plus tard, fin 2006, le procès d’Ondo Ndong a révélé que le Féicom avait fait des versements, au titre « des aides », de plusieurs dizaines de millions de FCfa à la Fondation Chantal Biya ainsi qu’à son Ong Synergies africaines : la Fondation Chantal Biya a notamment reçu, en mai 2001, 60 millions de FCfa pour une « Opération cartable garni en faveur des enfants marginaux du sud-ouest » puis en septembre 2001, 93,1 millions de FCfa pour des opérations similaires. Synergies africaines a obtenu pour sa part 40 millions de fcfa en août 2002 au titre de la « lutte contre le Vih/Sida et les grandes souffrances ». Ces transferts étaient bien sûr illégaux: selon le code de procédure des interventions du Féicom, « les communes sont les seules bénéficiaires des aides », a rappelé le procureur de la République, lors du procès Ondo Ndong. Les détournements de l’argent public par Biya peuvent avoir un paravent légal: pour l’exercice budgétaire 1993-1994, le Parlement a voté une loi de finances qui précisait: « Le président de la République est habilité, en tant que besoin, à prélever et à affecter par décret, à un compte spécial hors budget, tout ou partie des résultats bénéficiaires des entreprises d’État en vue d’assurer la réalisation des opérations prioritaires de développement économique, social et culturel ».
Le cœur du système sur lequel repose la vaste entreprise de siphonage des fonds publics par la présidence est évidemment le pétrole, dont le Cameroun était en 2011 le plus petit producteur d’Afrique subsaharienne avec en moyenne 73 000 barils par jour.
Depuis le début de son exploitation, à la fin des années 1970, l’or noir est géré dans l’opacité: la quantité de pétrole réelle produite par le Cameroun n’a jamais été rendue publique. En 1982, plusieurs observateurs et analystes estimaient que le pays produisait le double de ce qu’il déclarait alors. Ahidjo négociait lui-même les contrats avec les sociétés pétrolières et avait décidé de faire déposer les revenus issus de l’or noir dans un compte
« hors budget » domicilié à l’étranger, pour, disait-il, éviter une « pétrolisation » de l’économie4. « L’odeur du pétrole s’était répandue dans les locaux de tous les départements ministériels.
Le projet du budget provenant de l’ensemble des départements ministériels atteignait, dès la première année de la production pétrolière, pratiquement le quadruple de ce qu’il aurait dû être.
Voilà l’origine du compte hors-budget, autorisé par l’Assemblée nationale [...]. Il s’agissait d’habituer les uns et les autres à ne pas vivre au-dessus de leurs moyens. [...] Ahidjo voulait que les uns et les autres gardent la tête froide, raison pour laquelle il instaura le silence, et non le secret, comme d’aucuns l’ont prétendu, autour du pétrole », a raconté plus tard Samuel Éboua, secrétaire général de la présidence entre 1975 et 19825. C’est  ssentiellement dans ce compte qu’Ahidjo puisait pour financer les gros projets de  développement économique et alimenter sa clientèle.
En 1980 un changement a été opéré avec la création de la Société nationale des hydrocarbures (Snh), chargée de gérer les relations avec les compagnies pétrolières ainsi que les revenus, provenant des paiements des sociétés pétrolières et des ventes directes effectuées par la Snh. Le secteur est cependant resté sous l’étroit contrôle de la présidence. Le lien se fait par le secrétaire général de la présidence, qui est en même temps et de manière quasi systématique président du conseil d’administration de la Snh. Il se fait aussi par le biais du processus de nomination: comme c’est le cas pour toutes les entreprises publiques, le président de la République choisit le président de la Snh.
Depuis 1993, c’est la même personnalité qui occupe ce poste : Adolphe Moudiki. La gestion du pétrole donne lieu évidemment à de la grande corruption impliquant les entreprises pétrolières étrangères. « L’affaire Elf » jugée en 2003 a montré que Biya avait été comme d’autres chefs d’État africains un important bénéficiaire de fonds occultes versés par le pétrolier français : après avoir obtenu une concession, ce dernier donnait à Biya un pourcentage par baril. « Il fallait que ce système soit opaque. Le président de la République (François Mitterrand) ne voulait pas qu’on dise qu’Elf donnait au président du Cameroun », a dit lors du procès l’ancien directeur d’Elf, Loïk Le Floch-Prigent. En 1992, alors que son régime était chancelant, Biya a obtenu un prêt de 45 millions de dollars de la société : « Un jour, j’étais reçu à la présidence camerounaise par le président Paul Biya. Il avait besoin de 45 millions pour sa campagne. J’étais seul avec lui, ces gars-là, ils ne font confiance à personne. Ils ont besoin de cash et ils ont besoin que ce cash échappe à leur ministre des
Finances. C’est pour cela que le groupe Elf monte des off shore qui échappent à tout contrôle, y compris au contrôle des autorités locales qu’ils ne sont pas sûrs de tenir », a raconté l’ancien directeur des « affaires générales » d’Elf, Alfred Sirven6. Elf a consenti le prêt à la Snh, gagé sur la production future du pays.
Une partie a été détournée vers une société offshore située dans les îles Vierges, vraisemblablement au profit de Biya.
Fanny Pigeaud, Au Cameroun de Paul Biya, Paris, Karthala, 2011, pp 145-148.