Elections des sénateurs: Paul Biya pose un acte de banditisme politique

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Les élections sénatoriales auront lieu le 14 avril 2013. C’est la substance du décret que Paul Biya vient de signer convoquant le collège électoral en vue de l’organisation desdites élections. Il fallait bien s’y attendre. C’était là l’un des objectifs de la modification de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996.
En effet, la loi n° 2008/001 du 14 avril 2008 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la constitution du 02 juin 1972, dispose en son article 67 (nouveau) qu’ « au cas où la mise en place du Sénat intervient avant celle des régions, le collège électoral pour l’élection des Sénateurs est composé exclusivement des conseillers municipaux »
La convocation du corps électoral en vue des sénatoriales procède d’un simple calcul politicien. Conscient du fait que le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) contrôle la majorité des communes, donc qu’il dispose le maximum des conseillers municipaux, Paul Biya est sûr et certain qu’il aura la majorité absolue au Sénat. La victoire du Rdpc aux sénatoriales est d’autant plus certaine que lors des précédentes consultations électorales, le parti au pouvoir ou proche du pouvoir, c’est selon, s’était présenté seul dans environ 80 circonscriptions électorales. Paul Biya ne pouvait pas prendre le risque d’organiser les élections des Sénateurs après les législatives et les municipales, simplement parce qu’il n’était pas sûr que son parti remportera la majorité absolue lors desdites consultations locales.
En convoquant le collège électoral, le président de la République indique clairement, non seulement qu’il n’est pas prêt à lâcher une parcelle de pouvoir aux forces progressistes et à l’opposition ou ce qui en tient lieu, mais qu’il prend conscience du fait que la fin de son règne s’approche inexorablement. C’est la raison pour laquelle il met tout en œuvre pour contrôler tous les leviers du pouvoir, notamment le Sénat. Une façon pour lui d’assurer ses arrières.
Faut-il le rappeler, c’est le président du Sénat qui remplace le président de la République en cas de vacance au sommet de l'Etat, conformément à l’article 4 (nouveau) de la loi suscitée qui dispose: «En cas de vacance de la Présidence de la République pour cause de décès, de démission ou d’empêchement définitif constaté par le Conseil Constitutionnel, le scrutin pour l’élection du nouveau Président de la République doit impérativement avoir lieu vingt (20) jours au moins et cent vingt (120) jours au plus après l’ouverture de la vacance.
L’intérim du Président de la République est exercé de plein droit, jusqu’à l’élection du nouveau Président de la République, par le Président du Sénat. Et si ce dernier est, à son tour empêché, par son suppléant suivant l’ordre de préséance du Sénat.
Le Président de la République par intérim- le Président du Sénat ou son suppléantne peut modifier ni la Constitution, ni la composition du gouvernement. Il ne peut recourir au référendum. Il ne peut être candidat à l’élection organisée pour la présidence de la République. Toutefois, en cas de nécessité liée à l’organisation de l’élection présidentielle, le Président de la République par intérim peut, après consultation du Conseil Constitutionnel, modifier la composition du gouvernement.»
Aussi, cette convocation du collège électoral en vue des sénatoriales peut-elle être comprise comme étant un défi que Paul Biya lance à certains leaders de l’opposition, dont notamment John Fru Ndi, chairman du Social Democratic Front (Sdf) et Maurice Kamto, président du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc) qui, ces derniers temps, ont menacé d’entreprendre des actions de protestations si le chef de l’État venait à organiser les sénatoriales avant les législatives et les municipales.
En effet, Maurice Kamto, au nom de son parti attirait l’attention des Camerounais et de la communauté internationale «sur les risques graves d’atteinte aux principes démocratiques que pourrait entraîner une telle décision». Il faisait savoir qu’« en l’état, les conseils régionaux n’ayant pas été mis en place, et cette mise en place n’étant apparemment pas à l’ordre du jour, le collège électoral sera constitué uniquement des conseillers municipaux ». Pour terminer il mettait le gouvernement en garde en ces termes : « Le Mrc, parti attaché à des pratiques démocratiques  saines, respectueuses du peuple souverain et des acteurs de la vie politique, tient à mettre en garde le gouvernement contre une manœuvre politicienne à haut risque, que le peuple camerounais, si épris de paix, ne pourra pas accepter, et lui demande de prendre la mesure des conséquences qu’une telle décision pourrait entraîner, tant au niveau national que sur le plan international. ».
De son côté, John Fru Ndi déclarait qu’il ne va pas « aider Biya à gâter le Cameroun… s’il s’entête à organiser les sénatoriales avant les municipales.» Avant de révéler aux Camerounais ce qu’il a dit à Paul Biya :« J’ai dit à M. Biya que je le connais comme quelqu’un qui n’a pas honte et que s’il veut, il n’a qu’à organiser ses sénatoriales pour glaner les 100% à la chambre haute du Parlement comme il le désire ; mais je ne le laisserai pas faire ». Et de poursuivre: « Si les conseillers municipaux s’amusent à aller voter au cas où M. Biya organise les sénatoriales avant les municipales, je vais envoyer les bayam-sellam les tabasser ».
Les regards des Camerounais sont désormais tournés vers ces leaders politiques. Les Camerounais attendent de voir s’ils mettront leurs menaces en exécution. Où s’ils se comporteront comme ces chiens qui aboient quand la caravane du Renouveau passe. Wait and see.
Junior Etienne Lantier.
Paru dans Germinal n°083 du 28 février 2013

DECRET N°2013/056 du 27 mars 2013 portant convocation du collège électoral en vue de l’élection des sénateurs.-
VU la Constitution ;
VU la loi 2012/001 du 19 avril 2012 portant Code Electoral, modifiée et complétée par la loi n° 2012/017 du 21 décembre 2012,
DECRETE:
ARTICLE 1er.- Les électeurs sénatoriaux sont convoqués au chef-lieu de chaque département le dimanche 14 avril 2013 à l'effet de procéder à l’élection des sénateurs.
ARTICLE 2 - Les bureaux de vote seront ouverts à huit (8) heures et fermés à dix-huit (18) heures.
ARTICLE 3.- Le présent décret sera enregistré et publié suivant la procédure d'urgence, puis inséré au Journal Officiel en français et en anglais./-
Yaoundé, le 27 février 2010
(é) Paul Biya

Loi N° 2008/001 du 14 avril 2008 modifiant et complétantcertaines dispositions de la loi n° 96/06 du 18 janvier 1996portant révision de la constitution du 02 juin 1972.

L’Assemblée Nationale a délibéré et adopté, le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :

Article 1er :Les dispositions des articles 6(2) et (4),14(3)a, 15(4),51(1) 53 et 67(6)de la loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 02 juin1972 sont modifiées et complétées ainsi qu’il suit :

« Article 6
(2) (nouveau) : Le Président de la République est élu pour un mandat de sept (7)ans. Il est rééligible.
(4) (nouveau) : En cas de vacance de la Présidence de la République pour cause dedécès, de démission ou d’empêchement définitif constaté par le ConseilConstitutionnel, le scrutin pour l’élection du nouveau Président de la République doitimpérativement avoir lieu vingt (20) jours au moins et cent vingt (120) jours au plusaprès l’ouverture de la vacance.
L’intérim du Président de la République est exercé de plein droit, jusqu’à l’élection dunouveau Président de la République, par le Président du Sénat. Et si ce dernier est,à son tour empêché, par son suppléant suivant l’ordre de préséance du Sénat.Le Président de la République par intérim- le Président du Sénat ou son suppléant-ne peut modifier ni la Constitution, ni la composition du gouvernement. Il  ne peutrecourir au référendum. Il ne peut être candidat à l’élection organisée pour laprésidence de la République. Toutefois, en cas de nécessité liée à l’organisation del’élection présidentielle, le Président de la République par intérim peut, aprèsconsultation du Conseil Constitutionnel, modifier la composition du gouvernement.

Article 14 :
(3) Les chambres du parlement se réunissent aux mêmes dates ;
a (nouveau) : en sessions ordinaires chaque année aux mois de mars, juin etnovembre sur convocation des bureaux de l’Assemblée Nationale et du Sénat, aprèsconsultation du Président de la République.

Article 15 :
(4) (nouveau) : En cas de crise grave ou lorsque les circonstances l’exigent, le Président de la République  peut, après consultation du Président du ConseilConstitutionnel et des bureaux de l’Assemblée Nationale et du Sénat, demander à l’Assemblée Nationale de décider, par une loi , de proroger ou d’abréger son mandat.
Dans ce cas, l’élection d’une nouvelle Assemblée a lieu quarante (40) jours aumoins et cent vingt (120) jours au plus après l’expiration du délai de prorogation ou d’abrégement de mandat.

Article 51.
(Nouveau) : Le Conseil Constitutionnel comprend onze (11) membres désignés pourun mandat de six (6) ans éventuellement renouvelable.
Les membres du Conseil Constitutionnel sont choisis parmi  les personnalités deréputation professionnelle établie. Ils doivent jouir d’une grande intégrité morale etd’une compétence reconnue.

TITRE VIII- DE LA HAUTE COUR DE JUSTICE

Article. 53 (nouveau)
La haute Cour de Justice est compétente pour juger les actes accomplis dansl’exercice de leurs fonctions par :
Le Président de la République en cas de  haute trahison ;
Le Premier Ministre, lesautres membres du gouvernement et assimilés, les hauts responsables del’administration ayant responsables de l’administration ayant reçu délégation depouvoirs en application des articles 10 et 12 ci-dessus, en cas de complot contre lasûreté de l’Etat.
Le Président de la République ne peut être mis en accusation que par l’AssembléeNationale et le Sénat statuant par un vote identique au scrutin public et à la majoritédes quatre cinquièmes des membres les composant.
Les actes accomplis par le Président de la République en application des articles 5,8,9 et 10 ci-dessus, sont couverts par l’immunité et ne sauraient engager saresponsabilité à l’issue de son mandat.
L’organisation, la composition, les conditions de saisine ainsi que la procédure suiviedevant la Haute Cour de Justice sont déterminées par la loi.

TITRE XIII- DISPOSITIONS TRANSITOIRES ET FINALES

Article 67.(nouveau) :
Au cas où la mise en place du Sénat intervient avant celledes régions, le collège électoral pour l’élection des Sénateurs est composéexclusivement des conseillers municipaux » .
Article 2: La présente loi sera enregistrée, publiée suivant la procédure d’urgencepuis insérée au Journal Officiel en français et en anglais.
Yaoundé, le 14 avril 2008
Le Président de la République
(é)PAUL BIYA