Le code électoral continue de faire des vagues

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Ayant été habitués aux manœuvres du pouvoir qui use toujours des artifices pour distraire l’attention des Camerounais chaque fois qu’une question cruciale engageant leur vie et le destin du pays se pose avec acuité, certains observateurs avaient pensé que les arrestations de Marafa Hamidou Yaya, de Inoni Ephraïm et les rebondissements de l’affaire État du Cameroun contre de Jean-Marie Atangana Mebera dans l’affaire «Albatros» allaient détourner l’attention des Camerounais du débat autour du code électoral adopté le 13 avril 2012 par l’Assemblée nationale convoquée en session extraordinaire et promulgué par le président de la République le 19 avril 2012. Erreur d’appréciation, peut-on dire, puisque depuis la promulgation de la loi n°2012/001 portant code électoral, les réactions restent  vives et les critiques pointilleuses dans l’opinion publique,  au sein des partis politiques et des organisations de la société civile camerounaises.


Avant la promulgation de cette loi, le pouvoir en place avait laissé apparaître des signes de fébrilité, en multipliant des actes de diversion et d’atteintes aux droits des citoyens en ce qui concerne les libertés publiques. C’est ainsi que le 16 avril 2012, le sous-préfet de Douala 1er, par arrêté n°43/D/C 1901/Sp,  interdisait une réunion de sensibilisation des populations sur le code électoral organisée par le Mouvement africain pour la nouvelle indépendance et la démocratie (Manidem). Cet arrêté d’interdiction avait été servi aux responsables de cette formation politique le 17 avril 2012, journée prévue pour le début de la sensibilisation. Abanda Kpama, président de ce parti politique n’avait pas hésité d’affirmer que cette interdiction avait un caractère politique. Il précisait : « Conformément à la loi sur la liberté d’association, nous n’avions pas demandé une autorisation. Nous avons fait une déclaration de manifestation pacifique dans l’enceinte de notre siège. Nous n’attendions aucune réaction du sous-préfet. L’objet de notre manifestation était : « échanges citoyen sur le code électoral adopté ».  Nous avions mentionné que nous allons assurer notre propre sécurité. Il se trouve que dans un contexte de gestion des libertés dans le Wouri, le sous-préfet a pris sur lui d’interdire notre manifestation en toute illégalité. C’est 30 minutes avant qu’il notifie l’interdiction. Il est donc clair que cette interdiction a un caractère politique et le régime Rdpc, à travers son administration, veut empêcher une autre manifestation que celle du Rdpc ».
Malgré cette volonté affichée des pouvoirs de priver les citoyens de la jouissance de leurs libertés, les organisations de la société civile, les leaders d’opinion et des partis politiques n’ont pas baissé les bras. Le  17 avril 2012 le père Jésuite Ludovic Lado diffusait les documents de la campagne dénommée : « Je veux un autre code électoral»qu’il entendait lancer le samedi 21 avril 2012. Comme il fallait s’y attendre, ce samedi-là, la réunion de lancement de cette campagne prévue dans les locaux du Centre catholique universitaire de Yaoundé, sis au quartier Melen, avait été interdite. Ce jour-là, un fort déploiement des forces de l’ordre était  descendu sur le lieu pour s’assurer de l’application effective de la mesure d’interdiction de cette réunion.

Manifestations de rues

Du côté des partis politiques, les responsables du Social democratic front (Sdf) envisagent d' organiser des marches de protestation sur l’ensemble du territoire national. Selon Jean-Michel Nintcheu, député à l’Assemblée nationale « le Nec a condamné cette escroquerie politique par le seul Rdpc. Le Nec a décidé, après la promulgation en catimini de ce code par le président Paul Biya, d’avoir recours aux manifestations de rues ». Car, affirmait l’honorable Joseph Mbah Ndam, dans les colonnes du quotidien Mutations du 27 avril 2012, « la seule chose à retenir, c’est que nous avons maintenant dans un seul document les lois électorales au Cameroun. Mais, par rapport à la modernisation, je puis vous dire que ça n’a pas apporté grand-chose. Même la biométrie à laquelle on fait allusion se limite au niveau de l’inscription et de la délivrance éventuelle des cartes d’électeur biométriques. La délivrance de la carte électorale ne sera pas instantanée, elle sera précédée par un récépissé avec lequel on ne peut pas voter, même si ce récépissé est présenté avec une carte nationale d’identité. Or, le fait que les cartes d’électeur seront distribuées bien après l’inscription, offre une possibilité de la mise à l’écart ou de l’égarement de quelques cartes. Donc, le jour du scrutin, quelqu’un pourrait se retrouver devant son bureau de vote, avec son nom sur la liste, mais ne pourrait pas voter avec son récépissé et sa carte d’identité nationale ».
La critique la plus pertinente du code électoral est venue de l’universitaire émérite, Maurice Kamto (lire : Code électoral : quel recours ?). Dans une contribution  largement diffusée, l’ex-ministre délégué auprès du ministre de la Justice, note les mérites dudit code et relève les « les principaux aspects perfectibles ».
Selon l’auteur de La déchéance du politique « Le Code apporte des améliorations dans la répartition des compétences entre les organes d’Elecam : la hiérarchie d’autorité entre le Conseil électoral et le Direction Générale est clairement établie au profit du Conseil qui assure en particulier «la régularité, l’impartialité, l’objectivité, la transparence et la sincérité des scrutins», la Direction générale agissant pour tout et en toute circonstance «sous son autorité» et lui rendant compte de ses activités au moins une fois par trimestre et aussi souvent que nécessaire en période électorale. Cette nouvelle rédaction qui, on l’espère, devrait  mettre un terme aux conflits d’autorité et à fluidifier les rapports entre les deux organes mérite d’être souligné, au regard des tensions qui sont apparues entre eux et qui ont incontestablement affecté, tout le monde en a convenu,  la bonne organisation de la dernière élection présidentielle d’octobre 2011.
Cela étant dit, la meilleure manière de régler le problème du conflit d’autorité né de la dyarchie créée par la nomination des membres du Conseil électoral et de son Président, d’une part, et du Directeur Général et de son Adjoint, d’autre part,  par décret du Président de la République est de confier au Conseil électoral le pouvoir de désignation du Directeur Général et du Directeur Général Adjoint d’Elecam ».
L’auteur de L’urgence de la pensée poursuit : « On ne fait pas offense aux auteurs du Code en disant que certaines de ses dispositions présentent des insuffisances ou des ambiguïtés, que d’autres ne sont pas particulièrement claires et  qu’ensemble elles constituent, pour ces raisons, des sources potentielles de conflits. S’y ajoute le fait que quelques dispositions encore pourraient heurter  certains engagements internationaux de notre pays.
L’article 6(2) crée une immunité pénale totale pour «les membres d’Election Cameroon» pendant l’exercice de leur fonction. C’est une garantie utile. Reste à savoir quels sont les bénéficiaires de cette immunité, car loi ne précise pas qui sont les  «membres d’Elecam». S’agit-il seulement des membres du Conseil électoral ? De ceux-ci ainsi que du Directeur général et de son adjoint, tous deux nommés aussi par décret présidentiel ? Les responsables des démembrements territoriaux nommés par le Conseil électoral, les responsables des structures d’appui nommés par le Directeur général, l’ensemble des autres personnels d’Elecam font-ils parties des membres de cet organisme ? Si c’était le cas, le champ des personnes couvertes par l’immunité pénale serait trop étendu et aurait pour effet de soustraire une franche importante de nos concitoyens aux rigueurs de la loi pénale avec des risques d’abus de position pour le personnel subalterne. »
Aussi, relève-t-il « Un des points objets de préoccupations majeures dans le Code est le montant du cautionnement pour les candidats aux diverses élections. Si le montant fixé pour l’élection présidentielle paraît acceptable en ce qu’il pourrait être mobilisé par le parti politique ayant investi le candidat ou par ses 300 soutiens régionaux, il n’en va pas de même pour les candidats aux élections législatives, celles qui donnent en définitive à la grande majorité des Camerounais la possibilité d’exercer leur droit à l’éligibilité: un parti politique qui veut présenter des candidats pour les 180 sièges de députés à l’Assemblée Nationale devra déposer un cautionnement d’un montant de (3.000.000F x 180) 540.000.000F (cinq cent quarante million) de francs. À ce tarif-là seul le parti dominant, et quelques-uns de ses alliés seront en mesure de réunir une telle somme et par conséquent de présenter des candidats dans toutes les circonscriptions électorales. Il s’agit d’une sélection par l’argent qui obstrue l’exercice par tout citoyen camerounais de son droit à l’éligibilité et bafoue de la sorte un des principes cardinaux de la démocratie républicaine. Elle fait le lit d’une démocratie censitaire, si l’on veut utiliser un terme un peu savant ; mais disons-le plus simplement, elle conduit à une démocratie capturée, confisquée par les élites, non pas par toutes  les élites du pays mais par celles d’un seul parti. »
Ces observations et bien d'autres corroborent celles de tous les leaders des partis politiques de l'opposition. Selon un observateur averti et bien introduit dans le système, « au regard de la levée de boucliers observée du côté des leaders d’opinion et des partis politiques, il presque certain que Paul Biya tiendra compte des critiques et propositions formulées par les uns et les autres. Il procédera, avant les prochaines élections à l’amendement de certains articles de cette loi. Pour le moment, il a besoin d’un peu plus de sérénité pour la conduite des affaires du pays. Surtout qu’il est conscient que son avenir politique est derrière lui et qu’il lui faut sortir par la grande porte ». Just wait and see.
J.-B Talla


Presentation de la campagne
« Je veux un autre code électoral.»

Constat
La vraie souveraineté est celle du peuple. Le code électoral est au cœur de toute démocratie parce qu’il définit les conditions dans lesquelles un peuple choisit ses dirigeants. Plus il intègre les principes de transparence et d’équité, plus il garantit la légitimité et la représentativité des élus. Les leaders de la plupart des partis d’opposition, nombre d’autorités religieuses et d’acteurs de la société civile ont été consultés par le premier ministre avant l’élaboration du nouveau code électoral qui vient, mais leurs propositions, pour l’essentiel, ont été royalement ignorées. Ce code électoral n’est pas consensuel et il est difficile de croire qu’il incarne les aspirations démocratiques de la majorité du peuple camerounais. Sur un sujet aussi sensible, on se serait attendu à ce qu’il fasse au moins  l’objet d’un référendum pour requérir l’avis du peuple de qui tout pouvoir légitime doit découler, mais il n’est même pas été envisagé. Ce n’est pas normal ! On ne peut pas continuer à museler ainsi notre peuple. Après l’adoption du code, on a aujourd’hui l’impression que la messe est dite. Désabusé, on est tenté par la résignation ! Mais les Camerounais doivent résister de toutes leurs forces à cette tentation. Si la bataille à l’Assemblée Nationale semble perdue, il est encore possible de faire entendre la voix du peuple. Si le peuple n’est pas d’accord avec le code électoral voté à l’assemblée en son nom, il a tout le droit, mais surtout le pouvoir, de le dire aux « élus » qui se sont prononcés en son nom. C’est la visée de la campagne citoyenne « Je veux un autre code électoral ». Il s’agit de permettre au peuple, faute d’un référendum, de s’exprimer sur le code qui vient d’être adopté en son nom.

Objectif
L’objectif principal de la campagne « Je veux un autre code electoral» est d’une part de montrer pacifiquement au gouvernement camerounais et aux députés que le code électoral qui vient d’être adopté ne satisfait pas la majorité des Camerounais. D’autre part elle veut montrer qu’un autre code qui intègre, entre autres, les éléments suivants est voulu par la majorité des Camerounais :
- le scrutin présidentiel à deux tours,
- la limitation du mandat présidentiel à 05 ans, renouvelable une seule fois,
- le bulletin unique,
- la majorité électorale à 18 ans,
- le redécoupage électoral,
- la délivrance immédiate de la carte biométrique,
- la définition légale du calendrier électoral,
- l’indépendance  d’Elecam
Certains soutiennent que nombre de ces demandes sont anticonstitutionnelles. Oui, mais toute constitution est modifiable, car  n’étant pas parole d’évangile. D’ailleurs, les mêmes députés n’ont pas hésité à la modifier à volonté chaque fois que leurs intérêts étaient en jeu. Il s’agit là de l’intérêt du peuple, d’un peuple qui veut la démocratie et la justice.

Méthode et activités
La campagne « Je veux un autre code électoral » a trois volets principaux : le T-shirt du démocrate, le samedi de la résistance, la mobilisation des démocrates.
1. Le T-shirt du démocrate : chaque camerounais qui n’est pas d’accord avec le code adopté en son nom est invité à se procurer un T-shirt portant au-devant « Je veux un autre code électoral + l’une des 08 revendications ci-dessus mentionnées et au derrière démocrates camerounais, unissez-vous !
2. Le samedi de la démocratie : pour marquer notre rejet du code partial adopté, tous les samedis de chaque semaine, tous les démocrates mettront leur T-shirt pour vaquer à leurs occupations ordinaires. Nous le ferons chaque semaine jusqu’à ce que le code électoral, et si nécessaire la constitution, soient de nouveaux révisés pour un processus électoral plus démocratique au Cameroun.
3. La mobilisation des démocrates : chaque démocrate résistant est invité à rallier au moins une nouvelle personne par semaine à l’opération. Il faut justement que, d’une semaine à l’autre, le nombre de démocrates en T-shirt grandisse au point de contraindre le gouvernement et les députés à répondre aux aspirations démocratiques du peuple. Si non, nous ferons valoir notre souveraineté selon des modalités à définir.

Résultats attendus
Le principal résultat attendu est l’adhésion la majorité des Camerounais à la campagne. Ainsi, le gouvernement et les députés constateront par eux-mêmes, au fil des semaines, le nombre croissant de démocrates en T-shirt et se décideront enfin de faire des reformes nécessaires (y compris une révision constitutionnelle) pour doter le Cameroun d’un code électoral consensuel et démocratique.

Démarrage et durée
La campagne démarre le samedi 21 avril 2012. Quant à la durée, elle est indéterminée. Peu importe le temps que la campagne du T-shirt prendra. Des mois, des années, peu importe, jusqu’à ce que le code soit révisé au profit de la justice électorale ! Les noirs américains n’ont obtenu la déségrégation des bus à Montgomery aux Etats-Unis qu’après avoir boycotté les bus des blancs pendant un an. Pendant un an, ils marchaient à pied pour aller au travail, parcourant parfois une dizaine de kilomètres.  C’était le prix à payer pour déraciner  l’injustice. Il convient de ne jamais oublier que le pouvoir de changer le Cameroun est entre les mains de chaque camerounais! Martin Luther King disait que « si un peuple est capable de trouver dans ses rangs 5% d’hommes prêts à aller en prison pour une cause qu’ils croient juste, alors aucun obstacle ne pourra l’arrêter. »  
Contacts :
Pour tout renseignement :
Tél. : 98 04 79 94 / 75 14 99 19  
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Père Ludovic Lado, Jésuite
Démocrates camerounais, unissez-vous !