Haro sur les dérives frisant le favoritisme à l'université de Yaoundé II

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C’est une lapalissade de constater aujourd’hui l’échec du système éducatif mis en place par le gouvernement du président Paul Biya, n’en déplaise aux discours apologétiques des thuriféraires hypocrites du système.
De fait, si chaque année des examens officiels et des concours pour l’accès aux grandes écoles sont organisés, le sentiment dominant au sein de l’opinion publique demeure que l’admission à ces différents examens et concours ne respecte pas toujours les principes de transparence et d’objectivité pourtant consacrés par les normes et procédures en vigueur dans ce domaine. Pourtant, ces principes sont formalisés suivant le modèle wébérien de l’État auquel se réfère la philosophie éducative et sociopolitique camerounaise.Cet échec du système éducatif camerounais, consécutif à une conception décadente de l’usage qui doit être fait du pouvoir ou de l’influence(1), a atteint son paroxysme avec l’incarcération de bon nombre des produits parmi les plus brillants de certaines grandes écoles nationales qui, étant demeurés des consommateurs incurables(2) des fruits de la facilité et de la corruption, se sont rendus coupables d’indélicatesses monstrueuses avec la fortune publiqued’un État pourtant catalogué comme étant pauvre et très endetté.
Or, la mauvaise gouvernance, aujourd’hui vouée aux gémonies par tous les acteurs politiques et de la société civile camerounaise, n’est pas autre chose que l’ensemble des actions et inactions plus ou moins coupables et imputables aux inspecteurs, administrateurs, diplomates, ingénieurs, greffiers, procureurs et magistrats en service au sein de la Fonction publique camerounaise qui, pour la plupart, sont des anciens élèves de ces institutions nationales dites de haute facture morale et éthique. Pourtant,  Bénoît  Ndong Soumhet, actuel Directeur général de l’École Nationale d’Administration et de Magistrature (Enam), continu de vanter la probité morale de son institution alors même que, selon la majorité des Camerounais interviewés, les produits de cette école les accablent plus qu’ils ne les soulagent.  Aussi peut-on paradoxalement lire sur le portail Internet de cette école : « L’Enam, une école au service de l’état et du citoyen».
Cette dérive favoritiste et intéressée constitue en réalité l’assassinat hypocrite de l’espoir et de l’espérance que le Renouveau était censé réaliser via la démocratisation de l’éducation et la promotion collective de l’excellence. Cette dérive, caractéristique d’un État « para-patrimonial », fait autorité dans bien des écoles de formation. Elle n’épargne même pas les examens officiels de l’enseignement maternel, primaire et secondaire (entrée en 6e, Cep, Bepc, Probatoire, Bac). Tout ceci aboutit à une politisation des résultats scolaires qui irrigue le processus de sélection de l’élite universitaire, diluant ainsi l’excellence dans la médiocrité.
Ailleurs, notamment dans les pays sérieux où la perception de l’enseignement (singulièrement à l’université) est plus valorisée, on n’accède pas à ce corps noble « sans être géomètre » comme le prescrivait Platon à ses disciples relativement à l’entrée dans son Académie. Le célèbre philosophe grec faisait ainsi allusion à l’obligation de justifier des capacités intellectuelles certaines et non pas supposées. Se rapportant à ceux qui aspirent à la dignité d’enseignant, la vertu platonicienne se matérialise dans l’aptitude à élever les esprits des jeunes apprenants vers les cimes de la connaissance. Ces qualités ne se présument pas, car elles ne relèvent pas d’une génération spontanée. Elles sont la conséquence d’un effort  constant et d’une implication, remarquable et remarquée, dans les activités de recherche et de formation académiques et universitaires.
Aux confins de ces considérations et au regard de quelques cas signalés par l’antenne de Soa de l’Association de défense des droits des Étudiants (Addec), il est évident que les recrutements annoncés à la Faculté des sciences juridiques et politiques à l’Université de Yaoundé II semblent se situer aux antipodes des canons qui sont censés gouverner l’accès aux charges académiques.
Sans mauvaise foi aucune, reconnaissons que la proposition d’une dame, fut-elle Commissaire divisionnaire et Inspectrice à la Délégation générale à la Sûreté nationale (Dgsn), au poste d’assistant au détriment de doctorants-moniteurs plus méritants, est une bizarrerie indigeste intolérable dans la Faculté, qui plus est de sciences juridiques et politiques. Sauf à croire qu’il y est question de politique politicienne en lieu et place de la science politique véritable. En effet, le doctorat honoris causa – ainsi qualifiée parce que,   susurre-t-on, sa thèse aurait été entièrement rédigée par un nègre – obtenu par l’intéressée est un précieux sésame qui lui ouvrira certainement des portes. Mais aucun universitaire digne de ce nom ne peut accepter que la qualité de la formation dispensée au niveau académique le plus élevé dans un État soit sacrifiée sur l’autel du favoritisme et du clientélisme.
Évidemment, certains défenseurs devant l’Éternel de la nouvelle gouvernance universitaire, qui ne sont en réalité que des parangons les plus achevés de cette oligarchie bureaucratique vampiriste dont le credo semble être l’envahissement sans mérite de tous les espaces (intellectuel, scolaire, universitaire, financier, économique, agricole…traditionnel), rétorqueront que c’est au nom de la professionnalisation des enseignements que le recrutement de ce type de personnel enseignant est effectué. Il s’agit là en réalité d’une initiative louable qui, à notre avis, pourrait être opérationnalisée suivant des canons déontologiques et éthiques plus crédibles. La condition étant que les deux béquilles (professionnelle et académique) sur lesquelles s’appuie l’aspirant enseignant soient d’une solidité irréprochable. La consistance professionnelle ne saurait valablement excuser la faiblesse, voire la fraude académique.
Cette dame, souligne-t-on dans les allées de la Dgsn, n’a jamais dispensé des enseignements professionnels dans son domaine de compétence. Elle s’est plutôt distinguée dans le ludique ; le tape-à-l’œil ; la lecture des communiqués relatifs à la circulation routière lors des événements tels que la venue du Pape Benoît XVI et les déplacements du chef de l’État pour accueillir d’illustres personnalités ; la distribution des pagnes aux femmes policières à l’occasion des festivités marquant la célébration de la journée internationale de la femme, le 8 mars de chaque année; la présentation de quelques exploits au récent comice agropastoral; l’installation à grand ramdam médiatique des responsables régionaux de la police ; bref elle s’est illustrée  par des activités qui sont aux antipodes  de l’enseignement et de la recherche universitaires.
Les étudiants camerounais, et même étrangers ne méritent pas d’être exposés à pareille imposture.
Fait alarmant, la dame susmentionnée n’est pas un cas isolé de candidature farfelue au magistère. De nombreux  dossiers similaires sont signalés au Département de droit public de la Faculté des sciences juridiques et politiques de l’Université de Yaoundé II ; au ministère de l’Éducation de base et au ministère des Enseignements secondaires, ainsi que dans plusieurs autres départements ministériels. Alors question : qui tire les ficelles dans ce capharnaüm organisé à la faculté des sciences juridiques et politiques de l’université de Yaoundé II à Sao où signale-t-on le Recteur Jean Tabi-Manga s’activerait lui aussi à faire recruter un de ses poulains, linguiste ayant travaillé sur la linguistique politique ? Vraisemblablement, il ne s’agit pas de Paul Biya qui, à plusieurs reprises, a accordé du bout des lèvres une place prépondérante au mérite et, depuis quelque temps, à la juvénisation des cadres de l’enseignement supérieur  afin de booster l’enseignement et la recherche. Interrogés, certains membres de l’Addec (antenne de Soa) pointent sans hésiter le doigt accusateur sur le Grand chancelier des ordres académiques, ministre de l’Enseignement supérieur, Jacques Fame Ndongo. Une attitude surprenante de sa part, puisqu’au-delà des raisons techniques militant en faveur du retrait de la candidature sus-évoquée, il n’est pas sans savoir que le gouvernement dont il est membre fait de l’emploi des jeunes diplômés de l’enseignement supérieur un des axes prioritaires de sa politique.
Les assistants-moniteurs de nos universités, qui bénéficient quelquefois des appuis financiers, Epsilon, ne sont-ils pas des chômeurs pouvant bénéficier des effets de ces directives gouvernementales ?
Par ailleurs, tout laisse à penser que les magouilles et autres tripatouillages sont favorisés par l’opacité dans la procédure de recrutement des assistants par le conseil consultatif qui ne fait pas l’objet d’un appel public à soumission d’un dossier de candidature. Plus grave, la pratique de ce recrutement au sein du département de droit méconnaît les textes en vigueur. En effet, alors que ceux-ci autorisent le recrutement des assistants au niveau du Dea, les responsables académiques ont décidé de facto de ne recruter qu’au niveau du doctorat.
Tout compte fait, les pratiques décriées à Soa, lesquelles dévoilent à suffisance l’insouciance du gouvernement par rapport  aux questions relatives à la formation intellectuelle des jeunes, suggèrent d’être dubitatif, en dépit du discours officiel lénifiant sur la capacité de l’État du Cameroun à devenir son propre centre comme le souligne Achille Mbembe(3
Jean-Bosco Talla
(1) Les précédents Cavaye Yeguié Djibril et Benjamin Amama relatifs à la facilitation de l’entrée des enfants de l’aristocratie gouvernante aussi bien à la Faculté de médecine et des sciences biomédicales de l’université de Yaoundé I qu’à l’École nationale d’Administration et de Magistrature (Enam) illustrent cette perception népotique décadente du pouvoir Cf. Le Jour n° 861 du 25 janvier 2011 qui présente à la page 4 « La galaxie de Yeguié à l’Enam » . Le Jour n°0763 du 31 août 2010: dans cette édition le lecteur peut prendre connaissance des notes et des rangs des ministres sortis de l’Enam. Parmi eux au moins 5 sont condamnés, en détention provisoire, poursuivis  et/ou incarcérés à la prison centrale de Yaoundé.
(2) Nonobstant toute formation académique et professionnelle.
(3) Achille Mbembe, « L’Afrique doit devenir son propre centre », in Les Dossiers et Documents de Germinal n°008