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La fin d'une génération. Pour qui sonne le glas

La fin d'une génération. Pour qui sonne le glas

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Index de l'article
La fin d'une génération. Pour qui sonne le glas
Prémonition d’une fin de génération
La stratégie du caméléon
Gilbert Andzé Tsoungui: Le bourreau des nationalistes
L’aloi du sérail
La fin des espérances
La décimation du dernier carré présidentiel
Les empêcheurs de piller et de tuer en rond
Mongo Beti: le voltaire camerounais
Mgr Paul Verdzekov: Un Grand Homme de Dieu
Mgr André Wouking
Samuel Eboua : le sage
Engelbert Mveng: Itinéraire prométhéen d’un prophète incompris
Pierre Meinrad Hebga: la dialectique de la foi et de la raison
Toutes les pages

Série noire
La série noire se poursuit au Cameroun. Le  chef de l’État devient de plus en plus esseulé. En masse, les valeureux camerounais, les ténors et caïds de la classe politique, sociale et culturelle quittent la scène qu’ils occupaient depuis plusieurs décennies. Coup sur coup, la mort a fauché Joseph Fofé,Pius Njawé, Léopold Ferninand Oyono, Denis Ekani, Paul Tessa, Mgr Paul Verdzekov, Justin Dioro, Jean Marc Ela, Meinrad Hebga, Bénaé Mpecké, René Owona, Ndeh Ntumazah, André Booto à Ngon,  Pierre Tchangué, Charles Assalè, François Sengat Kuoh, John Ngu Foncha, Salomon Tandem Muna, Pierre Tsoungui, Paul Soppo Priso, Joseph Tsanga Abanda,  Fonka Shang Lauwrence, Victor Ayissi Mvodo, Samuel Kamé, Julienne Keutcha, Paul Fokam Kamga, Justin Fotué Kamga, Paul Kamga Njiké, Joseph Kamga , André Fouda, Charles Awana Onana, Charles Assalé, Mgr Albert Ndongmo, Mgr Paul Etoga, Mgr Jean Zoa, Mgr André Wouking, Jean Fochivé, Gilbert Andzé Tsoungui, le Père Engelbert Mveng, Ahmadou Ahidjo, Maïdadi Sadou, Luc Loé, Bernard Eding, Christopher Nsalhaï, Samuel Eboua, Vroumsia Tchinaye, Christian Tobie Kuoh, Victor Ayissi Mvodo, Thomas Meloné, Stanilas Meloné, Gorges Ngango, Mongo Beti, Francis Bebey, Eboa lottin,  Vianney Ombé Dzana, Henri Bandolo, Luke Ananga, Claude Ondobo Ndzana, Enoch Kwayeb kate, Emah Basile, David Dagobert Fampou, Salomon Nfor Gwei, Emah Ottou P.P. Williams Higgins, Gustave Essaka, Simon Nko’o Etoungou, Amougou Noma. Nous en oublions certainement.
Nous n’éprouvons pas une délectation morose en publiant cette longue liste funèbre. La perte d’un être humain, quels que soient la couleur de sa peau, son appartenance ethnique, ses convictions politiques, idéologiques et religieuses laisse un grand vide impossible à combler.
Au-delà d’une arithmétique morbide des compatriotes qui quittent la scène, de ceux qui restent et des autres qui aspirent à vivre dans un environnement politique rénové ou reconstruit, de nos jours, le Cameroun a besoin des institutions fortes susceptibles de survivre à la disparition d’un homme ou d’un groupe d’hommes qui président aux destinés actuels du pays, autrement dit, qui traversent une époque, une période ou l’histoire,  transcendent les différents clivages et qui sont fondées sur des règles (lois et règlements)  claires et justes.
L’usure de la classe politique actuelle et surtout d’un pouvoir monarchique, plus autocratique que démocratique induit des comportements mettant en péril la cohésion nationale. De sorte que s’il survient une vacance temporaire, subite ou définitive du pouvoir suprême, il est à craindre un embrasement dans le pays. La situation sera d’autant plus critique que certains qui sont au pouvoir, des politiciens par décret, se sont comportés vis-à-vis de certaines élites comme des redoutables machines à exclure et à humilier, engendrant des sentiments de vengeance et de revanche à peine dissimulés.
Jean Bosco Talla


Prémonition d’une fin de génération
Dans la vie d’un individu, il est des moments où rien ne va, et du coup, les moindres faits et gestes sont décryptés comme étant des signes prémonitoires d’une fin. Ainsi en est-il des individus comme des générations d’hommes.
Depuis quelques années au Cameroun, à la manière et au rythme dont se fait la sortie de scène de certaines personnalités de la République qui ont marqué les années post indépendance, il ne fait plus de doute que cette génération est en fin de règne. Elle est en train de disparaître. Une génération constituée d’hommes d’État, d’opérateurs économiques, de religieux, d’hommes de culture, bref, de véritables ténors du Cameroun moderne.

A titre d’illustration, la disparition de trois figures marquantes de l’histoire sociopolitique récente du Cameroun qui sonne non seulement le glas pour cette génération, mais surtout, qui symbolise la brutalité avec laquelle ces grands hommes du gotha tirent leur révérence. D’abord celle de Léopold Ferdinand Oyono, écrivain et ancien ministre d’État chargé de la culture et ambassadeur itinérant au moment de sa disparition. Nous sommes le 10 juin 2010 au palais de l’Unité. Paul Biya, le président de la République, reçoit un hôte de marque, en la personne de son Excellence Ban Ki Moon, secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (Onu), venu au Cameroun parler, certes de coopération, mais davantage de développement. Plusieurs proches collaborateurs du chef de l’État prennent part à l’événement. Parmi eux, un certain Léopold Ferdinand Oyono, très proche et fidèle parmi les fidèles de Paul Biya. Jusque-là, tout se passe bien, sans la moindre anicroche. Malheureusement, à la fin de la cérémonie, tout juste au moment où les convives se retirent, l’auteur du vieux nègre et la médaille, roman à succès, est pris d’un malaise cardiaque et tombe. Panique du protocole, tentative de réanimation, espoir et finalement consternation. L’homme avec qui Paul Biya avait l’habitude de jouer au songo, son passe-temps favori quand il se rend à Mvomeka’a, son village natal, n’est plus.

Attaque cardiaque
Cette fin brutale d’une personnalité en pleine activité n’est pas un cas isolé parmi les hommes de la génération post indépendance. On se souvient, en effet, que le  20 mars 1998 Jean Zoa, archevêque métropolitain de Yaoundé, tombe devant ses ouailles à la cathédrale Notre Dame des Victoires de Yaoundé, lui aussi victime d’une attaque cardiaque en pleine célébration de la messe de requiem en la mémoire de Monseigneur Paul Etoga, évêque du diocèse de Mbalmayo, décédé quelques jours avant. Ainsi s’achevait la vie d’un homme, un religieux, dont les prises de position face aux grandes problématiques nationales étaient quelquefois sujettes à polémique, comme ce fut le cas dans les années 90, avec la lutte pour l’instauration du multipartisme et la démocratie au Cameroun.

Autre personnalité et pas des moindres, mais ayant eu une fin identique : il s’agit de Jean Fochivé, qui a travaillé sous les deux régimes d’Ahmadou Ahidjo et Paul Biya essentiellement à la police et dans les services de renseignement. De retour de la présidence de la République un soir aux environs de 20 heures 30 mn, où, disait-on, il était allé répondre à une convocation de sa hiérarchie, Jean Fochivé a été fauché par une crise cardiaque. Difficile d’y croire, tant c’est celui dont la mission était de traquer les opposants et autres subversifs dans leurs moindres retranchements, c’est-à-dire de mater la rébellion, qui finissait ainsi brutalement. "Le flic des flics" dont la seule évocation du nom provoquait la terreur au sein de la population s’était pourtant construit une image de baobab. Malheureusement, cette nuit du 12 avril 1997 lui avait été fatale. Il venait de faire son dernier coup tordu

Fin d’une époque
Ces trois cas de figure symbolisent à suffisance la manière dont est en train de s’opérer la fin d’une époque, celle des hommes qui ont fait l’histoire politique du Cameroun entre deux périodes de lutte : lutte de libération et lutte pour la démocratisation ; époque marquée par la pensée unique imposée par des thuriféraires à la solde des "maîtres hexagonaux". Fin donc d’une époque puisqu’en quelques années seulement, les pertes ont été énormes autant qu’elles sont significatives.

D’abord les intimes de Paul Biya qui ont répondu à l’appel du destin divin. Parmi eux, l’on note Réné Owona, secrétaire général adjoint de la présidence de la République ; le Pr George Ngango, ancien ministre de l’Éducation nationale ; Emah Basile, Délégué du gouvernement et trésorier du Rdpc ; Amougou Noma lui aussi Délégué du gouvernement auprès de la Communauté urbaine de Yaoundé, Paul Tessa, ancien Directeur général de la Société de presse et d’Édition du Cameroun (Sopecam) et président de la Commission nationale anticorruption (Conac), etc.

Dans cette vague de décès, sont aussi présents les hommes ayant servi les deux régimes tout comme leurs opposants qui n’ont pas échappé à la loi de la fin de génération. Ainsi, peut-on par exemple citer, pour les premiers, François Sengat Kuoh, ancien secrétaire politique de l’Union nationale camerounaise (Unc), Enock Kwayep Kate, ancien ministre sous le régime d’Ahidjo et premier président de l’Observatoire national des élections (Onel) sous le régime de Biya ; Salomon Tandeng Muna, ancien président de l’Assemblée nationale. Dans ce tableau, on ne saurait oublier les autres figures de proue telles que John Ngu Foncha, Maïdadi Sadou, Christian Tobie Nkuoh, Luc Loé, Henri Bandolo. Parmi les seconds qui, à un moment ou à un autre, ont marqué leur distance avec un des deux régimes, on peut citer Ayissi Mvondo, ancien ministre de l’Administration territoriale, Samuel Eboua, ancien secrétaire général de la présidence de la République sous d’Ahidjo, ou de Emah Ottou P.P., frère cadet de Emah Basile, pharmacien, militant de l’Union des populations du Cameroun (Upc) depuis 1960 et fondateur, en 1991, du Rassemblement des forces patriotiques (Rfp).

Enfin, parmi ces disparitions qui signent le crépuscule d’une époque politique, figurent en bonne place les hommes de culture comme Mongo Beti, Francis Bebey ;  des hommes de Dieu tels que le Père Jean Marc Ela, le Père Meinrad Hebga, Mgr André Wouking des opérateurs économiques à l’exemple de Pierre Tchanqué.

Au bout du compte,  la qualité, la position et l’âge des personnalités ainsi soumises à la loi de la prémonition en disent long sur le changement d’époque qui est en train de s’opérer sous nos yeux au Cameroun. Cette irréversible mutation devrait interpeller la responsabilité et l’engagement politiques des jeunes un peu trop amorphe et timorée, dans la mesure où ils sont les cadres de la classe politique de demain et à ce titre, personne mieux qu’eux ne peut définir leur projet de société. L’espoir est donc permis.
Simon Patrice Djomo

 


La stratégie du caméléon

Parmi les hommes de la génération post indépendance qui ont déjà tiré leur révérence, il y en a qui sont restés dans le sérail politique, malgré le changement de régime en 1982, en prenant juste la couleur du milieu. Comme de véritables caméléons
Ils ont presque tous cassé leur pipe, mais s’il est une chose qui caractérise ces serviteurs caméléons, c’est bien cet égal dévouement et cette remarquable fidélité avec lesquels ils ont été au service de la nation sous les deux régimes, à savoir celui d’Ahmadou Ahidjo (1958 – 1982) et celui de Paul Biya qui dure depuis 28 ans.
D’abord John Ngu Foncha, celui dont le nom est associé à la réunification des deux Cameroun. Né le 21 juin 1916 à Bamenda, celui qui deviendra plus tard un acteur clé de l’arène politique camerounaise fait ses études primaires et secondaires dans sa région natale avant d’aller au Nigéria les poursuivre. Dans l’État de Cross River où il achève ces études, "Pa John" devient, en 1939, instituteur à l’école Saint Charles d’Onitsa, après un an de vacation. En 1942, le département fédéral de l’Éducation le nomme enseignant d’Agriculture au Centre d’éducation agricole de Moore Plantation d’Ibadan.
Cette promotion sera le déclic d’une vie publique pleine, mais qui ne sera pas de tout repos. Fondateur de plusieurs associations civiles, John Ngu Foncha est aussi militant politique. Il est élu en 1951 député du Parlement d’Enugu, à l’est du Nigéria, sous la bannière de la National Council of Nigeria and the Cameroons (Ncnc), parti politique dont il était le représentant local.  Au Cameroun, le jeune instituteur de Bamenda crée deux partis politiques dont il se sert pour mener la bataille de la réunification. Une bataille qui se solde, en 1961, par le rattachement du Cameroun occidental au Cameroun francophone ; les deux entités formeront un État fédéral, conformément aux Accords de Foumban. Conséquence logique de cette fusion : le père de la réunification devient premier ministre de la République fédérale dès 1962, mais est marginalisé par le président Ahidjo lorsque ce dernier organise, à son insu, un référendum qui aboutit à l’instauration d’un État unitaire, en 1972.
Se sentant trahi, il se retire de la vie politique, en 1970, avant d’être rappelé 9 ans plus tard, comme grand chancelier des ordres nationaux, poste qu’il occupera jusqu’en 1990, date de son retrait des affaires publiques. Il décède le 10 avril 1999 à l’âge de 83 ans. Mais le moins que l’on puisse retenir de ce grand compatriote est qu’il est et sera toujours perçu, dans la communauté anglophone du Cameroun comme celui qui les a trahis, en les poussant à choisir de se rallier au Cameroun au lieu du Nigéria, ce dont il avait  d’ailleurs exprimé des regrets publics à Buéa en avril 1993.

Bâtisseurs de la nation
L’autre figure de proue dont la vie politique symbolise la continuité entre les deux régimes, est Salomon Tandeng Muna. Véritable force tranquille, c’est ce natif de Ngyenmbo dans le département de la Momo (province du Nord-Ouest) qui remplace, en 1972, le démissionnaire John Ngu Foncha en devenant président de l’Assemblée nationale. Il y reste jusqu’en 1988, date de son retrait de la vie publique.
Né en 1912, il a fait une bonne partie de ses études au Cameroun avant de s’envoler pour Londres où celui qui était toujours major de sa promotion devait poursuivre ses études supérieures en sciences de l’Éducation. À son retour au Cameroun, il mène de nombreuses activités. Enseignant puis directeurs de plusieurs écoles pendant 15 ans. C’est en 1951 que cet instituteur de première heure entre en politique, comme député à l’Assemblée régionale du Nigéria oriental. Un an plus tard, commence alors une riche carrière politique. Ministre plusieurs fois, il forme un tandem avec l’honorable Foncha dans la lutte pour la Réunification.

Lorsqu’il répond à l’appel du destin le 22 janvier 2002, le Cameroun ne pleure pas seulement un des grands artisans de la réunification des deux entités anglophone et francophone, ou le grand serviteur de la nation, mais aussi, le père (beaucoup l’ignorent) du mouvement des scouts du Cameroun et même d’Afrique. Son départ, autant que celui de son acolyte John Ngu Foncha, est la fin d’une vie de bâtisseur de la nation camerounaise.

À côté de ces architectes du Cameroun uni, figure un certain Enock Kwayep Kate. Il n’est certainement pas trop connu des générations actuelles, pourtant Enock Kwayep fait partie des premiers hauts commis de la République s’étant fait remarquer par leur fidélité inconditionnelle au premier président du Cameroun indépendant. Plusieurs fois ministre, ministre d’État, ambassadeur sous le régime d’Ahmadou Ahidjo, Enock Kwayep se révélera comme une pièce maîtresse du dispositif politique de ce régime qui, à un moment, suscitait peur et terreur chez les Camerounais.

Lorsque Paul Biya, l’"illustre successeur", accède à la magistrature suprême le 6 novembre 1982, suite à la démission de son tout aussi "illustre prédécesseur", parmi les anciens barons qui sont maintenus, il y a ce fils du Ndé dans la région de l’Ouest. Avec ce nouveau régime auquel il est d’une égale fidélité, il occupe aussi de nombreuses fonctions aussi bien dans les cercles du pouvoir qu’au sein de l’appareil politique.  La confiance que M. Biya a pour ce compatriote est si grande qu’il fera de lui le tout premier président de l’Observatoire national des Elections (Onel) devenu Elections Cameroon (Elecam).

La mort, le 9 août 2002, de cet octogénaire de 79 ans, constitue pour le régime du renouveau une énorme perte.  Que retiendra-t-on de lui ? Certainement beaucoup de choses. Mais la plus marquante est sans doute cette anecdote relative à la prison de Bazou. Il se dit en effet que sous Ahidjo, chaque fidèle du régime devait proposer un projet à réaliser dans sa région. Enock Kwayep, à l’époque ministre des prisons, choisit de faire construire une prison à Bazou sous le prétexte que le grand banditisme avait pris de l’ampleur dans cette région. Mais, cette initiative a été vivement critiquée et l’est encore par les populations de cette localité. Cette image, heureusement, n’ausculte en rien ces œuvres : création de nombreuses unités administratives, création du Centre africain du travail  (Cradat), prise de position contre l’exécution d’Ernest Ouandié, leader upéciste, etc.

Les autres symboles de la continuité
Dans ce lugubre tableau, Maïdadi Sadou et Luc Loé ont un parcours presque identique. Hommes du commandement, les deux ont occupé, sous le régime d’Ahidjo, de hautes fonctions dans l’administration, comme préfet  pour le premier et gouverneur, pour le second. Plus tard, sous le régime de Biya, Maïdadi, l’aîné des deux, sera promu ministre chargé des relations avec les Assemblées, tandis que Luc Loé atterrira sur le toit de la Délégation générale à la sureté nationale (Dgsn). Du fait du poids de l’âge, Paul Biya nomme chacun d’eux Délégué du gouvernement à Garoua pour Maïdadi et à Edéa pour Luc Loé qui tirera sa révérence le 7 septembre 2001, quelques années seulement après homologue de Garoua.
Les autres personnages de légende ayant servi les deux régimes et dont la mort constitue le symbole d’une fin de génération sont, par exemple, François Sengat Kuoh et Ayissi Mvondo, anciens secrétaires politiques de l’Unc. À propos du premier, une certaine opinion pense que c’est lui qui avait mobilisé quelques intellectuels camerounais pour la rédaction du livre-programme intitulé "Pour le libéralisme communautaire" qui porte le nom de Paul Biya. C’est d’ailleurs pour cette raison, soutient-on de ce côté, que le promoteur du Renouveau a du mal à traduire en acte toutes les bonnes intentions contenues dans ce chef-d’œuvre politique. Charles Assalé et Simon Pierre Tsoungui, anciens premiers ministres, Christian Tobie Kuoh, ancien Délégué du gouvernement de Douala, Henri Bandolo, ancien ministre de la Culture, Kamé Samuel, ancien secrétaire permanent à la Défense nationale, etc., complètent la liste des légendaires serviteurs caméléons, des personnalités ayant su tirer leur épingle du jeu en prenant la couleur du milieu ou en s’adaptant au nouveau contexte politique.
Comme on peut le constater, la saignée est importante et annonce certainement la fin des temps pour les chantres de l’immobilisme politique.
S. P. D et J.E.L


Gilbert Andzé Tsoungui: Le bourreau des nationalistes
Gilbert Andze Tsoungui décédé lundi 9 avril 2007.  Ce n’était plus une rumeur à démentir comme ce fut le cas à la mi-juillet 1995. En 1958, Gilbert Andzé Tchoungui entre dans l’administration. Il est adjoint au chef de subdivision (adjoint au sous-préfet) de Nanga-Eboko à 28 ans. Un an après, il est nommé adjoint au chef de la Région du Wouri à Douala avec pour mission de mater les nationalistes de l’Union des populations du Cameroun (Upc) interdit en 1955. Après l’assassinat de Ruben Um Nyobè le 13 septembre 1958, le Nyong-et-Kellé devient un foyer de résistance.
De 1959-1960, il est sous-préfet et maire de Lolodorf, un autre foyer de résistance. Ensuite, il devient, de 1960-1961, préfet de la Boumba-et-Ngoko localité où une agitation politique animée par des leaders upécistes donne le tournis aux autorités néocoloniales en place. De 1961-1963, il pour mission de traquer les upécistes dans le Mungo : Pour récompense des sévices rendus, il devient de 1963 à 1965, inspecteur fédéral de l’administration pour la région du Littoral. Il sera ensuite envoyé à l’Ouest, comme inspecteur fédéral de l’administration toujours avec pour mission de mater l’Upc. En 1970, Ernest Ouandié et Mgr Albert Ndongmo sont arrêtés dans le Moungo. Ouandié est fusillé sur la place publique le 15 janvier 1971 à Bafoussam. Après cette « victoire »  Andze Tsoungui qui l’arrière-pays et  devient, en juillet 1972, ministre délégué à l’inspection générale de l’État.
Le 2 mai 1978, il entre au gouvernement.  Jusqu’au 13 avril 1983, il occupe le portefeuille de Il devient ministre d’État des Forces armées dans le gouvernement du 22 août 1983. Le gouvernement démantèle un faux complot contre la sûreté de l’État. Avant le coup d’État d’avril, le colonel Asso l’informe de l’éventualité d’un coup d’État, quelque temps après sa rencontre avec le général Semengue. Il fait le naïf. Une manière de laisser venir les putschites. Lorsque le coup d’État du 6 avril 1984 éclate, il s’enfuit. Paul Biya le maintient à ses côtés. Il sort du gouvernement en août 1985. Après quatre années de galère, il est nommé en avril 1989, en remplacement de Denis Ekani, délégué général à la Sûreté nationale. Le 26 mai 1990, le Sdf naït à Bamenda. Les policiers « piétinent six morts par balle. Nommé au poste de ministre de l’Administration territoriale au début des années 90, il doit organiser les législatives et la présidentielle de 1992. En mars 92, il ne peut contenir l’opposition qui rafle le maximum de siège à l’Assemblée nationale. Pour conserver le pouvoir, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) avec ses 88 députés doit se livrer au marchandage. En octobre 1992, tirant les leçons des législatives, Andzé Tsoungui charcute les résultats de la présidentielle au profit de Paul Biya. Il quitte le gouvernement 7 décembre 1997 à l’âge de 67 ans. Il meurt, 10 ans plus tard à l’âge de 77 ans et rejoint dans l’au-delà Um Nyobè, Ernest Ouandié et les « maquisards » dont il avait précipité la mort.
S.A.K

L’aloi du sérail
Sans être de proches  intimes, certains fidèles du régime de Paul Biya ont quitté la scène. Ce qui ne va pas sans soucis pour les compagnons restés accrochés au pouvoir.
Calme et effacé, Bernard Eding, l’ancien Directeur général de la Société nationale de raffinerie du Cameroun (Sonara), voit sa consécration à ce prestigieux poste coïncider  avec l’accession au pouvoir de Biya, en 1982. Au regard de son parcours académique et professionnel, ce fils de la Sanaga maritime dans la Littoral est,  au sens plein du terme, un pétrolier.  Né le 5 mars 1940 à Edéa, il va en France, après l’obtention, au Lycée Général Leclerc de Yaoundé, de son Baccalauréat, option mathématique,   poursuivre ses études en chimie. Brillant esprit, il travaillera dans de nombreux projets de construction d’unités de raffinerie en Afrique comme en Europe. Il a par exemple contribué,  de manière significative, à la mise sur pied de la Sonara et de la Sogara  au Gabon, sans oublier qu’il a participé à la recherche exploration-production du groupe Elf Serepca. C’est cet homme à la tête bien faite qui est dans certains milieux perçu comme un "collabo complice passif" du pillage de nos ressources  qui meurt le 25 juin 2002, à l’âge de 62 ans.

Claude Ondobo Ndzana, que la jeune garde des scribouillards de la presse camerounaise aujourd’hui ne connait pas, était un des pionniers du journalisme camerounais. Cet homme de culture qui s’en est allé à l’au-delà le 15 août 2002 à Paris, est un pur produit du collège Vogt où il obtient son baccalauréat avant de s’envoler pour l’Afrique du Nord. Devenu journaliste et licencié en sociologie, il poursuit son périple épistémologique en Belgique et obtient un Doctorat en communication. Il retourne au Cameroun au lendemain de la réunification et officie comme rédacteur en chef à la radio diffusion du Cameroun. En 1978, il entre à l’Unesco, et initie plusieurs projets dont certains pour son pays tels que l’implantation de 15 radios communautaires au Cameroun.

Pas très connu aussi, celui qu’on appelait "M. le diplomate". Simon Nko’o Etoungou, puisqu’il s’agit de lui, est originaire de Meyomessala dans la région du sud Cameroun. Avant d’être nommé ambassadeur du Cameroun en France, il a occupé plusieurs fonctions dans la haute administration. Il est décédé trois jours avant son compatriote Ondobo Ndzana, c’est-à-dire le 12 août 2002, dans la même ville.

Loin d’être exhaustive, on ne saurait oublier les noms de Salomon Nfor Gwé ou Fonka Shang Lawrence. Le premier a été enseignant à l’École normale supérieure (Ens), en dépit de sa maîtrise en théologie, puis secrétaire d’État à l’Agriculture jusqu’en 1985, date à laquelle il se voit confier le Comité national des droits de l’homme cumulativement avec ses fonctions de Sg de la Chambre d’Agriculture. Décédé le 30 juin 2002, beaucoup retiennent de lui qu’il n’a pas su user de l’instrument qu’était ce Comité. Pour ce qui est du second, il a été sous le régime de Biya, président de l’Assemblée nationale.
Connu ou non, jeune ou vieux, beaucoup de proches de Paul Biya dont l’ascension s’est observée sous le régime du Renouveau sont en train de quitter la scène les après les autres, sonnant ainsi la fin d’une époque.
Simon Patrice Djomo

 


La fin des espérances

Dagobert Fampou : De l’armée à la mairie
Pour plusieurs observateurs de la scène politique camerounaise, l’erreur politique de Dagobert Fampou aurait été  son soutien indéfectible au Rassemblement démocratique du peuple Camerounais Rdpc après l’avènement du multipartisme.
C’est que, après la création du SDF en 1991 et les bouleversements survenus dans la sphère politique nationale, les populations de Douala en particulier n’étaient plus acquises à la cause de Paul Biya et son parti. C’est un détail qui a manqué dans les calculs politiques et électoralistes de Fampou David Dagobert. Conséquence, malgré les grands travaux d’assainissement par lui accomplis dans l’arrondissement de Douala IIè en tant que maire de la localité, il est battu aux élections municipales pluralistes de 1995. Il faut dire que l’opposition avait encore repris ses lettres de noblesse dans cette partie de Douala reconnue être la plus frondeuse de toutes.
Comme avertissement, le domicile du Maire Fampou fut incendié  le 27juin 1991 à la suite du discours du chef de l’État qui déclarait la conférence nationale « sans objet pour le Cameroun ». C’est dans un « couloir » de la maison des anciens combattants que cet ancien soldat de la Deuxième Guerre mondiale rend l’âme le 22 avril 2002. Il aura doté la Mairie de Douala IIè d’un siège haut standing avant de mourir Sans Domicile Fixe (SDF).

Justin Dioro : le centralien
Justin Ndioro quitte la scène le 28 janvier 2007. Justin Ndioro est né le 5 janvier 1949. Ingénieur diplômé de la prestigieuse école Centrale de Paris, option électromécanique, il est de la première promotion des ingénieurs électromécaniciens recrutés à l’ex-ministère de l’Équipement, devenu depuis ministère des Travaux publics.
En 1967, il décroche un baccalauréat en mathématiques élémentaires au lycée de Nkongsamba, au terme de brillantes études secondaires. Il prend alors le chemin du lycée Camille Guérin de Poitiers, en France, où il suit des cours de mathématiques spéciales. Entré à Centrale en 1969, il en sort en 1972 avec le diplôme d’ingénieur
1972: ingénieur en chef au Matgénie. 1974: directeur général adjoint de la Sonel. 1986: directeur général de Alucam. 1988: directeur général de la même entrepris, cumulativement avec ses fonctions de directeur général de Socatral, de président de Alubassa et Metalu, Avril 1991: ministre des Finances. Décembre 1993: conseiller spécial à la Présidence de la République.
Juillet 1994: ministre de l’Économie et des Finances. Septembre 1996: ministre du Développement industriel et commercial. Décembre 1997 : ministre des Investissements publics. Août 2002: ministre chargé de missions à la Présidence de la République.

Joseph Fofé Tapydji extrait sa dernière dent
Joseph Fofé Tapydji est né en 1932 à Mbouda. Il fait la connaissance de Paul Biya au petit séminaire d’Akono, avec qui il lie amitié. Cette relation sera maintenue et affermie lors de leur parcours scolaire et académique au Cameroun et en France où ils iront poursuivre leurs études.
A 33 ans Joseph Fofe est  l’un des premiers chirurgiens dentistes au Cameroun,  après des études à la Faculté mixte de médecine et de pharmacie de Nantes en France. Il rentre au Cameroun en 1966. Il exerce en interne à l’hôpital central de Yaoundé, qui culminera au prestigieux poste de conseiller médical entre 1983 et 1984. Il y bâtit une sa notoriété
Le 04 février 1984, il devient ministre du Travail et de la Prévoyance sociale. Il y passe deux ans à peine. Le 21 novembre 1986, le portefeuille de la jeunesse et des sports lui est confié. Il y passe 5 ans. Le 07 décembre 1990, il sort du gouvernement. C’est une très longue période d’hibernation voire d’oubli.
18 ans après la traversée du désert, il est nommé, en 2008, ambassadeur du Cameroun en République centrafricaine. Il quitte la scène le 02 octobre 2010. Il a 79 ans.
Maheu et Olivier Ndenkop


La décimation du ''dernier carré'' présidentiel
Le vide se creuse de plus en plus autour du président Paul Biya. Certes le nombre des postes dans ses différents gouvernements est croissant. Mais une chose reste certaine, c’est que les vrais intimes de l’ « Homme Lion » ont déjà définitivement pris leur retraite et reposent désormais dans l’au-delà. Cette liste déjà constituée des noms du Général Bénaé Mpecké, de René Owona de Georges Ngango.

Depuis le 15 mars 2010, Paul Tessa s’y est ajouté. Ce natif du Département de la Menoua à l’Ouest du pays s’est éteint à l’hôpital de la caisse de Ngousso à Yaoundé, juste 24 heures après être retourné d’un voyage dans son village Formée.
Né le 10 août 1938, Paul Tessa qui avait la taille de deux cubes ajustés fut très proche de Paul Biya. Les deux hommes avaient fait leurs études secondaires ensemble au Collège Général Mixte de Yaoundé. Ministre d’Ahidjo, il est récupéré par son ancien camarade de collège et nommé Directeur général de la Sopecam en 1988, Il le propulse SG de la présidence de la république l’année suivante puis ministre des Travaux publics en 1989.
Comme « en politique on ne lâche pas les vieux amis » Paul Tessa est nommé président de la Commission nationale anti Corruption-Conac-dès sa création en 2006. Il sera suivi dans ce long voyage sans retour par Ferdinand Léopold Oyono.

Ferdinand Oyono: Le Vieux Nègre accroche sa médaille
L’information commence sous la forme d’une rumeur dans certains milieux de Yaoundé. Les hommes introduits susurrent que Ferdinand Léopold Oyono est tombé lors d’une manifestation au sommet de l’État et il ne s’est plus relevé. La nouvelle de cette mort pas très surprenante en raison de son âge et du délabrement de sa santé physique est confirmée le 10 juin 2010.  Paul Biya perd ainsi un homme qui aura été de tous ses déplacements depuis plusieurs années. Né en 1929 à Ebolowa dans la province du sud Cameroun. Et après des études de droit à l’université Sorbonne en France Ferdinand Oyono retourne au Cameroun. Il y entame une carrière de haut fonctionnaire. Il est en poste à Paris en 1972 lorsque Main basse sur le Cameroun de son ancien « ami » Mongo Béti est interdit par le ministre français de l’Intérieur Raymond Marcellin.
Ayant représenté le pays aux Nations Unies, en Algérie, en Lybie, en Grande-Bretagne et en Scandinavie, Le vieux nègre et la médaille reviennent au pays pour occuper charges ministérielles.
Sa disparition le 10 juin dernier constitue une perte presque insurmontable pour Paul Biya avait qui il partageait la passion du Songo’o, un jeu très prisé en région Eton.

Bénaé Mpeckè : le fidèle
Fidèle par est les fidèles de Paul Biya, le général Bénaé Mpeckè est mort le 27 février 2007,  après René Owona et Tsanga Abanda. LA mort l’avait surpris dans son village natal.  Homme de main de Paul Biya depuis le coup d’État manqué d’avril 1984, Benaé Mpecké, alors colonel, aurait été l’un des acteurs ayant contribué à l’échec de la tentative de déstabilisation des institutions républicaines. Son rôle auprès de Paul Biya était à la fois officiel et mystique. Il était aussi opérateur économique.
Né en 1930, Blaise Bénaé Mpécké était lauréat de la deuxième promotion de l’Emia (École militaire interarmées).
O.N et Maheu


Les empêcheurs de piller et de tuer en rond
C’est une page de l’histoire de l’intelligentsia camerounaise qui est en train de se tourner. Le pays perd à tour de rôle,  ses plus grands chevaliers de la plume.
La sévère répression qu’Ahmadou Ahidjo engagea contre les libres penseurs de son époque eut des conséquences désastreuses sur l’avenir intellectuel du pays. Le règne autocratique de ce « petit peuhl », « chouchou de Pompidou » selon les mots de Mongo Béti ( Main basse sur le Cameroun ). a finalement divisé les intellectuels camerounais en deux grands blocs. Avec d’un côté les caisses de résonance du système et de l’autre, les impertinents à qui on n’hésitait pas à coller l’étiquette d’opposant, d’ennemi de la Nation.
Albert Ndongmo fait partie de ces dernières cités. Il était un homme de Dieu, mais pas comme les autres. Valentin Paul Emog dans Monseigneur Ndongmo le porteur des cornes reprend une de ses déclarions qui a fait le tour du monde : « On ne peut pas conduire les hommes au ciel comme si la terre n’existait pas ». Ce bout de phrase suffit pour comprendre le combat de l’homme. Originaire de Bafou dans le département de la Menoua, Région de l’Ouest, il était un homme de Dieu non dogmatique bousculant quelquefois les traditions du catholicisme. Partisan invétéré de la tropicalisation de cette religion, Monseigneur Ndongmo a été l’un  des tout premiers prélats africains à instaurer l’utilisation des éléments locaux dans les rituels religieux. C’est après son accession à la tête du diocèse de Nkongsamba que ce natif de Bafou avait fait le plus parler de lui. D’abord, pour autonomiser financièrement son diocèse, il crée la Société Moungo Plastique. Cette réalisation fut très mal perçue aussi bien par la hiérarchie de l’Église catholique que par les politiciens camerounais. Les uns y ont vu une société de fabrication d’armes pour faire sauter le système d’Ahidjo qu’il ne ménageait pas dans ses homélies et autres prises de paroles publiques. Il sera d’ailleurs arrêté avec Ouandié Ernest, le résistant Upéciste. Les deux hommes à l’issu d’un procès marathon avaient été condamnés à mort. L’homme de Dieu sera gracié suite à une requête du pape. Il s’envole pour un exil au Canada où il meurt en 1992.

Les poursuites engagées contre Ndongmo témoignaient de la volonté du système politique du Cameroun indépendant de traquer ses contradicteurs jusque dans les soutanes. C’est dans cet esprit qu’a été interprété l’assassinat du père Engelbert Mveng (lire plus loin). Historien et poète, le père Mveng était connu pour la profondeur de ses écrits. En 1995, cet homme de Dieu s’est retrouvé mort sur la voie publique dans des conditions jamais élucidées.

Le 21e  siècle et ses morts

Les premières années de ce 21e siècle ont été marquées par la disparition de plusieurs plumes camerounaises.
En effet, c’est le 06 novembre 2000 que le professeur Stanilas Meloné ouvre ce bal macabre. Aujourd’hui, au campus B de l’université de Douala, un amphi porte son nom. Étant donné que les reconnaissances ne sont pas courantes dans ce Cameroun menacé par l’amnésie, il devient normal que l’on se demande pourquoi les autorités universitaires ont décidé attribuer le nom du Pr. Meloné à  un amphithéâtre. Né le 07 mai 1941 à Ekite par Edéa, Stanislas Meloné obtient son Baccalauréat en 1959.  Au moment où le jeune bachelier s’apprête à aller poursuivre ses études en Europe, l’Université fédérale du Cameroun ouvre ses portes à Yaoundé. Il est un passionné de droit. En 1964, il sort major de sa promotion en Licence. Il a comme camarades de promotion Louis Yinda (actuel DG de la Sosucam), Martin Rissouk à Moulom (Procureur général à la Cour suprême), Alexis Dipanda Mouéllé (actuel président de la Cour suprême).

Arrivé en Europe, il passe l’agrégation en 1973. Le tout premier africain à atteindre ces cimes de la connaissance. Il devient avocat à la Cour de cassation de son pays d’accueil. Pareillement, il dispense des cours aux étudiants des universités Paris II, bordeaux, Nanterre, Limoges. L’agrégé des universités françaises en droit privé et en sciences criminelles retourne au pays et devient le chef de département de droit et science économique de l’unique université du Cameroun où il y sera aussi doyen de faculté et plus tard recteur. Proche du pouvoir, il ne s’y confond pas. Au contraire, il savait user de sa lucidité intellectuelle pour détecter les injustices sociales afin de proposer des solutions. C’est lui qui porta de bout en bout la loi de 1985 sur l’indemnisation des victimes des accidents de circulation.
Comme Stanislas, Thomas Meloné finit aussi par imprimé ses empreintes dans la formation universitaire au Cameroun. Il aura été lui aussi un Grand Maître, à la Faculté des arts lettres et Sciences humaines de l’université de Yaoundé.


Francis Bebey
Le 28 mai 2001, l’information est venue des médias français. Une dépêche annonce que « Francis Bebey, chanteur d’origine camerounaise est mort dans le XIIe arrondissement de Paris. Il avait 72 ans ». Comme une onde de choc, cette nouvelle attriste les Camerounais et le monde entier. Un sentiment qui se justifie par l’influence que ce chanteur avait sur les consciences des jeunes et moins jeunes.
Francis Bebey ne faisait pas directement de politique comme le fit son parent Bebey Eyidi arrêté en 1961 lors de la fameuse affaire du Manifeste. Par contre, sa musique se positionnait comme une remise en question de la société de son temps et une invite à l’amour, la solidarité, la philanthropie. Homme de culture attitré, Francis Bebey a été le précurseur de notre musique moderne. Grand écrivain, il est auteur de plusieurs ouvrages parmi lesquels Les trois petits cireurs, Le fils d’Agatha Moudio, etc.

Jean Marc Ela

Après son décès survenu en 2008 à Montréal au Canada où il vivait en exil, le Professeur J.M. Ela a eu droit aux obsèques académiques à l’université de Yaoundé. Valentin Ngah Ndongo, chef du département de Sociologie dans cette institution universitaire camerounaise s’est incliné devant la dépouille de l’illustre disparu pour déclarer «  je ne sais pas si le Cameroun aura encore un autre Sociologue comme le Pr. Jean Marc Ela». De simples éloges post mortem ? Assurément non. Le chercheur Ela comme il aimait être appelé était un maître incontesté de ses nombreuses disciplines (Sociologie, Anthropologie, Théologie). Il a énormément écrit sur la religion et c’est fort à propos que Paul Biya en recevant le pape en mars 2009 à l’aéroport de Nsimalen a repris un de ses nombreux titres, notamment Ma foi d’Africain. Né à Ebolowa en 1936, le père J. M. Ela après ses études en Europe revient au Cameroun et décroche un poste d’enseignant à l’université de Yaoundé. Réputé peu doux envers le régime de Yaoundé, il se sent de plus en plus en insécurité. Après l’assassinat du père Engelbert Mveng, il  trouve la menace imminente et prend le chemin de l’exil. Il décède au Canada.One ne saurait oublier les voix des Mongo Beti, Bernard Nanga et autres prélats. (Lire plus loin)

Olivier Ndenkop


Mongo Beti: le voltaire camerounais
Voilà neuf ans déjà que Mongo Beti s’en est allé. C’est en effet le 7 octobre 2001 que cette grande voix s’est définitivement tue, à l’hôpital général de Douala où il avait été évacué d’urgence la veille pour cause d’insuffisance hépatique et rénale aiguë.
À Yaoundé où il était pourtant hospitalisé depuis le 1er octobre, il était resté pratiquement sans soin, aucun hôpital de la ville ne disposant d’un appareil de dialyse…
Ainsi donc, revenu au Cameroun en 1994, après 32 ans d’exil ininterrompu, Mongo Beti fut finalement victime sept ans plus tard - quarante ans après « l’indépendance » - d’une de ses formes de mort quasi gratuite dont on meurt si souvent chez nous.
C’est peut-être à partir du type de mort dont il est mort qu’il faudrait revisiter et méditer sur le combat auquel il a consacré toute son existence : la lutte contre toutes les forces qui, en Afrique et au Cameroun singulièrement, font que la satisfaction des besoins humains les plus basiques – pain, santé, abri, vêtement -  reste une gageure pour l’homme, trente, quarante et encore cinquante ans après ce qu’on appela « l’indépendance ».

Ceci s’explique non pas par une irréductible « pauvreté » du pays mais par la perpétuation d’un mode de gestion de la Cité caractérisé par une violence qui, tout en dilapidant les biens et en fatiguant les personnes sur lesquelles elle s’exerce (quasiment sans frein), ne vise ni la productivité économique ni le bien-être de l’ensemble des Camerounais.

Jadis, dans Ville cruelle, son premier roman publié en 1954 (quarante sept ans avant sa mort), Mongo Meti dénonçait le colonialisme dont les Africains faisaient alors l’expérience et le décrivait comme un système déshumanisant où quelques tout-puissants civilisateurs « pouvaient impunément s’offrir le luxe d’infliger la souffrance », laissant ainsi dans la conscience du colonisé une blessure béante et l’impression aiguë que « la sécurité s’était retirée à jamais de la grande forêt.»

L’indépendance est certes survenue peu après Ville cruelle. Mais qu’est-ce qui a véritablement changé dans la vie de l’homme commun et ordinaire, puisque depuis ce temps, ce sont nos « Nérons noirs, Francos des tropiques»1 et leurs suppôts qui peuvent « impunément s’offrir le luxe d’infliger la souffrance» aux indigènes ? De même, le désœuvrement qui caractérise encore nos hôpitaux – et auquel il faut bien imputer le décès de Mongo Beti - comme les mille autres visages hideux que prend aujourd’hui la précarité chez nous, laissent bien voir que « l’indépendance » et le « développement » transformés en slogans n’ont ni ramené la sécurité ni réduit l’incertitude radicale que le colonialisme avait répandue dans nos villes et nos campagnes.

Mais qu’est-ce qui a donc véritablement changé, puisque Trop de soleil tue l’amour, roman paru quarante-cinq ans après Ville cruelle et qui est une peinture du Cameroun contemporain, nous plonge lui aussi dans un monde où dominent l’inattendu et l’absurde, tout étant possible à tout moment et rien n’étant certain ? La mort et la mutilation de la vie y prolifèrent sous diverses formes, comme dans le Tanga de Ville Cruelle.

En un sens, c’est bien cet «immobilisme agité» (Fabien Eboussi Boulaga) que Mongo Beti a passé toute sa vie à conjurer. En un sens, toute son écriture fut une manière d’attirer l’attention sur la question de savoir de quels lendemains notre présent était porteur. Mongo Beti reste ce grand cri de protestation qui nous somme de nous déterminer et de dire dans quelles continuités ou dans quelles ruptures nous croyons devoir inscrire nos sociétés. Ceci dans un contexte où une longue histoire d’oppression et un face à face toujours dangereux avec les urgences qu’impose la nécessité de survivre au quotidien ont fini par installer un grand nombre de gens dans « l’habitude du malheur », inhibant la capacité à s’indigner et celle de se dresser contre l’injustice et la tyrannie.

L’auteur de Main basse sur le Cameroun est ainsi devenu la mauvaise conscience d’une certaine « élite » gouvernante africaine qui, ivre d’un pouvoir usurpé, joue depuis cinquante ans à une affligeante tragi-comédie qui veut donner de l’Afrique l’image d’un continent où la vie aurait de tout temps été traitée avec mépris, en droite ligne avec les dogmes imbéciles au fondement de la fable civilisatrice. Le silence dans lequel l’extinction de sa voix a plongé notre espace public est donc assourdissant. Car il avait su incarner une éthique caractérisée par un sens élevé de la dignité humaine et le refus de toute compromission. Il incarnait cette acception sublime de la vie qui veut que jamais le combat pour la justice, la dignité humaine et le progrès de la culture ne soit sacrifié aux impératifs d’une survie purement génitale. Et c’est en ceci qu’il reste d’une troublante actualité pour la société camerounaise qui se doit d’entretenir sa mémoire et de poursuivre son projet moral.

Car c’est souvent sur le terreau de l’amnésie que prospère l’arbitraire et la tyrannie. Le sort de tous les « héros maudits » de notre décolonisation est là pour nous le rappeler… Aussi, il est temps que les Camerounais se penchent une fois pour toute sur la question de savoir comment transformer en présence l’absence de ceux qui, comme Mongo Beti, s’en sont allés. Il ne faut point voir ici un appel au deuil permanent. Il s’agit plutôt de veiller à ce que « ces présences qui n’en sont plus et dont on se souvient » (le passé) soient remobilisées pour hâter l’avènement de « ces autres présences qui ne sont pas encore et qu’on anticipe » (l’utopie). Or c’est justement l’avenir qu’il faut rouvrir, l’utopie qu’il faut réinventer et l’espérance qu’il faut recréer. Se souvenir c’est donc aussi, en un sens, regarder loin devant soi ; c’est un désir de vie ascendante.
Yves Mintoogue
1- Mongo Beti, Main basse sur le Cameroun, p. IV

Mongo béti en raccourci
Jusqu‘au dernier de ses jours, Alexandre Beyidi Awala a refusé toute compromission. Il fut le prototype de l’intellectuel en guerre perpétuelle contre l’injustice. Il rêvait d’un Cameroun plus juste et plus prospère.
Mongo Béti a vu le jour en 1932 à Mbalmayo. Il fait ses études primaires et secondaires au Cameroun avant de poursuivre ses études en Europe. Installé en France à la veille de l’indépendance du Cameroun, il se rapproche des milieux Upéciste. Ce qui lui vaut une interdiction de séjour au Cameroun. Même du Cameroun,  l’homme restera proche des réalités du pays. À preuve, lorsque commence l’Affaire Ndongmo-Ouandié, il décide de faire quelque chose. Au bout de deux ans, il publie Main basse sur le Cameroun. Autopsie d’une indépendance, ouvrage qui sera interdit au Cameroun. Interrogé sur cette période de l’histoire du Cameroun en rapport avec la sortie de son livre, il dira qu’il l’a écrit parce qu’il n’était pas au Cameroun.  « Si j’étais au pays, je devais être au front », dira-t-il à Ambroise Kom dans l’ouvrage Mongo Béti parle.
Pour donner la parole aux intellectuels bannis par les pouvoirs très peu démocratiques du continent, L’auteur de Ville Cruelle lance la Revue « Peuples Noirs Peuples Africains » en 1978. De retour de son exil long de 32 ans, il crée en 1994, la Librairie des Peuples Noirs à Yaoundé avec Odile Tobner son épouse. Mongo Béti meurt le 07 octobre 2001 à l’hôpital général de Douala.


Mgr Paul Verdzekov: Un Grand Homme de Dieu
Né à Shisong (Kumbo) le 22 janvier 1931, de Bara et Francisca Viyoy, le futur premier Archevêque de Bamenda est baptisé trois jours plus tard à Shisong, le dimanche 25 janvier, fête de la Conversion de St. Paul.
Entre 1937 et 1944, le couvent et l'Ecole Sacré Cœur de Shisong accueillent Paul Verszekov pour la maternelle et les études primaires, à la fin desquelles il servira comme maître stagiaire, de janvier 1945 à décembre 1947, dans deux établissements catholiques de la paroisse de Shisong.
Pendant trois années (1948-1950), il est inscrit à l'école normale de Njinikom pour la formation d'enseignants du primaire, dont il obtient le diplôme en décembre 1950, avant d'être nommé, en janvier 1951, directeur de ce même établissement désormais transféré à Bambui.

Le séminariste et le prêtre

C'est en janvier 1952 qu'il entre au Petit séminaire Ste Famille de Sasse (Sud-Ouest actuel). Il y  étudie trois ans, puis il est admis au séminaire propédeutique de Bigard (Enugu, Nigeria) pour deux années. D'octobre 1957 à juin 1962, il poursuit et termine sa formation à la prêtrise au Collège Pontifical Urbano à Rome.
Paul Verdzekov est ordonné prêtre le 20 décembre 1961 à Rome, en même temps que son camarade d'école, Pius Suh Awa (futur évêque de Buéa), par le Cardinal Agagianian, alors Préfet de la Congrégation de la Propaganda  Fide.
Il reste à Rome, à la demande de ses supérieurs hiérarchiques du Cameroun, pour poursuivre des études en sciences sociales à l'Université Pontificale Grégorienne. Paul Verdzekov rentre au Cameroun en août 1965, muni d'une licence en sciences sociales.
Il exerce comme curé à la paroisse St joseph de Tiko (1965), à la paroisse Sacré-Cœur de Fiango (1966) et à Victoria (Limbe). En septembre 1967, il repart à Rome pour préparer un doctorat à l'Université Grégorienne. Il rentre au Cameroun en août 1969, muni de son doctorat en sciences sociales. Son Evêque lui confie la direction de l'Information catholique du diocèse de Buea.

Verdzekov, évêque de Bamenda
Le 13 août 1970, le Pape Paul VI crée le diocèse de Bamenda (en partition de l'unique diocèse anglophone de Buéa) et en nomme Paul Verdzekov premier Evêque. Qui reçoit la consécration épiscopale le 8 novembre suivant à Mankon Bamenda. En octobre 1971 et en octobre 1997, le nouvel Evêque représente la Conférence épiscopale du Cameroun respectivement à la 2e et à la 4e Assemblées générales ordinaires du Synode des Evêques.
Le 24 avril 1982, le diocèse de Bamenda est scindé pour donner naissance au diocèse de Kumbo. Les trois diocèses anglophones du pays forme la Province ecclésiastique de Bamenda, dont Mgr Paul Verdzekov devient l'Archevêque métropolitain. Il est en même temps Administrateur Apostolique du nouveau diocèse jusqu'à la nomination de l'Evêque de Kumbo. Le nouvel Archevêque reçoit le pallium archiépiscopal le 22 février 1983 en la Cathédrale St Joseph de Mankon.

Missions internationales

En octobre 1987, Mgr Verdzekov est membre, désigné par le Pape, de la 6e Assemblée générale du Synode des Evêques. En 1989, le Pape jean Paul II le nomme membre de la commission d'organisation de l'Assemblée spéciale du Synode des Evêques pour l'Afrique, au cours de laquelle il exerce les fonctions de président de la sous-commission pour la Proclamation. Il prend part à cette Assemblée spéciale, qui se tient en avril et mai 1994, et dont il est nommé président de la Commission d'élaboration du Message final.
Membre de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, l'Archevêque de Bamenda est plusieurs fois, entre 1993 et 1998, envoyé du Saint-Siège auprès des Grands Séminaires de la Province ecclésiastique de Kananga, à l'Est et à l'Ouest du Zaïre, ainsi qu'au Malawi. Il effectue de même des visites apostoliques et donne des conférences aux grands séminaires et aux Evêques, à la demande du Vatican.   

La retraite et le décès
Le 22 janvier 2002, jour de ses 71 ans, Mgr Verdzekov demande au St Siège la désignation, pour l'Archidiocèse de Bamenda, d'un coadjuteur avec droit de succession. Mgr. Cornéluis Essua, Evêque de Kumbo, est nommé à cet effet le 7 décembre 2004. Quelques mois avant son 75e anniversaire du 22 janvier 2006, le Père Paul demande à prendre sa retraite et à céder officiellement son siége à son successeur dès le lendemain de cet anniversaire, le 23 janvier 2006. Souhait exaucé par le Saint-Père. Ce jour-là précisément, Mgr Cornelius Esua est installé comme Archevêque métropolitain de Bamenda.
Entre temps,  Mgr Verdzekov aura encore été désigné pour participer à la 11e Assemblée générale du Synode des Evêques, du 2 au 23 octobre 2005.
Retiré à Ntasen, près de Bamenda, l'Archevêque émérite sert comme curé du village et comme aumônier de l'Hôpital St François d'Assises, tenu par les Sœurs Tertiaires de St François. Doté d'une intelligence exceptionnelle et d'un très grande capacité de travail (c'est bien ce qui lui a valu toutes les missions et fonctions à lui confiées par le Vatican), il s'adonne désormais, comme toujours, à la lecture et à l'écriture. Il produit des articles pour l'hebdomadaire catholique L'Effort Camerounais et pour le mensuel Cameroon Panorama, publié par le Service de l'Information catholique du diocèse de Buea (où il avait commencé son apostolat à la fin de ses études). Selon ses proches et ses confrères évêques, il s'est attelé, avant sa mort, à la rédaction d'un ouvrage sur le procès, les accusations et les tribulations injustes de Mgr Albert Ndongmo, Evêque de Nkongsamba. Il faut rappeler que c'est Mgr Verdzekov, à peine nommé Evêque en 1970, et Mgr Julius Pecters, Evêque de Buea d'alors, qui ont contacté deux avocats pour défendre Mgr. Ndongmo, Mes Luke Sendze et Fon Dinka.
Mgr Paul Verdzekov est décédé le mardi 26 janvier 2010, dans sa résidence de retraite à Ntasen, quatre jours après la célébration de ses 79 ans.
La rédaction

Mgr André Wouking
L’archevêque de Yaoundé est mort dans la nuit de dimanche 10 novembre 2002 à Paris où il avait été évacué vendredi le 08 novembre dernier. La nouvelle a été rendue publique par un communiqué de la communauté diocésaine de Yaoundé.
L'archevêque de Yaoundé, Mgr André Wouking, est décédé dimanche à Paris à l'âge de 73 ans des suites d'une hémorragie cérébrale, a annoncé lundi dans un communiqué le vicaire général de la cathédrale de Yaoundé.

Samuel Eboua : le sage
Ancien collaborateur du président Ahmadou Ahidjo puis de Paul Biya, il est le premier président de l’Union pour la démocratie et le progrès (Undp) au début des années 90 et président du Mouvement pour la démocratie et la progrès (Mdp) après son éviction de l’Undp.. Président du directoire de l’opposition camerounaise pendant les années chaudes (1991-1993), Samuel Eboua tire sa révérence dans la nuit du 14 au 15 novembre 2000 à l’âge de 72 ans. Né le 03 mars 1928 à Njombé, Après ses études primaires et secondaires au Cameroun, il s’envole pour la France en 1964 où il complète son cycle secondaire, s’inscrit à la Sorbonne et l’Institut d’études politiques de Paris. En 1964, il obtient une maîtrise en et histoire et géographie et retourne au Cameroun.  De retour au pays, il est enseignant d’histoire et géographie, puis censeur au Lycée général Leclerc. En 1968, il promu directeur de l’enseignement secondaire au ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports. En 1969, il est chargé de mission à la présidence la République, puis secrétaire général adjoint vers la fin de la même année. En 1972, il est Pdg de la Camair. Trois ans plus tard il devient secrétaire de la présidence de la République. Quand Paul Biya accède au pouvoir, il nomme ministre d’État de ’Agriculture. Il quitte le gouvernement le 18 juin 1983. En 1985, il est Pca de la Camair.
Olivier Ndenkop et Souvarine

 


Engelbert Mveng: Itinéraire prométhéen d’un prophète incompris
Engelbert Mveng voit le jour le 09 mai 1930 à Enam-Ngal, paroisse de Minlaba rattachée à la commune de Ngulemakong (Sud-Cameroun). Son père, Jean Amugu est cultivateur. D’abord marié à une veuve qui meurt quelques années après le mariage, il rencontre Barbara Ntolo, originaire de Mvengue (Sud-Cameroun) avec qui prend comme épouse. De leur union naissent deux enfants : Engelberg Mveng et sa sœur Amugu.

Auprès de ses parents protestants, Engelbert. Mveng reçoit une solide éducation religieuse. Il est très tôt remarqué par P. Pichon, Père spiritain qui milite contre les travaux forcés. Le jeune Mveng est très éveillé par rapport à son âge. Il n’a que 5 ans. Il a le verbe facile et apprend vite. Ses parents sont fiers de voir un blanc s’intéresser  à leur enfant. Ils  nourrissent l’espoir de le voir devenir leur digne héritier comme il est de coutume dans leur tradition. Il continuera donc leurs œuvres.

Le 14 juillet 1935, il est baptisé à de Minlaba. Il a alors 5 ans. 7 ans plus tard, le 28 juillet 1942, il reçoit la confirmation.

Très tôt repéré pour son intelligence, il est recueilli par le Père Hebrard, successeur du Père Pichon. Il en fait son garçon de chambre, communément appelé «boy». D’après Jean-Paul Messina, « ce type d’engagement était scellé par un contrat qui obligeait le petit africain à exécuter les tâches domestiques au profit du Père, et contrepartie, lui donnait droit à la nourriture, aux vêtements et à la scolarisation ».

À l’âge de 6 ans environs, vers 1936, il est inscrit à l’école primaire de Minlaba.  Ses études se déroulent sans difficulté et s’achèvent  en 1942. Cependant, il doit encore rester à la mission, le temps de décider de ce qu’il fera et de ce qu’il deviendra, et ce, à cause d’un conflit qui l’oppose à son père spirituel. Connaissant les aptitudes intellectuelles et spirituelles et son « domestique », le père Hebrard avait compris que le jeune prodige pouvait aller loin comme serviteur de l’Église. À la rentrée scolaire 1943-1944, il est inscrit Efok, localité où étaient évaluées les vocations issues des différentes missions catholiques. Au plan moral, spirituel et intellectuel. Son séjour dans cette localité se déroule dans conditions très difficiles. À la rentrée 1944-1945, il est envoyé au petit séminaire d’Akono où il rencontre Alexandre Biyidi, alias Mongo Beti, d’autres personnalités et sommités bien connues des Camerounais(es). Il connaît un parcours régulier à Akono où il est admis en 5è en 1945, réussit l’entrée en 4è en 1946, puis en 3è en 1947, en seconde en 1948 et en première en 1949.

Après la classe de première, il connaît une période de probation à Akono où il devient enseignant stagiaire en 1949-1950. Il dispense les cours de latin et du grec aux élèves des classes de 5è. Malgré ses difficultés vocales, il donne aussi des cours de musique en plus des cours de dessin qu’il donnait déjà depuis la classe de seconde. Son désir de devenir prêtre reste ferme.

A la rentrée scolaire de septembre 1950, il est admis, avec 18 autres candidats, au grand séminaire d’Otélé où son projet de devenir jésuite prend forme. « C’est l’époque des pères de Lubac et Theillard de Chardin, considérés par Rome comme les théologiens qui dérangent », affirme le Père jésuite Alain Renard. Vraisemblablement, le jeune Mveng avait été séduit par la foi et la  liberté de pensée et d’expression de ces théologiens. C’est au cours de cette année 50 qu’il décide de devenir jésuite.

Le 21 septembre 1951, Engelbert Mveng arrive au premier noviciat des jésuites d’Afrique noire crée en 1948 à Djuma (localité située dans le Kwilu, République démocratique du Congo) où il séjourne pendant trois ans.

En 1954, il quitte Djuma pour l’Institut Saint Robert Bellarmin de Wépion (Belgique) où il étudie la philosophie de 1954 à 1957. En Belgique, il entre en contact avec le Père Theillard de Chardin. Il est marqué par la place qu’occupe le thème de la vie dans l’œuvre de ce brillant collègue qu’il n’avait fait connaissance qu’à travers les écrits. Au fur et à mesure qu’il avançait dans la connaissance de la civilisation occidentale, il se posait des questions sur l’historicité du monde africain. En 1957, Engelbert Mveng quitte la Belgique pour la France où il étudie la philosophie pendant un an. Après ses études en philosophie, il rentre au Cameroun et effectue un stage apostolique de trois ans, de 1958 à 1960, conformément au parcours habituel des Jésuites. C’est la période de régence au cours de laquelle le futur jésuite met en pratique tout ce qu’il a appris. Au cours de cette période, il est observé et apprécié par ses frères et son supérieur. Ceux-ci apprécient ses capacités à intégrer la vie communautaire avec ses contraintes, ses exigences disciplinaires ; sa serviabilité et ses aptitudes intellectuelles et spirituelles. C’est dire si la période de régence est une étape capitale pour le futur jésuite.

Pendant cette période, il est enseignant au collège Libermann de Douala où les jésuites viennent de s’installer. Dans cet établissement, il est chargé des cours de grammaire et d’histoire auxquels s’ajouteront le latin et le grec. Selon certaines sources, de nombreuses personnalités de la République du Cameroun ont été ses élèves. Parmi celles-ci,  des noms tels que Guillaume Bwellé, Louis Yinda, Bipoum Woum etc, sont avancés. Ses collègues, ses anciens élèves et ses supérieurs sont unanimes pour reconnaître que le régent Mveng était très exigeant et doué d’une grande compétence, d’une serviabilité et des qualités pédagogiques à nulle autre pareille.

Au cours de ses conférences sur la culture africaine, il ne cessait de susciter chez ses élèves et auditeurs une prise de conscience sur l’identité culturelle de l’Afrique noire. Au cours de l’une d’elles, il avait critiqué tous les ornements occidentaux (vestes, cravates) dont se drapent ceux qui « singent l’homme blanc » en déphasage avec  les climats et les réalités africaines. « Le lendemain, les élèves, pour marquer leur adhésion à son discours, étaient venus en classe, dans une large majorité, habillés en tissu cotonnade noué autour des reins. Mais ce retour subit à l’authenticité africaine ne plut pas à Mveng qui tança ses élèves. » ( Messina, 2003). L’homme était paradoxal, il fallait l’accepter ainsi et vivre avec, conclut l’auteur de Engelbert Mveng ; La plume et la pioche. Un message pour le 3è millénaire.

Cette période de régence sera aussi un moment important pour sa vie d’artiste doublée d’historien. Au cours de cette période, il se rend à Foumban en compagnie  du père Éric de Rosny. Dans cette localité connue pour les prouesses artistiques de ses habitants, Engelbert Mveng s’initie aux mystères de l’art traditionnel : « intuition des formes et des lignes, les couleurs, les techniques de sculpture et dessin, mais aussi, et surtout la signification des symboles ». Il s’est également initié auprès des artistes bamilékés.  Il a séjourné à Bandjoun, Bafoussam, Foumban. Pendant cette période de régence, il réalise des œuvres d’art splendides. Parallèlement, il entreprend des recherches sur l’histoire du Cameroun.

A la fin de la période de régence, il s’envole pour la France afin d’entamer les études de théologie. A la rentrée académique 1960-1961, il  s’inscrit au Collegium Maximum de Chantilly pour le cours majeur. L’année d’après, la province de Paris le prend en charge pour sa deuxième année de Théologie au Collegium Maximum de Lyon. C’est dans cette localité qu’il achève, en 1962 probablement, la rédaction de son ouvrage, Histoire du Cameroun qui est publié aux éditions Présence africaine en 1963. Cet ouvrage reçoit le prix Broquette-Gonin et la médaille de l’Académie de France d’Outer-mer. La même année, il publie aux éditions Mane sa première œuvre d’art graphique, «  Chemin de croix » publié sous le titre Si quelqu’un… dont il dira lui-même que ce chemin de croix résume toute sa pensée et toute sa béatitude (Père Alain Renard).

Pendant trois ans à Lyon, il étudie la théologie. Le 07 septembre 1963, il est ordonné prêtre avant la fin de ses études en théologie en 1964. Sa thèse de doctorat troisième cycle en théologie, soutenue en 1964, est consacrée à saint Augustin l’Africain.

Au cours de la période conciliaire, 1962-1965, qualifié par le Professeur Muiji Malamba «d’ivresse culturelle». Engelbert Mveng donne des conférences à Rome.

En 1965, Engelbert Mveng rentre définitivement au Cameroun bardé de diplômes et titres universitaires. Au cours de son long séjour, il perd sa mère et sa sœur. Son retour au pays natal ne met pourtant pas fin à ses études universitaires. Encore moins, à ces activités dans le domaine culturel. C’est ainsi qu’en 1966 à Dakar au Sénégal, il est l’un des organisateurs du premier festival mondial des arts nègres.

En 1968, il s’inscrit à l’université de Dakar et obtient en 1969 les certificats de latin et de grec. Il s’adonne ensuite à la recherche archéologique au Cameroun. Il fait des investigations à Ngoro (1966), à Mimetala (1968) et à Mvolyé (1970). Au même moment, il s’intéresse à l’inculturation et à la liturgie. En 1970, il soutient sa thèse de doctorat d’État à la Sorbonne où il s’était inscrit après l’obtention de son doctorat de troisième cycle. Sa recherche est intitulée : Les sources grecques de l’histoire négro-africaine depuis Homère jusqu’à strabon. Il lance  la même année le Mouvement des intellectuels africains (Mica)
En 1975, il fonde le collège le Sillon qu’il baptise du nom de son unique sœur décédée : Le collège Jeanne Amougou. En 1980, il crée l’Association religieuse dénommée «les Béatitudes», dénomination qui dévoile l’intention spirituelle qui guide sa marche vers Dieu. Cette famille représente son œuvre ultime.

Parallèlement à sa mission pastorale, il assume ses fonctions académiques au département d’histoire de l’Université de Yaoundé qu’il dirige de 1983 à 1986. Il est membre fondateur de l’Association œcuménique des théologies africaines (Aota). Il réalise plusieurs œuvres, dont la mosaïque qui orne le cœur de la Cathédrale Notre Dame des Victoires de Yaoundé.

À partir de 1989, l’atmosphère de la communauté les Béatitudes devient invivable. La crise qui couvait éclate au jour en 1990. Le Père Engelbert Mveng vit très mal cette crise. Il est même obligé de se justifier et de se soumettre et à accepter contre son gré certaines décisions. En 1992, il fonde le Centre africain de la recherche sur l’inculturation (Ceri) et suit de près la préparation du Synode africain. En 1994, il participe à Rome aux séances de ce synode. Il est lâchement assassiné dans la nuit du 22 au 23 avril 1995, à son domicile.

Le Père Engelbert Mveng nous laisse un héritage immense. Il était à la fois, théologien, hommes de science et culture. Ses œuvres et sa parole resteront à jamais graver la conscience de ses concitoyens et des citoyens du monde. Les mains impies ont privé les générations de cette source vivifiante sans laquelle la vie n’a aucun sens, sans laquelle aune germination n’est possible. Son chemin n’était-il pas déjà symbolisé par son nom ?
Jean-Bosco Talla et V.T.N.
Source : Patrimoine n° 0013, avril 2001
Jean-PauL Messina, Engelberg Mveng. La plume et la pioche. Un message pour le 3e millénaire (1930-1995), Yaoundé, Presse de l’Ucac, 2003, 192p.


Pierre Meinrad Hebga: la dialectique de la foi et de la raison
Pierre Meinrad Hebga est né le 31 mars 1928 à Edéa (Cameroun). Après des études primaires à l'École catholique d'Edéa (1934-1938), et ses études secondaires au pré-séminaire d'Edéa (1938-1940), il commence ses études supérieures au Grand Séminaire de Yaoundé par la philosophie scolastique et l'initiation à la théologie (1947-1948). Il poursuit les études théologiques à la Grégorienne à Rome 1948-1952). Elles sont couronnées par la Licence avec un Mémoire de maîtrise sur Sérapion de Thèbes.
Ordonné prêtre le 22 décembre 1951, il entre au noviciat, chez les Jésuites, en 1957. Il poursuit des études d'Histoire et de Philosophie des sciences physiques et mathématiques à l'Institut des Sciences à Paris (1961-1962), tout en continuant parallèlement des études de Sciences sociales à l'Institut Catholique de Paris (1960 à 1962), études couronnées par une licence.

Puis, il entreprend des études de Philosophie à la Sorbonne (Paris) où il obtient la licence en 1963 et la Maîtrise en 1965 qu'il conclut par un Doctorat de 3è Cycle à l'Université de Rennes en 1968 et un Doctorat Unique en 1986. En outre, Meinrad Hebga a étudié la linguistique bantu à la Duquesne University à Pittsburg (Pensylvanie, USA).

Dans sa vie, études, enseignement et ministères pastoraux se sont chevauchés. En effet, de 1964 à 1974, il enseigne le latin, le grec et la philosophie  au Collège Libermann de Douala. De 1971 à 1984, il est professeur d'Anthropologie à l'Institut Catholique d'Abidjan (Côte d'Ivoire). Simultanément, il est professeur visiteur à Loyola University de Chicago où il assure des cours de Théologie de 1975 à 1976. Il est également professeur visiteur de Théologie au Weston College de Cambridge en 1976. De 1977 à 1978, il enseigne l'Anthropologie à l'Université Grégorienne de Rome. En 1985, il donne des cours de Philosophie à la John Carroll University du Cleveland.

En 1985, il revient au Cameroun et enseigne la Philosophie à l'Université de Yaoundé de 1985 à 1999, puis à l'Institut Catholique de Yaoundé de 1998 à sa mort.
Il décède le 03 mars 2008 vers 10 heures au centre hospitalier de château Thierry à 75km de Paris, rongé par la maladie. Il avait 80 ans.
S.A.K.
Source : Fabien Eboussi Boulaga (sous la direction), La dialectique de la raison et de la foi, Yaoundé, Éditions Terroirs, 2007, pp.13-14.

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