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Elections au Cameroun: Transparence opaque - Page 2

Elections au Cameroun: Transparence opaque - Page 2

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Index de l'article
Elections au Cameroun: Transparence opaque
Un jeu au dé pipé et à l’enjeu vicié
Les élections bancales au Cameroun de A à Z
L’impartiale dépendance
Nécessité d’un code électoral unique et consensuel
Le fichier électoral virusé
La réalité diverse des commissions électorales nationales
Mathias Eric Owona Nguini
Toutes les pages

Un jeu au dé pipé et à l’enjeu vicié
Plus qu’une preuve d’incapacité, l’instabilité institutionnelle de l’organe chargé de la gouvernance électorale et les soupçons qui pèsent sur son impartialité, témoignent de la volonté du régime de M. Biya de s’éterniser au pouvoir, en faisant un semblant d’ouverture alors même que tout le processus électoral est miné à toutes les étapes. Pour autant, les acteurs du ring politique doivent-ils s’avouer vaincus ?
L’intelligence au service du mal-être de la communauté nationale. Ainsi peut-on résumer le sentiment qui se dégage face au constat qui se fait de l’organisation des élections présidentielles, législatives ou communales au Cameroun, depuis le début de la décennie 90, date du retour du multipartisme politique dans notre pays. Car en fait, à voir les intelligences qui ont été mises à contribution ou le sont encore pour l’organisation de ces différentes compétitions politiques, l’observateur est, a priori, rassuré sur la gouvernance électorale.
Au départ, c’est tout un ministre de la République, en l’occurrence le ministre de l’Administration territoriale (Minat), qui est en charge de l’organisation de toutes les élections. Mais manifestement mal intentionnés, les différents ministres qui se sont succédé à la tête de ce stratégique département ministériel ont tous vite fait de dévoiler leur partialité en faveur du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc), le parti au pouvoir auquel ils appartiennent ; suscitant ainsi une levée de boucliers dans la classe politique. Face à la forte pression interne et même externe, le président de la République crée le 16 décembre 2000, un Observatoire national des élections (Onel) dont la mission principale, était la supervision et le contrôle des opérations électorales et référendaires.
Seulement, après avoir été à l’œuvre lors des élections législatives et municipales de 2002, présidentielle de 2004 et des élections législatives et municipales de 2007, cet organe qui se voulait pourtant indépendant, a également montré ses limites, voire son incapacité à « assurer la régularité, l’impartialité, l’objectivité, la transparence et la sincérité du scrutin ». Pour pallier ces insuffisances, Paul Biya crée Elections Cameroon (Elecam) le 29 décembre 2006. Cette nouvelle structure est « chargée de l’organisation, de la gestion et de la supervision du processus électoral et référendaire ». Mais à peine s’est-elle mise en place, Elecam se présente déjà comme le dé pipé d’un jeu électoral volontairement vicié. Surtout qu’après avoir fait de cet organe le seul responsable de la gestion des élections, l’Assemblée nationale, en majorité Rdpc, est revenue sur les textes de 2006 en ramenant le Ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation (Minatd) dans le jeu électoral ; sans oublier que le Président du conseil d’Elecam était encore militant de haut rang du parti au pouvoir au moment de sa nomination. Ce qui a donné du dégoût aux autres acteurs de ce jeu.

Un processus vicié
Cette instabilité institutionnelle et structurelle peut être perçue comme la quête d’une bonne gouvernance électorale. Pourtant à l’analyse, il apparaît que la création de ces organes est de la poudre jetée aux yeux de l’opinion qui, ces dernières années, porte un regard  de plus en plus intéressé sur l’organisation des élections.
En effet, l’élection qui est un grand moment de communion nationale est un long processus. Malheureusement au Cameroun, ce processus est, à dessein, vicié presque à toutes les étapes, mettant ainsi à mal la cohésion nationale. En dehors des organes de gestion électorale qui ont toujours fait l’objet de multiples contestations juridiques et politiques, l’étape préliminaire de tout processus électoral qu’est le Recensement général de la population (Rgp) n’a pas seulement un enjeu économique, mais d’abord électoral. C’est pourquoi, lorsque cette étape est déjà contestée, comme ce fut le cas avec les résultats du dernier Rgp, où il apparaissait, par exemple, que la région du Centre est plus peuplée que celle de l’Extrême Nord ou du Littorale, la suite des opérations souffrira de forts soupçons de manipulations, de tricherie et de supercherie.
Ensuite, la mauvaise foi politique de ceux qui ont en charge la gestion du processus électoral se manifeste aussi au niveau de l’étape des inscriptions sur les listes électorales. Par le passé avec le Minatd, s’inscrire sur une liste électorale relevait de la croix et de la bannière. Lorsqu’un citoyen réussissait à se faire enregistrer dans un bureau de vote, soit son nom n’apparaissait sur aucune liste, soit alors il apparaissait sur une liste loin de son point d’inscription et sa carte dans un autre bureau. À cet imbroglio, il faut ajouter les doubles inscriptions ou l’inscription des mineurs… Autant de pratiques politiquement malsaines qui visent à décourager une catégorie de citoyens à s’intéresser à la chose électorale. Ce qui a d’ailleurs été et est malheureusement encore le cas aujourd’hui.
L’arrivée de l’Onel n’y changera rien du tout. Dans son Rapport de synthèse sur l’observation de l’élection présidentielle du 11 octobre 2004, le Service national "Justice et Paix" de la Conférence Episcopale nationale du Cameroun, sous la plume de Mgr Patrick La Fon, secrétaire général de cette Conférence constate à la préface : «Quand on a lu ce rapport et qu’on garde en mémoire celui du double scrutin municipal et législatif du 30 juin 2002, on constate que rien n’a changé. Les mêmes entorses à la loi électorale se répètent. Les Camerounais, poursuit-il, seraient-ils condamnés à faire du "sur place" ?». Ce constat aux allures d’une fatale incapacité sera confirmé plus tard par l’Onel. Dans la correspondance qu’il adresse au président de la République le 5 mars 2008, le président de l’Onel, M. Mbouyom François-Xavier note que le rapport qu’il soumet à son appréciation relève des «irrégularités perpétrées à certaines étapes du processus électoral », mais que celles-ci, précisera-t-il plus loin, « n’étaient pas de nature à modifier le résultat du scrutin ».
Toujours est-il que le jour du scrutin, d’autres entraves qui empêchent la transparence et l’égalité du vote existent. Intimidation de certains électeurs et des scrutateurs représentants des partis d’opposition. Il y a également la présence dissuasive des éléments de force de l’ordre dont la complicité aveugle avec l’autorité administrative, très souvent membre ou sympathisant du Rdpc, est visible le jour du vote.

Les vices oubliés du processus
La loi électorale prévoit que les résultats soient publiés par chaque bureau de vote et copie du procès-verbal remis au représentant de chaque candidat dans ledit bureau de vote. D’abord, à ce niveau, non seulement certains bureaux de vote étaient logés dans des domiciles privés, mais en plus, au moment du dépouillement, soit il y a coupure d’électricité, ce qui entraine le déplacement des urnes vers les domiciles des autorités administratives ou traditionnelles, avec pour conséquence le bourrage des urnes ; soit alors, les représentants vulnérables des autres candidats se laissent corrompre et acceptent que le dépouillement se fasse à huis clos. Résultat des courses : les résultats proclamés par la cour suprême qui reçoit les documents de base du Minatd n’ont rien de commun avec ceux portés sur les procès-verbaux.
Même le contentieux post électoral, ne constitue pas une lueur d’espoir pour les adversaires du candidat du Rdpc. On se souvient de la proclamation des résultats de l’élection présidentielle de 1992 par la cour suprême qui avait égrainé un chapelet d’irrégularités suffisant pour remettre en cause ce scrutin. Mais la Cour se déclara incompétente pour annuler cette élection. Cette attitude est symptomatique de la philosophie juridique électorale telle que pensée au Cameroun.
L’on ne saurait passer sous silence les autres actes pour le moins anodins, mais délictueux du président Paul Biya et de son gouvernement qui participent de la stratégie de verrouillage du jeu électoral. Il s’agit par exemple du découpage des circonscriptions électorales. Au nom de quelle logique politique une circonscription électorale par exemple deux fois moins peuplée qu’une autre doit avoir le même nombre de députés sinon plus à l’Assemblée nationale ? Au nom de principe le Rdpc s’arroge 10 milliards de F.cfa sur les 15 prévus pour le financement des partis politiques lors de la dernière présidentielle ? De même, que l’on ne comprend pas pourquoi il est devenu banal d’accepter que les moyens humains et infrastructurels de l’État soient utilisés par le Rdpc. Véhicules administratifs et personnel des administrations publiques mis en mission pendant les campagnes électorales. The last but not the least, des partis satellites  sont crées et financés pour troubler le jeu électoral, à défaut d’infiltrer les partis adversaires.
En somme, toute cette batterie de subterfuges vise à décourager le maximum d’adversaires politiques afin de contrôler le plus longtemps possible encore le jeu électoral et partant l’arène politique. Au de se décourager, les autres acteurs doivent développer des stratégies alternatives pour infléchir la tendance lors des échéances futures. Car, faut-il le noter, l’alternance politique est tributaire d’une élection transparente, juste et équitable. Le camp d’en face l’a compris et refuse d’ouvrir le jeu. Aux autres acteurs de faire preuve de témérité et d’endurance en prenant leur responsabilité.
Simon Patrice Djomo



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