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Notre Issa Tchiroma Bakary qui est odieux

Notre Issa Tchiroma Bakary qui est odieux

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Le décor était planté le 30 juillet dernier. On dirait un préau aménagé pour la représentation, de Tartuffe ou L’imposteur, Les Fourberies de Scapin ou Les Précieuses ridicules de Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière. Un metteur en scène : Alain Belibi ( de la Crtv),  qui présente à Issa Tchiroma Bakary, ministre de la Communication et personnage principal, les différents acteurs : Joly Koum de Canal 2 international, Polycarpe Essomba de Équinoxe Tv, Thiérry Ngongang de Stv; des spectateurs : quelques cadres et agents du ministère de la Communication restés abasourdis et figés tout au long de la comédie burlesque ; les dindons de la farce : les téléspectateurs qui se sont vite rendus compte que le maitre de céans, le prestidigitateur et démagogue Issa Tchiroma Bakary avait la fuite dans les idées.
Lever de rideau. Le metteur en scène décline les actes, pardi, les centres d’intérêt de la comédie en prose : il est question, dit-il, de l’actualité de la presse nationale, des affaires (celles qui suivent leurs cours devant les tribunaux, comme celles qui agitent l’opinion), de l’activité du président de la République, des controverses.
Dès l’entame, Issa Tchiroma fait une entrée fracassante et déclare qu’il a reçu du président de la République la mission de dire ce que fait le gouvernement  parce que le peuple, détenteur de la souveraineté dont Paul Biya «détient le mandat, a besoin de savoir ce que son gouvernement fait, ce que le chef de l’État fait ». Naturellement, il évite de dire que le peuple souverain dont Paul Biya tire sa légitimité a besoin aussi de savoir combien il gagne à la fin du mois, où il se trouve quand il est en vacances, comment il dépense l’argent que le contribuable camerounais met à sa disposition pour l’entretenir, combien coûtent ses trop nombreux déplacements, pourquoi les conseils des ministres sont si rares, quel est son état de santé, etc.

Les spectateurs et téléspectateurs se rendent très vite compte que cette comédie ne sera pas différente des précédentes lorsque, répondant à une question de Polycarpe Essomba qui cherche à savoir où se trouve le chef de l’État, le Doungourou de Paul Biya répond : « Il est au travail. Il est quelque part de par le monde en train de défendre les couleurs de la nation, en train de faire en sorte que prospère cette nation. Partout, où il est, à chaque instant, le chef de l’État est au travail ». Et de poursuivre, en bredouillant lamentablement quelques phrases à peine audibles, après avoir subi les assauts du journaliste : « Je ne vous dirai pas où il se trouve. Je ne sais pas quelles sont vos intentions. Tout à l’heure on parlait de coup d’État, je ne sais pas quelles sont vos intentions. Si je vous dis où il est, je ne sais de quel bord vous êtes. Ma mission, c’est aussi de protéger le chef de l’État. » Le reste de la comédie, qui a duré presque une heure, n’est que balivernes, tartuferie et imposture.
Le refus de dire où se trouve le monarque présidentiel camerounais et sa justification appellent deux remarques :
La première : le système néocolonial et néo-patrimonial qui a entonné son chant de cygne et qui tient les Camerounais captifs de leur instinct de conservation est, depuis belle lurette, sur le qui-vive. Son chef, Paul Biya, et ceux qui tiennent les leviers du pouvoir ont peur. Ils ont peur des lendemains incertains. Ils ont peur de rendre compte au peuple camerounais de leur gestion à l’emporte-caisse.
Les Camerounais sont ahuris de constater qu’à la tête de l’État du Cameroun trône un monarque qui a le trouillomètre à zéro, qui a peur de son ombre, du vent, de la pluie, du soleil, de ses ministres qu’il ne connait pas et qu’il ne rencontre (presque) jamais (si oui, une fois après un ou deux ans, ou de manière secrète), de ses compatriotes, de ses opposants qu’il ne reçoit jamais ou qu’il reçoit en catimini comme dans un système mafieux, des animaux de la basse-cour, des animaux malades des pestes. Un chef de l’État qui ne se sent en sécurité qu’à Baden Baden où à l’hôtel Intercontinental à Génève. On comprend pourquoi les Camerounais et le Cameroun se portent bien comme des zombies ambulants, les institutions ayant été programmées pour fonctionner de manière automatique. À dire vrai, le Cameroun est un véritable Unmanned Aerial Vehicle (UAV), un Drone, un aéronef sans pilote humain à bord.
C’est une lapalissade : Paul Biya, le vacancier au pouvoir, est toujours en transit au Cameroun.
La seconde : en refusant chaque fois de dire à ses compatriotes où il se trouve quand il va en vacances, combien coûtent ses multiples et très onéreux déplacements, combien il gagne, bref comment il dépense l’argent que le contribuable camerounais met à sa disposition pour sa prise en charge, Paul Biya et ses ministres méprisent le peuple camerounais. Le monarque présidentiel et ses sous-fifres se comportent toujours comme si c’est le peuple camerounais qui devait leur rendre compte. Alors que c’est eux, surtout Paul Biya qui a été déclaré élu par le peuple camerounais, malgré le catalogue de fraudes, qui doivent lui rendre compte. N’en déplaise à Issa Tchiroma Bakary, cet agent double, qui avait été infiltré dans l’opposition pour la fragiliser.

L’attitude de cet ancien pauvre n’étonne plus grand monde.
Comme nous le disions dans l’une de nos précédentes éditions, lorsqu’on a été tenaillé par des soucis du ventre et (peut-être) du bas-ventre après avoir galéré et erré comme une âme en peine pendant presque 15 ans, après avoir écumé (presque) toutes les rédactions et les stations de radios et télévisions privées pour attirer l’attention du grand Manitou afin qu’il le convie à la mangeoire nationale, on peut oser trouver derrière toutes les revendications légitimes des citoyens camerounais un complot ourdi par des mains invisibles malveillantes ou se permettre des déclarations scandaleuses du genre « Je ne vous dirai pas où il se trouve. Je ne sais pas quelles sont vos intentions », « la justice camerounaise est indépendante », et tutti quanti.
En prenant cette posture, notre Issa Tchiroma Bakary, qui est odieux, n’innove pas. Pour un observateur averti d’un environnement politique camerounais meublé de ses tropicalités grotesques, il est parfois agaçant de se voir contraint de dénoncer les falsifications et les maladies infantiles qui gangrènent la société camerounaise. Chaque nouvelle équipe gouvernementale qui embarque pour le cap de l’espérance de l’assainissement, de la rigueur et de la moralisation de la vie publique, en fait son cheval de bataille. Histoire de persuader et de convaincre l’opinion publique camerounaise qu’elle est mieux que la précédente. Ce sont les cas avec toutes ces mises en scène et  falsifications médiatiques en faveur de Paul Biya et du renouveau, ces campagnes d’assainissement de la vie publique qui en réalité ne sont que des jeux de massacre politique et cette volonté déclarée de lutter contre le chômage.qui sont administrées aux Camerounais avec une overdose certaine de propagande et de prestidigitation.
Cela s’appelle démagogie. Et en politique, la démagogie, selon le dictionnaire Robert, est un procédé par lequel on flatte, excite, exploite les passions des masses. Selon Jean-Luc Porquet, auteur de Le faux parler ou l’art de la démagogie (Paris, Balland, 1992), le démagogue « parle » beaucoup, longtemps et fort. Il dénonce, provoque, hurle, diabolise…transforme les furoncles en plaies, les accidents en complots, animalise l’adversaire et même s’il le faut invente un cancer là où il n’y a qu’une angine. Il renifle partout les complots, repère partout les traitres, démasque partout les agents et désigne partout les boucs émissaires. Il ne s’adresse jamais à la raison, au jugement, à l’intelligence, mais à ce que l’auteur du Faux parler appelle le cerveau «reptilien».
Bref, le démagogue oppose à une réalité faite d’imprévus, d’instabilité, d’insécurité, de troubles, d’arnaque, de crimes, de détournements de deniers publics ou de vols, la vision idyllique d’un ordre parfait « où une discipline collective alliée à une saine et implacable répression permettra, après la grande [purge], aux honnêtes gens de ne plus trembler pour leur vie, pour leur bien, pour leur revenu ou pour leur emploi » (Jean-Luc Porquet).
Ce que Paul Biya, Yang Philemon, Issa Tchiroma et autres thuriféraires du renouveau font participe de la production d’une idéologie de domination de la bourgeoisie bureaucratique dont l’incapacité à éradiquer les pestes corrosives qui ont envahi notre société est consommée. Et il faut être un dément ou un idiot pour croire aux récits des miracles que pourrait faire le renouveau.
Ce qui importe à ce stade d’un État cannibale et prébendal où la pourriture et la décomposition se régulent par un système de règlement de compte, de rapts et de prébendes, c’est de produire une idéologie, de concevoir des stratégies permettant de faire bouger les choses. Rideau.

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