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Les grossiers mensonges d'Amadou Ali |
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Amadou Ali perd le Nord
Le ministre de la justice, Amadou Ali tente de jeter la poudre aux yeux des responsables et lecteurs de Jeune Afrique, hebdomadaire paraissant à Paris. Sans convaincre.
François Soudan, dans Jeune Afrique n°2561, édition du 07 au 13 février 2010, commet un éditorial sur les " prisions d'Afrique ". Dans cet éditorial, le directeur de la rédaction de cet hebdomadaire paraissant à Paris relaie les propos d'un certain Sylvestre Ottou, détenu à la prison centrale de Kondengui, Yaoundé, quartier 8, cellule n°93, contenus dans une correspondance
transmise au journaliste par sa sœur. Dans ladite correspondance, le détenu, condamné à perpétuité, affirme être en train de purger " depuis d'un quart de siècle une peine incompressible pour un meurtre commis lors d'une altercation, alors qu'il était encore mineur ". Sylvestre Ottou lance un SOS en ces termes : " Je suis nu, je crève de faim, je n'ai pas d'argent pour motiver un avocat, j'ai perdu presque toute ma famille, je souffre gravement. C'est vrai, j'ai poignardé mon adversaire lors d'une bagarre, mais que votre compréhension m'excuse car je n'avais que 16 ans à l'époque. Je ne sais pas où et par qui Dieu m'ouvrira ses portes. C'est la première fois que j'écris. Dans mon pays, c'est chacun pour soi et tant pis pour les pauvres ".
La publication des extraits de cette correspondance par Jeune Afrique, dont l'objectif était d'inciter les autorités judiciaires camerounaises à rouvrir le dossier de cet homme de 40 ans et d'attirer leur attention sur les conditions de vie des prisonniers dans les prisons camerounaises en particulier, n'a pas laissé le vice premier ministre, ministre de la Justice, Garde des sceaux, Amadou Ali, indifférent. Dans un droit de réponse publié dans les colonnes de J.A. édition n°2576, Amadou Ali dément " toutes les affirmations et allégations publiés dans cet éditorial " et soutient que les prisons camerounaises sont " loin d'être des goulags tropicaux "". Il donne les " informations " sur la situation pénale du détenu Sylvestre Ottou, qui selon lui, bien portant, âgé de 40 ans et transféré de la prison de Mbalmayo pour celle de Yaoundé le 04 juin 2007 où il purgeait deux peines de quatre ans pour vol aggravé et vol simple, n'a jamais commis de meurtre à 16 ans. Le ministre de la Justice n'hésite pas de vanter les vertus de la justice camerounaise et écrit : "Je tiens à démentir toutes les affirmations et allégations publiées dans cet éditorial.
La justice camerounaise s'est depuis toujours dotée d'instruments juridiques modernes et avant-gardistes pour la protection tant de l'intérêt général que des droits et libertés individuels. Le code de procédure pénale actuellement en vigueur auCameroun fait de la détention d'un prévenu ou d'un accusé l'exception, la règle étant la liberté. Ce code prévoit une procédure spéciale de poursuite des délinquants mineurs, des mesures particulières de redressement et d'insertion sociale et, enfin, un régime carcéral approprié pour cette catégorie de détenus. Il prévoit aussi des procédures de l'habeas corpus (libération immédiate), d'assistance d'office des détenus par des avocats et de la liberté sous caution. Le code pénal quant à lui prévoit la libération conditionnelle, la réhabilitation et le recours en grâce aux côtés de plusieurs autres mesures de sûreté. Loin d'être des "goulags tropicaux", les prisons camerounaises sont aujourd'hui inscrites dans un processus de modernisation suffisamment protecteur des droits de l'homme et de la dignité humaine. "
Comme il fallait s'y attendre, Jeune Afrique a publié ce droit de réponse accompagné d'une note de la rédaction qui jette un doute sur la crédibilité des informations contenues dans le procès verbal d'audition de Sylvestre Ottou par le parquet du tribunal de grande instance du Mfoundi-Yaoundé - parquet qui est sous la botte garde des sceaux - et fournies par Amadou Ali. Dans ce procès verbal, Sylvestre Ottou affirme, tout en regrettant " ses déclarations mensongères sur l'image du Cameroun tant à l'intérieur qu'à l'extérieur ", qu'il n'a jamais subi de mauvais traitement à Kondengui, qu'il ne s'attendait pas à ce que J.A. publie sa correspondance ou son contenu et, enfin, il avoue avoir écrit sa correspondance parce qu'il avait besoin d'argent. Pourtant, selon J.A, nulle part dans sa correspondance, le détenu Ottou n'a formulé une demande d'argent. De plus, il leur a explicitement demandé d'en faire, autant que possible, large mention. Aussi récidive-t-il dans d'autres courriers qu'il a fait parvenir à la rédaction de J.A., allant jusqu'à communiquer la liste d'une cinquantaine de détenus libérables (certains depuis au moins 4 ans), mais toujours embastillés à Kondengui. Se fondant sur ces contradictions, J.A. doute de la crédibilité des aveux de Sylvestre Ottou. " On nous permettra donc de prendre ces aveux avec les réserves d'usage ", écrit François Soudan. A tort ou à raison ?
Jean-Bosco Talla