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Hommages académiques au Professeur André-Norbert Ntonfo - Hommage au Pr André Norbert Ntonfo, par Jean Pierre Chaungueu

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Index de l'article
Hommages académiques au Professeur André-Norbert Ntonfo
Allocution du Président de l'AED, par Henti Njomgang
Hommage au Pr André Norbert Ntonfo, par Jean Pierre Chaungueu
Requiem pour André-Norbert Ntonfo, par Ambroise Kom
Toutes les pages

Hommage au Pr André-Norbert Ntonfo, par Jean Pierre Chaungueu

Monsieur le Préfet du Département du Nde
Monsieur le Sous-Préfet de Bangangté
Autorités administratives et sécuritaires
Sa Majesté le Chef Supérieur de Bangangté Leur Majesté les chefs traditionnels Monsieur le Président de l’AED
Monsieur le Président de l’UdM
Messieurs les Vice-Présidents
Messieurs les membres du Conseil d’Orientation de l’AED
Mesdames et Messieurs les membres des ordres professionnels
Mesdames et Messieurs les Professeurs universités
Mesdames et Messieurs les enseignants, cadres et personnel d’appui de l’Université des Montagnes
Madame Ntonfo Rosette, chers membres de la famille Ntonfo
Chères étudiantes et étudiants,
Distingués invités
Mesdames et Messieurs,
Notre émotion est grande et notre tristesse infinie au moment où nous nous retrouvons sur cette esplanade de l’Université des Montagne pour rendre un l’hommage académique et institutionnel, ô combien mérité, au Professeur André Ntonfo. Le destin a, depuis la Covid- 19, et particulièrement au cours de l’année 2021, transformé cette esplanade en une véritable chapelle ardente, plongeant la communauté universitaire des Montagnes dans une douleur et une tristesse infinie.
Je ne voulais pas commencer mon témoignage par la litanie de nos morts, mais comment ne pas se rappeler que sur la fin de l’année 2020 et tout au long du premier tiers de 2021, nous nous sommes presque habitués à ce rituel sur cette même esplanade pour pleurer successivement nos anciens compagnons, en commençant par Dr Samuel Wandja qui avait ouvert le bal en septembre 2020, suivi quelques mois plus tard par Dr Jonas Kouamouo. Puis ce fut le tour de Dr Jean Pierre Nzali, du Pr Lazare Kaptue et la série fut close par les décès des Professeurs Jean Wouafo Kamga et Jean Michel Tekam survenus le même jour, le 15 avril 2021. La série noire de 2021 fut close avec la disparition des deux frères, Emmanuel Moyo et Pr Théophile Yimgaing Moyo, en Octobre 2021. Mais, voilà qu’au moment où nous bouclions la préparation de cet évènement, nous apprenions la mort du Pr Christophe Nouedui, Doyen de la Faculté des Sciences de la Santé de l’UdM.
Si j’ai tenu à faire cette triste évocation des morts, c’est en fait pour rester fidèle en la mémoire de celui qui est aujourd’hui couché devant nous et vers qui sont tournées nos pensées pieuses.
Le Professeur André Ntonfo, le scribe de notre organisation, l’historien de l’AED, nous avait habitué lors de ses prises de parole, en pareille circonstance, à célébrer la mémoire de nos compagnons disparus, afin que leurs œuvres ne tombent pas dans l’oubli de l’ingratitude humaine.
Aujourd’hui, Professeur, voici ton tour venu, et c’est à moi qu’échoit la lourde tâche de présenter ton œuvre au sein de l’AED-UdM, ce grand projet qui a occupé une place centrale dans le dernier tiers de ta vie, prolongeant de fait la trajectoire de ta grande et brillante carrière de militantisme social.
Je rencontre en fait le Professeur André Ntonfo au tout début des années 90, dans un Cameroun en pleine effervescence socio-politique. Une connaissance commune m’avait présenté à lui comme informaticien. J’étais alors jeune ingénieur en début de carrière dans une institution financière de développement de la place. André me retrouvait chaque soir après le boulot pour la saisie sur micro-ordinateur, en semi-clandestinité, du texte d’un ouvrage commis par un Collectif d’intellectuels à titre de contribution au débat d’idées qui foisonnent dans ce Cameroun en pleine mutation.
Grace à cette rencontre qui sur le moment se présentait juste comme une occasion de rendre un service passager à un ami, j’allais avoir le privilège de côtoyer pendant plus d’un quart de siècle la vie de ce grand intellectuel altruiste et profondément humaniste.

Du « Collectif Changer le Cameroun », C3 au projet de l’Université des Montagnes (UdM)
Le « Collectif Changer le Cameroun » dont j’avais eu le privilège de saisir et mettre en page le 1er ouvrage et que je rejoindrai par la suite, se réunissait une fois par semaine, le mercredi soir au domicile d’un membre. André Ntonfo occupait une place centrale au sein de groupe car c’est à lui qu’il est revenu de rassembler la synthèse écrite des échanges et débats, de se constituer en gardien des manuscrits ainsi que des œuvres produites pendant toutes ces années. André a su remplir magnifiquement ce rôle de gardien du temple pendant tant d’années, même lorsque le Collectif a cessé d’avoir une existence concrète ou une activité tangible ; il a conservé jalousement le fruit de ce travail collectif qu’il a transféré récemment à l’UdM, pour en pérenniser à jamais la mémoire. Quoi de plus naturel, si on observe que l’UdM elle-même est un des fruits, pour ne pas dire, l’émanation de cette longue marche de réflexion et de proposition du C3. Signalons qu’entre 1990 et 1993, le C3 a publié trois ouvrages à savoir « Changer le Cameroun, Pourquoi pas (1990) », « Le Cameroun éclaté ? Anthologie commentée des revendications ethniques (1992) » et « Le 11 octobre 1992 : Autopsie d’une élection présidentielle controversée ».
Après donc le C3, André Ntonfo fera naturellement partie des pères fondateurs de l’Association pour l’Éducation et le Développement (AED), association créée à l’issue du séminaire fondateur des 13 et 14 Août 1994 à Bana, pour porter le projet de l’université, en l’absence d’un cadre juridique et institutionnel pour encadrer les initiatives privées en matière d’enseignement supérieur. Dès la naissance de l’AED, André Ntonfo est porté au poste de Secrétaire Général, poste qu’il occupera de manière continue jusqu’en 2015. À ce titre André Ntonfo sera de tous les temps forts qui vont marquer la vie de cette organisation jusqu’à l’ouverture effective de l’UdM en Octobre 2000.
Et d’abord, pendant les rencontres itinérantes de maturation du projet : comme résolution forte du séminaire fondateur de Bana, le but de ces rencontres était d’élargir la base du projet et de l’implanter dans la conscience collective de tous ceux qui pouvaient apporter une quelconque contribution à sa mise en œuvre ; c’est ainsi qu’entre 1994 et 1996, pas moins d’une dizaine de rencontres ont pu se tenir à Yaoundé, Bangangté, Douala, BalatchI, Bafang, Bandjoun et Dschang. André Ntonfo a pris une part active à toutes ses rencontres et en conservé jalousement la mémoire.
Après une période d’hibernation entre 1996 et 1998, période au cours de laquelle l’AED est confrontée aux premières difficultés liées à l’obtention de l’autorisation d’ouverture de l’UdM et à la mobilisation des ressources financières pour la construction des infrastructures, André Ntonfo et un autre compagnon, Henri Njomgang, sont mis en mission quasi-commandée pour accélérer le processus de démarrage du projet, avec ou sans autorisation du Minesup. Les questions cruciales à régler avaient trait aux infrastructures d’accueil, même provisoires, et à l’organisation des priorités en matière académique. Les deux responsables devaient se transporter chaque semaine sur le terrain pour la prospection des espaces propices au démarrage ; ils le firent bénévolement, avec un esprit de sacrifice, comme ce fut souvent le cas dans le cadre des activités de ce projet.
C’est au cours de leurs pérégrinations qu’ils tombèrent sur le site de Mfetom (ancien Collège Technique des Filles, propriété de l’Eglise Evangélique du Cameroun). Nous sommes au mois d’avril 2000 et l’UdM a pu ouvrir ses portes quelques mois plus tard, soit en octobre 2000 !

Mise en œuvre de l’UdM et construction de l’identité du projet
L’UdM ayant ouvert ses portes, c’est alors que s’intensifie le travail d’accompagnement et de suivi du projet ; les actions sont quasi quotidiennes, d’abord sur le terrain à Yaoundé, auprès des autorités administratives de tutelle du projet.
André Ntonfo sera de toutes les campagnes, de toutes rencontres au plus haut niveau au MINESUP pour négocier ou plaider la cause de l’UdM. Il sera à l’origine de toutes les correspondances, et Dieu sait qu’il y en a eu des centaines, émises pour le compte de l’UdM auprès des autorités de tutelle. Très tôt est mis en place un bureau de liaison à Yaoundé pour abriter les activités de coordination de l’AED. Dans ce bureau sont organisées les nombreuses réunions de suivi du projet ; il sert également de cadre de rencontre et d’accueil aux nombreux enseignants missionnaires et/ou vacataires qui transitent par Yaoundé avant de rejoindre Bangangté. André Ntonfo, en ces années où il manque cruellement des ressources à l’UdM, n’hésite pas à troquer sa casquette de Secrétaire Général à celle de chauffeur de liaison pour aller recueillir à l’aéroport l’un ou l’autre missionnaire coopérant, l’installer à son hôtel avant qu’il ne rejoigne plus tard le campus à Bangangté pour ses activités d’enseignement.
Les activités de supervision ont aussi lieu sur le site du projet à Bangangté. Pendant cette période, l’AED est en quête des personnalités universitaires pour étoffer le staff de direction sur le campus. Une fois de plus, André Ntonfo est à la manœuvre, puisque c’est lui qui conduisit la délégation dépêchée auprès du Pr Louis-Marie Ongoum pour négocier sa nomination au poste de Président de l’UdM, le premier ! Il fait également partie de la délégation qui a négocié avec Dr Justin FOTSO sa nomination au poste de premier responsable de l’administration et de la scolarité de l’institution ;
Quelques années plus tard, André sera de l’équipe dépêchée auprès du Pr Fabien Kange Ewané pour négocier sa montée en selles comme Président de l’UdM, le second ! Il en sera de même pour la délégation qui s’est rendue à Buea pour sortir le Pr Boniface Nasah de sa retraite et le convaincre d’accepter le poste de Doyen de la Faculté des Sciences de la Santé de l’UdM ;
Mais, très vite, il apparait que la mise en œuvre du projet requiert un accompagnement rapproché de la part des promoteurs qui seuls, sont porteurs de la vision et de l’identité de cette institution d’un nouveau genre dans le paysage universitaire du pays. Les déplacements se multiplient sur le site jusqu’à atteindre un rythme quasi-hebdomadaire, au fur et à mesure que se déploie le projet et que s’amoncellent les difficultés de mise en œuvre. Je suis un témoin privilégié de cette période des allers et venues entre Yaoundé et Bangangté, tantôt avec son véhicule, tantôt avec le mien et cela sans attendre une quelconque prise en charge de la part du projet ; André, très souvent et tout à fait généreusement, prenait place au volant pour affronter ce trajet dont nous avions fini par connaitre presque par cœur le moindre trou. Il n’empêche que nous avons laissé, chacun à son tour, notre véhicule sur cette route en coulant le moteur lors d’un voyage, et avons dû nous débrouiller pour les réparations.
Comme je l’ai indiqué tantôt, au fur et à mesure que les déplacements se multiplient sur le site à Bangangté, il apparait de plus en plus clairement que la présence de quelques pères fondateurs de l’AED/UdM est indispensable sur le terrain pour vraiment éviter les dérives qui ne tardent pas émerger et recadrer le projet dans sa vision et sa philosophie fondatrices. C’est ainsi que dès l’année 2005, André Ntonfo est désigné Chargé de Mission pour les affaires académiques aux côtés de deux autres compagnons qui embrassent les volets Finance et celui de la Coordination Générale. Par la suite, moins de deux ans plus tard, ces postes sont mués en fonctions permanentes sur le campus, André devenant ainsi le tout premier Directeur des Affaires Académiques et de la Coopération (2006-2013), cumulativement avec ses fonctions de Secrétaire Général de l’AED.
De sa position de DAAC pendant ses premières années charnières, André Ntonfo va travailler ardemment à façonner l’identité de l’UdM. Il est sur le campus, le garant de la philosophie fondatrice qu’il va contribuer à formaliser, à affiner et à implémenter. Il rappelle inlassablement, à l’occasion des rencontres avec les étudiants, les enseignants, le personnel d’appui de même qu’à tout hôte de marque ou simplement visiteur, les piliers de cette philosophie.
Dans un contexte de crise où l’Etat n’est plus seule en mesure d’offrir aux jeunes des structures de formation suffisantes et adéquates, l’UdM, souligne-t-il, se veut un partenaire sérieux dans la recherche de solutions aux défis du présent et du futur. Elle se veut un haut lieu du savoir « appliqué » au Cameroun, un lieu d’échanges véritables, un carrefour d’idées. L’UdM se veut le creuset où se forge une nouvelle société camerounaise, où de nouvelles valeurs prendront corps, où des valeurs de toujours seront réhabilitées. D’où sa devise

« Toujours Rechercher l’Excellence ».
Parmi les éléments de la charte de l’UdM qu’André Ntonfo aimait souvent rappeler, il y a la volonté de l’UdM d’être un instrument de développement endogène, mais ouvert sur le monde, un développement prenant en compte l’héritage culturel, les valeurs matérielles et morales de la société camerounaise. Et parmi les valeurs chères à l’UdM, il y a la recherche du vrai, du Juste et du Beau, pour une société respectueuse de la dignité humaine et soucieuse de la préservation de son environnement. L’UdM entend aussi défendre les valeurs d’égalité et d’équité sans aucune discrimination fondée ni sur l’ethnie, la race, le sexe, la religion, etc. seul compte le mérite de l’individu et l’on doit y cultiver l’esprit de tolérance, la liberté d’expression et le respect du bien commun.
Un autre pilier de la philosophie fondatrice qu’il aimait rappeler, c’est le caractère communautaire du projet par opposition à un projet actionnarial ou commercial. L’UdM est une initiative de la société civile et en ce sens elle n’est la propriété de personne, et personne, quel que soit son apport intellectuel, financier ou en industrie ne pourrait prétendre à quelque forme de dividende que ce soit. Les membres de l’AED et autres contributeurs peuvent par contre prétendre à une reconnaissance symbolique pouvant aller, en fonction de l’importance de la contribution, à une inscription d’un nom sur un bâtiment, un laboratoire, un complexe sportif ou un simple espace vert.
Un des principes instaurés à cette époque et dont André Ntonfo était le grand animateur, consistait à commencer l’année académique par un séminaire d’accueil des nouveaux étudiants en Octobre et de la clore par un séminaire bilan en Juillet-Août.
La rencontre d’accueil des étudiants était pour lui l’occasion de montrer que les étudiants étaient au cœur du système et que les rapports avec eux devaient être des rapports de respect mutuel et de réelle coopération. Leur avis comptait et devait être requis pour toutes les questions de discipline ou de vie communautaire. L’on ne venait pas à l’UdM juste pour chercher à décrocher un diplôme « par tous les moyens » pour aller « se débrouiller » dans la vie ; on y venait, à la recherche d’un espace de dialogue et de formation intellectuelle, morale, sociale et culturelle. Les attentes et exigences de l’institution étaient maintes fois rappelées. Et d’abord au plan académique : l’exigence de la qualité, le refus de la médiocrité, le culte du travail et du travail personnel, la recherche de l’excellence. Au plan disciplinaire, il y avait la ponctualité, l’assiduité, le silence pendant le travail, y compris dans les mini-cités, le respect du travail des autres. Enfin au plan de l’éthique, l’exigence de décence et de sobriété en matière de tenue vestimentaires : ni bijoux agressifs, ni coiffures extravagantes. En bref, l’étudiant devait éviter sur le campus comme en dehors, tout comportement de nature à ternir l’image de l’UdM, à démentir sa devise de la recherche permanente de l’excellence.
S’agissant des séminaires bilan dont il était le grand artisan, c’était l’occasion de faire le point sur l’exercice écoulé, de revisiter les programmes de formation et faire des projections pour la nouvelle année. Ces séminaires se terminaient toujours par l’organisation du concours de recrutement des nouveaux étudiants sous la direction d’une personnalité universitaires à la réputation établie, lequel venait présider le jury de sélection en toute transparence.
Une autre innovation à laquelle André Ntonfo a travaillé activement avec l’équipe de départ, c’est l’invention et la mise en œuvre du concept de « Doyen Assesseur ». Ce concept participait de la volonté des fondateurs de faire de l’UdM une institution ouverte sur le monde de la science et la technologie, ouverte à ce qui se faisait de mieux dans les universités du Nord. Pour ce faire, le Doyen Assesseur dans une filière donnée devait être un universitaire de haut vol, en activité dans une institution européenne ou nord-américaine ; de sa position, ce dernier était impliqué dans l’élaboration et la mise à jour des programmes d’enseignement, la mise en place des systèmes de gouvernance universitaire et de recherche, la négociation des programmes de coopération, la prospections des enseignants missionnaires, la recherche d’équipements pour les laboratoires, etc. André Ntonfo a participé à la prospection et nomination des premiers responsables à ce poste : Je pense au Dr Nkwawo Homère, de l’Université de Paris 13. Je pense au Dr Etienne Tatou du CHU de Dijon, de regretté mémoire. Je pense aussi au Professeur Denis Wouessidjewe de l’Université de Grenoble. Je pense enfin au Professeur Emmanuel Simeu de l’Ecole Polytechnique de Grenoble également.
Très actif sur le front de la Coopération, André Ntonfo a conduit les deux missions envoyées à l’Université de Kinshasa en 2007 et 2008 pour vivre l’évènement de la sortie respective des premières promotions de pharmaciens et de médecins de l’UdM ;
À ce propos, il convient de relever que le fait d’avoir envoyé nos étudiants terminer leurs études à Kinshasa fut déterminant pour le processus de régularisation du cursus de nos étudiants au Cameroun ; la soutenance de nos étudiants organisée en terre congolaise provoqua, de toute évidence, une onde de choc et des interrogations, pour ne pas dire des indignations, non seulement au sein de l’opinion publique nationale et internationale, mais aussi dans les milieux diplomatiques. On ne comprenait pas que des jeunes Camerounais, formés et bien formés au Cameroun, dussent s’exiler en République Démocratique du Congo, pour se voir délivrer des diplômes à brandir dans leur propre pays. Dès lors, il y eut lieu de penser que les arrêtés de reconnaissance officielle de l’UdM que signa, dans la foulée, et plus précisément en octobre 2008, le Ministre de l’Enseignement Supérieur d’alors, le Professeur Jacques Fame Ndongo, que cette reconnaissance était à inscrire parmi les conséquences positives de l’exil kinois des étudiants de l’Université des Montagnes.
Toujours sur le front de la Coopération, André Ntonfo a été membre-rapporteur de la grande délégation qui a sillonné les universités européennes (France, Italie, Allemagne) pour négocier des partenariats avec l’Université de Montagnes. A ce propos, des conventions furent signées ou renforcées avec différentes institutions françaises, allemandes ou italiennes. À la faveur de ces conventions, l’UdM devait voir défiler annuellement sur son campus des dizaines d’enseignants missionnaires.
Jusqu’en 2014, il a été de toutes les délégations auprès du Minesup pour négocier la reconnaissance de l’UdM. Il a coordonné la rédaction de pratiquement tous les memoranda adressés au MINESUP pour défendre ou soutenir la cause de l’UdM.
En tant que Directeur des Affaires Académiques et de la Coopération, l’une des dernières batailles qu’il a menées avec les autres compagnons était lors de l’introduction, en 2012, du Numérus Clausius dans les formations médicales, pharmaceutiques et odontostomatologiques. André sera à la manœuvre lors des missions d’évaluation de la Commission Sosso, lors des négociations au Minesup qui tentait de fixer arbitrairement le montant des frais académiques. Faut-il le rappeler, si une telle initiative avait prospéré, elle aurait scellé le sort de l’UdM. André fut de ceux qui défendirent énergiquement l’autonomie de l’institution en cette matière, comme le prévoyait du reste la loi.
De 2013 à 2020 il a été le tout premier Directeur de l’Institut des Études Africaines, des Sciences Sociales et de Management, cet établissement qui avait été pensé pour l’inculturation de l’UdM, pour la sauvegarde et la diffusion de sa philosophie fondatrice. Cet ainsi qu’il pilota toutes activités et formalités pour la création, l’ouverture et son fonctionnement comme établissement diplômant, après avoir coordonné pendant les premières années ses activités comme « établissement de service » pour les autres filières de l’UdM. André Ntonfo avait le cœur à l’ouvrage et a conduit le chantier de l’ouverture officielle en faisant preuve de beaucoup d’ingéniosités pour braver toutes les contraintes internes et externes qui se dressaient sur son chemin. Il n’hésita pas à mettre sur la balance son réseau de relations auprès duquel il alla négocier et décrocher des bourses pour financer les frais académiques des deux premières promotions de l’établissement.
Last but not the least, André a été élu, en Janvier 2022, Président du Conseil d’Administration de l’UdM, pour mener son dernier combat. A ce poste, il travailla activement pour la préparation et l’organisation, en juillet 2022, des Etats Généraux de l’AED/UdM, assises qu’il avait appelées de tous ses vœux pour amorcer la refondation et redessiner l’organisation de cette institution. André nous quitte ainsi après avoir travaillé, jusqu’au dernier moment, avec la commission qui fut chargé de faire la relecture et la mise en forme des textes statutaires, conformément aux résolutions des Etats Généraux.
André Ntonfo, nous l’avons dit, était l’historien de l’AED-UdM ; il est l’auteur des deux ouvrages commis sur l’UdM : le premier, Si l’Université des Montagnes était contée, Enjeux des textes fondateurs (2014) a permis de reconstituer l’essentiel de la mémoire de l’AED/UdM telle que conservée dans les principaux textes produits en interne ou hérités des hôtes de marque qui ont séjourné sur le campus, à un moment ou à un autre. Etc…
Le second, L’Université des Montagnes, Du concept à la mise en œuvre d’un projet atypique a pour objectif de faire connaitre le projet de l’Université des Montagnes depuis sa genèse, d’en sauvegarder la mémoire et de la donner à découvrir aux générations actuelles et futures. Le livre révèle quel chemin on a parcouru, quels obstacles on a franchis, quels trésors d’imagination on a mobilisés, quels sacrifices on a consentis pour porter le projet et en faire une réalité, un succès… André s’est attelé à la production de cet ouvrage comme s’il savait que le temps lui était compté. Après en avoir rédigé le texte, il a lui-même financé son édition, parce qu’il ne voulait pas retarder sa publication.
Je pourrais multiplier à l’infini les cas de l’implication du Pr André Ntonfo, et au plus haut niveau, dans la vie de de l’AED/UdM. C’est dire qu’il a été de tous les temps forts, de tous les combats pour la création, le fonctionnement, la consolidation et la survie de cette institution.
Mais, je ne saurais terminer ce témoignage sans évoquer les souffrances qu’André a vécues dans sa chair à cause de ce projet. Alors que toute l’équipe avait travaillé d’arrache pieds pour décrocher, en 2012, un prêt de 5 Milliards de FCFA auprès de l’Agence Française de Développement (AFD), l’obtention de ce financement destiné au développement des infrastructures de l’UdM, allait, paradoxalement, déclencher la pire crise que l’AED-UdM avait jamais traversée. Éclaboussé injustement par cette crise sur fonds de lutte interne de pouvoir au sein de l’institution, André en fut profondément meurtri et dû recourir aux valeurs et ressources internes profondes dont lui seul avait le secret, pour continuer, et tenir jusqu’au bout son engagement pour le projet.
Maintenant, il est temps pour moi de conclure ; pour cela, je me tourne vers toi, cher André, pour te dire que tu as incarné plus que quiconque toutes les valeurs de la philosophie fondatrice de l’AED-UdM : valeur d’engagement ; valeur de sacrifice ; valeur de bénévolat ; valeur d’abnégation ; valeur d’intégrité ; valeur du travail, valeur d’humilité ; valeur d’humanisme...
Tu as également vécu et ressenti au plus profond de ta chair, les affres de l’ingratitude humaine alors que tu n’as cessé de la combattre tout au long de ce projet. Malgré tout cela, tu as fait prévaloir une des valeurs ultimes que tu es allé chercher dans les profondeurs de ton cœur : je voudrais nommer la fidélité ; fidélité à un projet dont tu t’es refusé de contribuer de quelque manière que ce soit à la destruction ; fidélité également à une vision profondément humaniste du rapport avec autrui !
Va donc cher André, Va cher compagnon fidèle, tu as semé la bonne semence au sein de notre projet commun, l’AED/UdM !
Je suis convaincu que, par de-là les péripéties qui jalonnent le parcours des projets d’une telle envergure, la semence aura germé pour produire de bons fruits. De toutes les façons, l’AED/UdM n’a pas d’autres choix que de s’en tenir à ces valeurs fondatrices car, c’est d’elles et elles seules que dépendent sa survie et son expansion.
Va donc et repose en paix…, pour le travail accompli !
Jean Pierre Chaungueu
Membre Fondateur de l’AED & Membre de son Conseil d’Orientation
Bangangté, 16 décembre 2022