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Diaspora camerounaise : une analytique des marches du 3 juillet à Paris et 17 juillet 2021 à Genève

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Les critères de réussite d’une manifestation publique sont disparates et subjectifs. Ils ne font jamais l’unanimité et dépendent très souvent de l’appréciation des organisateurs, de l’État ou des médias. Le cas des mobilisations syndicales en France est révélateur de cet état de fait au sens où, lors de la rentrée sociale, les chiffres des syndicats sont toujours plus élevés que ceux des forces de l’ordre ou des organisations gouvernementales. Comme le chiffre du chômage, le chiffre attestant du niveau de fréquentation d’une manifestation publique est aussi un chiffre politique qui fait l’objet de politique et de manipulation. Chacun tire la couverture de son côté pour, suivant ses intérêts, minimiser ou maximiser le succès de la mobilisation. Il en est de même de la cause défendue et/ou des travers dénoncés. Concernant de nombreux activistes et les organisations de même nature, les critères de réussite d’une action publique sont parfois discrétionnaires et surprenants. Un activiste ou une organisation d’activistes considère parfois que son action est une réussite dès que l’action a eu lieu avec ou sans public.

Le fait même qu’un activiste soit interpellé par les forces de l’ordre est en lui-même un critère de réussite parce qu’une interpellation fait du bruit, parle de l’activiste et de ses revendications. Une interpellation est une forme de caisse de résonnance pour sa cause…
La marche de la diaspora camerounaise du 3 juillet 2021 à Paris est encore plus complexe à analyser pour un ensemble de raisons : C’est une marche de Camerounais dans un espace public français à 6000 km du Cameroun, pays d’origine des manifestants ; la double nationalité n’existant pas au Cameroun, cette marche ne peut être une expression légitime et cohérente de la citoyenneté politique des Camerounais ; le double jeu du MRC limite sa capitalisation politique ; les marcheurs semblent satisfaits du seul fait de s’être retrouvés à la marche et de démontrer qu’ils contestent et existent toujours en tant que mouvement contestataire du régime camerounais actuel.
Essayons tout de même, malgré ces aspects limitatifs, de trouver un critère robuste de lecture de la marche du 3 juillet 2021 à Paris. Quoi de mieux, pour choisir cette clé de lecture, que quelques mots de Maurice Kamto, figure politique camerounaise omniprésente à travers chants, discours, banderoles, casquettes et tricots des manifestants. En guise de récupération d’une manifestation dont il se désolidarisa quelques heures avant son début, Maurice Kamto a déclaré : « Continuez de porter haut la flamme de la résistance nationale […] la résistance nationale triomphera. ». Résistance ! En voilà un mot, tout un programme, un critère analytique important et historiquement éprouvé pour passer au crible une mobilisation populaire. Quelle est donc la lisibilité politique de cette résistance ? Est-ce une résistance productive politiquement ? Le MRC-BAS et alliés font-ils mieux que le SDF dans les années 1990 ? Quels sont les canaux de transmission politique de cette diaspora camerounaise militante ?

• Quelle est la lisibilité politique de la résistance de Maurice Kamto ?
Faire de la politique, aimait à le dire François Mitterrand, c’est raconter une histoire aux gens, avoir un cap dont la factualisation de cette histoire est l’horizon, puis mener des actions qui éclairent la route et la rendent crédible. Il est donc très important que la contestation, l’opposition, le refus d’obtempérer aux injonctions du système dominant ou d’adhérer à l’ordre établi, autre nom de la résistance politique, soient catalysés par un message politique clair qui en constitue l’unité politique agissante. Ce message politique est-il clair et audible, c’est-à-dire sans parasites et sans contradictions dirimantes ?
Analysons deux messages pour répondre à cette question : celui de Maurice Kamto avant et après la marche de Paris puis ceux véhiculés par les corps, les habits, les pancartes, les banderoles, les chants et les discours des marcheurs de Paris.
S’agissant de Maurice Kamto, ses communiqués avant et après la marche visent à faire de lui celui qui gagne à tous les coups. C’est-à-dire se couvrir politiquement, lui et son parti, contre tout éventuel débordement, écarts et violences qui seraient issus de la marche (d’où le communiqué suivant lequel le MRC n’organise aucune marche à travers le monde) tout en voulant en tirer les dividendes politiques (communiqué de Kamto exaltant le succès et la continuation victorieuse de la résistance). Cette stratégie de double jeu de Maurice Kamto est-elle tenable ? Rien n’est moins sûr pour trois raisons fondamentales :
Premièrement, le MRC a bien été organisateur de cette marche de Paris du 3 juillet 2021, car ses membres et représentants les plus influents en Europe étaient parmi les organisateurs, puisque son drapeau y a flotté, que son hymne a ponctué la cadence et que des stands-MRC ont été très actifs dans l’animation de l’évènement.
Deuxièmement, les organisateurs désavoués dans un premier communiqué de Kamto, puis félicités dans un second ne sont pas dans une stratégie de bénévolat politique. Ils peuvent se retourner contre lui si, à la longue, ils se rendent compte qu’il veut jouer au plus malin avec eux. Dans ce cas, Maurice Kamto peut devenir persona non grata en Occident une fois déclaré irrecevable par ses nervis et séides d’hier : c’est l’hypothèse tendancielle où le monstre « Frankenstein » bouffe son créateur en supposant que celui-ci n’en soit pas déjà prisonnier comme le révèle ce double discours sur les marches de Paris et Genève 2021. Même si le lien institutionnel entre le MRC et la BAS n’existe pas, il existe cependant entre eux un lien politique robuste qui peut très mal finir…
Troisièmement, ce double discours ne sort pas Kamto d’un « Biyaïsme lexical » où le double discours est la règle. Double discours qui ne sert pas la clarté d’une résistance qui réclame la démocratie, système où le discours d’un leader doit être crypté pour son peuple. Dans la mesure où aucune résistance ne se fait sans casse dans tous les sens de ce mot, il va sans dire qu’une résistance avec un leader qui n’assume pas les effets et conséquences de la résistance populaire, mais veut uniquement profiter de ses retombées positives, ne fait pas un leader sérieux, mais un simple opportuniste et calculateur par rapport à son destin. C’est la preuve que Kamto est moins orienté vers la cause du peuple qui devrait, à tous les coups, toujours avoir raison, que vers la sienne. C’est cette logique que les présidents français ont avec leurs services secrets : si l’opération réussie, le président français en tire toute la gloire, mais si elle échoue alors il n’était pas au courant et les services secrets sont les seuls à assumer les conséquences…
Une autre catégorie de messages est constituée de ceux véhiculés par les corps, les habits, les pancartes, les banderoles, les chants et les discours des marcheurs de Paris.
En voici un morceau choisi : « Non à la succession de gré à gré » ; « Non au tripatouillage des urnes » ; « Au revoir État des lois et des décrets partisans. Un merci à son excellence Maurice Kamto pour ce sacrifice. Enfin l’État de droit est là » ; « Kamto » ; « G-2018 ». En dehors de l’atmosphère générale contre le régime en place à Yaoundé, le message politique de la résistance est très loin d’être cohérent dans un mouvement fait de bric à broc, un mouvement des mouvements où battent ensemble le pavé, les différentes BAS, le KOR (Kamto Ou Rien), les Ambazoniens, les militants du MRC, les Amazones, les opposants sans étiquettes au régime et où les drapeaux camerounais, ambazoniens, MRCistes se disputent la vedette autant que le fait l’hymne du MRC et l’Hymne national camerounais. Tout cela fait de la marche de Paris, une marche très illisible sur le plan politique au sens où c’est une marche mosaïque, archipellique, polyphonique et polythéiste sur le plan politique où chacun a ses références, ses dieux et ses figures éponymes. Dès lors, la figure politique de Maurice Kamto ne représente rien de précis et de stable pour l’avenir du Cameroun, car la foule qui jure par son nom est constituée à la fois de ceux qui disent vouloir la démocratie au Cameroun, ceux qui veulent la libération des prisonniers politiques, ceux qui refusent la guerre au NOSO, ceux qui soutiennent la résistance des anglophones, ceux qui clament l’heure du « Bamipower », ceux qui veulent la sécession du Cameroun, ceux qui veulent un Cameroun fédéral, ceux qui cotisent pour acheter des armes contre l’État unitaire, ceux qui souhaitent un Cameroun unitaire avec un nouveau régime, ceux qui condamnent la corruption, ceux qui ne jurent que par des discours d’épuration ethnique des Bulu, ceux qui veulent capturer Biya (opération catcham à Genève) et les insulteurs professionnels des réseaux sociaux. Cela fait un salmigondis politique sans queue ni tête et donc sans stratégie fiable en termes de discours politique audible.

• Est-ce une résistance politiquement productive ?
Si la lisibilité et la stabilité de la résistance dont parle Maurice Kamto sont sujettes à caution qu’en est-il de la productivité de ladite résistance ? A la question de savoir si cette résistance est productive on peut répondre à la fois par oui et par non.
Oui parce que, après plus de trente ans de règne sans partage, le Cameroun politique était désormais semblable à un électro-encéphalogramme plat, signe d’un pays où un régime avait tout écrasé et où on prenait les mêmes pour jouer la même symphonie politique à un peuple devenu un spectateur assidu dodelinant de la tête pour dire « on va faire comment alors ? ». La fronde que mènent le MRC-BAS et leurs sympathisants depuis la dernière élection présidentielle de 2018 a réanimé un champ politique camerounais moribond. Cette animation du champ politique camerounais est le principal apport politique de cette résistance. Elle entraîne par conséquent l’ouverture d’un nouvel espace politique contestataire du régime de Yaoundé. Ce nouvel espace politique sort plusieurs Camerounais de leur statut de citoyen-spectateur ou de citoyen-perroquet au sens où ils deviennent des sujets, c’est-à-dire des hommes et des femmes qui pensent et se sentent faiseurs de l’histoire du Cameroun. L’activisme qui en découle peut-être utile pour l’éducation démocratique des Camerounais au cas où il peut aboutir à faire naitre une nouvelle génération de Camerounais qui conteste, revendique ses droits, se mobilise et adopte le soupçon permanent du régime comme moyen de pousser ceux qui gèrent l’État à ne pas oublier qu’ils sont les employés du peuple. Le comportement des forces de l’ordre occidentales éduque aussi les forces de l’ordre camerounaises sur la manière de gérer démocratiquement des manifestations publiques même lorsqu’elles sont interdites : l’encadrement puis la limitation stricte du temps et du lieu de la manifestation sont, in fine, plus efficaces que le matraquage et l’emprisonnement. C’est une stratégie qui préserve à la fois les libertés et l’ordre public. Les activistes de la BAS, très souvent sans culture historique des idées politiques et de leur construction, prennent aussi de la graine. Ils ont appris à Genève qu’il n’existe pas de démocratie sans État, sans souveraineté, sans ordre y afférent et sans respect des lois en vigueur. La violence au sens brutal du terme réapparait en démocratie dès qu’elle est face à des gens qui ne respectent pas les lois.
Cette résistance est cependant aussi improductive pour plusieurs raisons. « Qu’est-ce que Bulu et Bamiléké viennent chercher ici ? », cette question posée par un dignitaire du régime à Maurice Kamto lors du contentieux postélectoral marque la dynamique négative de cette résistance par rapport au vivre ensemble entre Camerounais. Avant que Maurice Kamto ne pointe du doigt les Bulu comme ceux qui ont volé sa victoire parce qu’il est Bamiléké, les Camerounais avaient, malgré des appartenances politiques différentes, des classes sociales divergentes, des tribus et des ethnies diversifiées, un esprit de bienveillance entre eux tant sur le plan national que dans la diaspora. Insécable avec la nation camerounaise, la destruction de la bienveillance entre Camerounais par la résistance du MRC-BAS n’est pas une valeur ajoutée, mais un déficit que la résistance de Kamto et celle de ses alliés lèguent au Cameroun comme un déficit anthropologique aux conséquences aussi dévastatrices que les déficits économiques et politiques du régime en place. Une haine et une animosité sans pareilles se sont installées entre Camerounais tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays depuis que la résistance « Kamtoïste » a choisi l’antagonisme tribal Bulu/Bamiléké comme carburant de sa dynamique. Les Bulu vont-ils respecter l’institution présidentielle et laisser Kamto en paix en Occident si celui-ci devient président du Cameroun ? La condamnation unanime de la gifle infligée à Macron par l’opposition française doit poser des questions sur le silence de Kamto par rapport aux humiliations que ses partisans de la BAS font subir au Président Biya en Europe. Peut-on respecter l’institution présidentielle lorsqu’on signe « Président élu » alors qu’un autre président est officiellement en place et reconnu internationalement ? Peut-on espérer le respect de tous les Camerounais si on arrive un jour au pouvoir lorsqu’on cautionne la désacralisation de la fonction présidentielle de celui à qui on s’oppose politiquement ?
Outre le fait que Paul Biya est resté en place malgré le non au hold-up électoral, que le FMI finance toujours le Cameroun malgré tout ce que la diaspora camerounaise pro-Kamto peut véhiculer sur les détournements de fonds publics, que les alliances politiques du MRC avec d’autres leadeurs politiques n’ont pas fait long feu et que la stratégie de boycott des élections législatives et régionales ne peut être un succès, deux autres limites de cette résistance peuvent être mises en exergue : Primo, l’initiative survie Cameroon et, secundo, la personnalisation de la résistance.
La cacophonie induite par l’initiative Survie Cameroon et la rupture tonitruante avec Penda Ekoka ne témoignent ni de la cohérence de la résistance ni de la capacité de Maurice Kamto à gérer les hommes et les choses. Autrement dit, de la personnalité de Maurice Kamto se dégage, suivant ce qui précède, une hyperprésidence qui n’a laissé la moindre place ni à Paul Eric Kingué, ni à Penda Ekoka et encore moins à maître Ndoki. Cela est préoccupant dans une résistance qui parle de démocratie, mais sombre dans un culte de la personnalité, base la plus solide et redoutable de la fondation d’une dictature politique. D’où la question légitime de savoir si on fonde une résistance nationale sur une personne ou sur un idéal. Avec Maurice Kamto, une fâcheuse impression se dégage de la marche du 3 juillet à Paris. Au lieu que tout parte du peuple camerounais pour changer le Cameroun, tout doit partir de Kamto pour changer le Cameroun. Les slogans « L’alternance c’est Kamto » et « Kamto ou rien » sont des signes d’une résistance incapable de convaincre tous les Camerounais, car elle sombre dans la croyance évangélique en un homme providentiel sauveur du monde. Elle s’abime dans l’illusion que la fin de vie de Paul Biya est la solution à un mal camerounais qui ne peut pourtant être traité ni par un seul homme quel qu’il soit ni par la fin d’autre quels que fussent sa trajectoire et son poids politiques !

• Quels canaux de transmission politique au niveau national ?
« Marchez si vous voulez courez même ! » Alors que nous étions de jeunes étudiants en grève, cette phrase narquoise et défiante nous a été lâchée par le Pr. Edzoa Titus alors ministre de l’enseignement supérieur. C’était une façon pour lui de nous dire que notre gesticulation d’étudiants à travers marches contestataires et grèves n’avait aucun impact sur le ministre qu’il était et le régime auquel il appartenait. C’est exactement ce qui s’est passé. Nous avons continué à marcher, mais rien n’a changé par rapport à notre situation d’étudiants. Nous étions toujours sans amphithéâtres dignes de ce nom, sans restaurant, sans bibliothèque, sans eau, sans WC, sans électricité et sans sécurisation des conditions de transport de Yaoundé à Soa.
Cette anecdote est racontée ici pour un but analytique : notre mouvement et nos marches d’étudiants n’avaient rien donné de probant parce que nous n’avions pas des canaux de transmission politique pour transformer nos revendications en points pertinents de l’agenda politique du régime et du ministère de l’enseignement supérieur. Edzoa Titus avait ainsi continué son projet de décongestion de l’Université de Yaoundé et nous perdîmes plusieurs de camarades dans des accidents de circulations entre Yaoundé et Soa sans que cela ne fît changer d’avis au ministre.
Dans les années 1990, le SDF a, via le mouvement des villes mortes, réussi à modifier l’agenda politique national à travers l’obtention d’une tripartite de laquelle est sortie une feuille de route politique sabordée en grande partie plus tard par l’opposition camerounaise qui refusa de gouverner après avoir gagné les élections législatives en 1992. En d’autres termes, une résistance politique peut être complètement stérile si elle n’a pas de canaux de transmission de son action de terrain en problématiques politiques concrètes inscrites dans l’agenda politique du champ politique qu’elle souhaite influencer. Il en résulte que le MRC-BAS et leur résistance restent largement en deçà du mouvement politique induit au Cameroun dans « les années de braises » par le SFD et son leader John Fru Ndi. D’où la question brûlante qui se pose à la diaspora camerounaise dite résistante : Via quels canaux de transmission politique la diaspora camerounaise dite résistante peut-elle introduire ses revendications politiques dans l’agenda politique camerounais ? Il faut l’avouer, aucun canal de transmission politique n’est disponible et aucun de crédible n’a été construit par ladite diaspora.
Pris dans ses propres contradictions politiques, Maurice Kamto ne peut plus servir de canal de transmission à cette résistance diasporique. S’il s’accapare de leurs revendications, alors tout le monde se rendrait compte qu’il était de mèche avec la BAS et ses marches contre Biya et son régime. Cela n’est pas politiquement positif pour lui, car le régime de Biya sera toujours fort par ses membres dans l’avenir du Cameroun même après la disparition de Biya. Si Kamto désavoue la BAS et ses revendications, cela le mènerait, comme déjà signalé, vers un conflit ouvert avec la BAS. On peut aussi se demander si la BAS peut faire naitre un parti politique au Cameroun. Cela ne semble possible que via une voie détournée où les figures actuellement connues de la BAS laissent complètement la main à des Camerounais peu connus ou inconnus dans le combat politique violent contre Paul Biya. Ce qui est peu probable en prenant en compte la guerre des égos qui y existent déjà. Il est donc presque impossible qu’une figure dirigeante de la BAS actuelle puisse être un acteur politique à la tête d’un parti politique camerounais, car l’historique politique de ce mouvement est très négatif dans la société camerounaise en général même si des supporteurs existent au sein de ceux qui combattent le régime de l’intérieur.
Une autre limite que présente la BAS dans le domaine des canaux nationaux de transmission politique d’un projet est que les activistes n’ont pas automatiquement pour objectifs le changement du Cameroun. Ils ne le savent pas eux-mêmes. Cela provient du fait que, ces activistes, des hommes et des femmes inconnus et « rien » il y a quelques années, sont désormais connus et gagnent de l’argent grâce à l’activisme. Désormais, le but poursuivi par plusieurs membres de la BAS est que l’activisme ne s’arrête pas, car ils ne sont quelque chose que si cet activisme continue. Ainsi, chercher au Cameroun des canaux de transmission politique de leur résistance est moins l’objectif que la continuité de l’activisme comme gagne-pain et escabeau socio-économique. La preuve en est que se faire arroser ou gazer par la police genevoise, se faire plaquer au sol, grimper sur une barrière ou crier le plus fort possible sont des moments à immortaliser par des photos, des films et des directs au sens où ce sont des images qui tiennent lieu de critères de réussite de l’activiste de la BAS alors que cela ne change pas d’un iota la situation camerounaise. En sciences des organisations, on parle dans ce cas d’une organisation qui travaille pour elle-même en tant qu’organisation, mais pas pour les objectifs collectifs affichés.
Il est donc clair que sans leader qui assume toutes les conséquences de sa propre résistance, sans lisibilité politique claire, sans canaux de transmission politique sur le plan national et sans une once de sympathie politique sur le plan national autre que celle du MRC absent lui-même des institutions représentatives nationales, cette résistance a du plomb dans l’aile. La problématique politique reste cependant ouverte pour les partis politiques camerounais légalisés et la société civile. Ceux-ci doivent se saisir de la problématique diasporique afin de construire une offre politique capable d’exploiter les ressources humaines, techniques, de mobilisation et intellectuelles de la diaspora camerounaise. Y’ a-t-il un problème entre le Cameroun et sa diaspora même celle dite silencieuse ? La réponse est oui.
Dans ces conditions, l’offre politique nationale doit être capable de présenter une politique nationale de réparation du lien entre le triangle national et son excroissance extraterritoriale afin de le rendre profitable à tous. La BAS est une pathologie du processus démocratique camerounais. Ce pays doit apprendre de cette pathologie politique pour ajuster et mieux penser la poursuite de l’idéal démocratique.
Thierry Amougou, Economiste, Pr. Université Catholique de Louvain (UCL), Belgique. Dernier ouvrage publié. Qu’est-ce que la raison développementaliste ? Qu'est-ce que la raison développementaliste ? : du fardeau de l'homme blanc aux négropôles du développement - Thierry Amougou - Librairie Mollat Bordeaux