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Les fruits amers de la longévité au pouvoir

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Le pouvoir politique, l’Etat et la démocratie ont été inventés par les hommes pour assurer le bien commun du peuple, et non pour mesurer la capacité d’un gouvernant à durer au pouvoir
Accéder au pouvoir et s’y maintenir aussi longtemps que possible, par tous les moyens est une tendance qui a été observée en Afrique subsaharienne depuis les indépendances, et jusqu’au début des années 1990, à l’exception du Sénégal où Léopold Sedar Senghor a quitté ses fonctions de Président de la République, et du Cameroun où le Président Ahmadou Ahidjo a démissionné des siennes en 1982. La longévité au pouvoir n’est qu’une des conséquences de l’accaparement du pouvoir d’Etat et des ressources publiques par un gouvernant- chef d’Etat que nous avons défini ailleurs (Journal la Nouvelle Expression du 10 au 13 juin 1994) sous le néologisme de «pouvoiro-affairisme » comme « volonté politique farouche de conquérir et de conserver le pouvoir, par tous les moyens, et contre vent et marées, au besoin en violant toutes les règles positives de conduite sociale que l'humanité s ’est données

sur le plan du droit, de la philosophie, de la morale et de la religion, et même au prix de la ruine de la collectivité nationale. Le pouvoir, rien que le pouvoir, recherché, conquis et conservé non pas pour faire triompher un idéal collectif tels que l’unité nationale, la démocratie ou le développement, comme proclamés par le discours officiel, mais en réalité par besoin de faire main basse sur les richesses nationales ».
L’objectif dans le présent article est d’examiner ce qui motive cette tendance à la longévité au pouvoir, quelles sont les techniques utilisées pour la concrétiser, et quels sont les effets généralement néfastes sur la gouvernance des États.

I- Les motivations de la longévité au pouvoir
La longévité au pouvoir n’est pas une pratique politique spontanément admise à l’époque contemporaine. Si elle a caractérisé les gouvernements monarchiques ‘ avant l'ère moderne de la démocratie libérale, elle est devenue peu prisée depuis l’enracinement de cette dernière comme mode de gouvernement idéologiquement dominant. Mais cette domination ne signifie pas que les pratiques de la longévité au pouvoir ont disparu. Elles sont encore prégnantes dans la psychologie de beaucoup de gouvernants, et s’observe dans leur récurrence en Afrique Noire postcoloniale. Plusieurs motivations peuvent expliquer cette sorte d’addiction au pouvoir étatique des gouvernants.
D’abord le recours à une tradition millénaire, celle-ci étant rencontrée partout dans le monde. La monarchie héréditaire et dynastique est le mode de gouvernement le plus ancien dont la mise en cause est très tardive dans l’histoire de l’humanité, notamment à partir des révolutions démocratiques des temps modernes. Depuis les pharaons les monarques ont toujours régné jusqu'à leur mort. C’est ce modèle qu’ont connu les monarchies traditionnelles africaines.
Après les indépendances africaines, certains despotes ont évoqué la tradition du chef à vie pour justifier leur maintien sans fin au pouvoir. Mobutu au Zaïre a invoqué ce modèle et Bedel Bokassa en Centrafrique s’est proclamé Président à vie. D’autres gouvernants ont recours à la non limitation de mandat pour justifier la longévité au pouvoir.
En second lieu, une sorte d’attirance de la longévité au pouvoir peut être évoquée. Le pouvoir politique attire pour un certain nombre de raisons. Chacun dans son for intérieur souhaite être gouvernant et non gouverné car le pouvoir est tentant pour ses privilèges : être au-dessus du commun des mortels, recevoir respect et honneur, bénéficier des avantages matériels et financiers plus importants par rapport au citoyens ordinaires, posséder certaines immunités ; autant d’avantages qu’on souhaiterait garder pour longtemps. On ne devra pas s’étonner de voir des anciens opposants politiques qui ne juraient que par la limitation du mandat de Président de la République, changer de conviction pour préconiser la non limitation, une fois arrivés au pouvoir. Le cas le plus célèbre est celui d’Alpha Condé en Guinée Conakry qui a modifié la constitution du pays pour faire sauter le verrou de limitation du mandat présidentiel, reniant ainsi une de ses convictions politiques qui lui avaient valu des années de prison sous les régimes de Sékou Touré et de Lansana Conté.
En troisième lieu, la patrimonialisation privative de l’Etat, c’est-à-dire la monopolisation du pouvoir et des ressources publiques par le chef de l’Etat est la plus forte des motivations. Une fois le gouvernement conquis, la gestion étatique et des ressources publiques permet au chef de l’Etat de s’enrichir, d’enrichir ses proches et ses partisans. Il ne faudra donc pas s’étonner de voir le favoritisme dégénérer en corruption et celle-ci se généraliser pour permettre aux profiteurs de se remplir les poches. La longévité au pouvoir aura deux fonctions : permettre l’accumulation de biens mal acquis, et sécuriser ceux-ci.
Tous les chefs d’Etat pouvoiro-affairistes de longue durée accumulent tous des fortunes faramineuses. Mobutu au Zaïre avait une fortune de près de 4 milliards de dollars correspondant en gros à la dette extérieure de son pays, et disposait d’une liste impressionnante de maisons et résidences à l’étranger, en Belgique, en France, en Italie, à Dakar, à Abidjan, à Bangui.1
En Côte d’ivoire, Houphouët Boigny se disait né avec une cuiller en or à la bouche, mais cette cuiller ne pouvait à elle seule justifier sa fortune bancaire de 800 milliards de francs CFA dans le pays, la construction dans son village de Yamoussoukro d’une basilique de 37 milliards de francs CFA (qu’il disait sortis2 de sa poche)
Au Gabon, Omar Bongo, mort en 2009, a laissé une colossale fortune à sa nombreuse famille (57 enfants issus d’une trentaine de femmes) : patrimoine immobilier en France estimé à 68 milliards d’euros, des dizaines de milliards de francs CFA dispatchés dans une cinquantaine de sociétés gérés par un holding familial3
Des exemples de fortunes colossales amassées par les chefs d’Etat n’épargnent pas des pays comme le Togo, la Guinée Équatoriale, le Congo- Brazzaville, et même l’ex-marxiste Angola où la fille du Président Dos Santos serait la première fortune féminine de l’Afrique.
La longévité au pouvoir, lorsque des patrimoines personnels colossaux sont amassés par des chefs d’Etat pouvoiro-affairistes, permet de sécuriser ceux- ci, car l’alternance au pouvoir pourrait les remettre en cause par les nouveaux gouvernants.

II- Les techniques de la longévité au pouvoir
Le pouvoiro-affairisme, comme système de maintien indéfini au pouvoir, va mettre en place une architecture politique de longévité au pouvoir par des techniques dont seules les plus opératoires seront indiquées ici.

A) L’embrigadement systématique de la société politique
On ne peut pas gouverner en recherchant le maintien indéfini au pouvoir, par des moyens démocratiques et de persuasion. Seul l’autoritarisme répressif est l’instrument politique approprié. Si, pendant longtemps après les indépendances africaines l’autoritarisme politique a été effectivement appliqué à travers les dictatures de parti unique ou militaires, c’était sans avoir recours à une théorie politique explicitement affirmée. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Cette théorie nous est venue du Bénin, œuvre du Président Patrice Talon, élu en 2016 Président de la République. C’est lui qui pour la première fois en Afrique subsaharienne, a énoncé la formulation explicite de la méthode de maintien indéfini au pouvoir. Voici le texte de Patrice Talon formulé au cours d’une interview à la RTB (Radiotélévision Béninoise) pendant la campagne de l’élection présidentielle de 2016.
« Vous savez très bien que dans de petits pays comme le nôtre, ce qui permet à un président en exercice d'être réélu, c'est sa capacité à soumettre tout le monde. Quand tous les députés sont à sa solde, quand tous les maires sont à sa solde, quand tous les élus locaux sont à sa solde, quand tous les commerçants le craignent, sont à sa solde, quand les partis politiques sont affaiblis, sont à sa solde, sa réélection est facile... Ne soyez pas sourds à ce que je dis : ce qui permet à un président d'être réélu avec assurance, ce qui assure la réélection d'un président, ce n'est pas son mandat, ce n'est pas son résultat, c'est la manière dont il tient les grands électeurs, c 'est la manière dont il tient tout le monde, c'est la manière dont personne n'est capable de lui tenir tête, d'être compétiteur contre lui. Quand vous n'avez pas de compétiteur, vous serez réélu »4
Cette sortie de Patrice Talon est géniale car elle formule explicitement avec un réalisme cru les pratiques informelles mais efficaces en usage dans tous les systèmes pouvoiro-affairistes. Elle indique avec pertinence la méthode par laquelle la colonisation des peuples africains par leurs gouvernants s’effectue. Jetez un coup d’œil dans les pays africains où les méthodes autocratiques sont appliquées et vous verrez que celles-ci ne relèvent que du talonisme non avoué. Patrice Talon a dit que sa méthode n’était applicable que dans de petits pays comme le Bénin. Que non. De grands pays africains comme le Zaïre de Mobutu, le Cameroun d'Ahidjo et de Paul Biya, la Côte d’ivoire d’Houphouët Boigny, le Soudan d’Omar El Béchir, etc., ont pratiqué ou pratiquent cette méthode.
La soumission politique de la société se fera par le parti unique (avant le multipartisme) ou dominant (depuis les années. 1990 de démocratisation), la transformation des forces de défense en forces de répression politique, l’embrigadement des élites : les intellectuels griots bardés de hauts diplômes deviennent des flagorneurs, la bourgeoisie buro-technocratique qu’on laissent s’enrichir par le pillage de la fortune publique, la bourgeoisie compradore qui s’enrichit pas toujours honnêtement dans l’import-export, les pseudo-opposants qui ne sont que des opportunistes roublards se singularisant par la création de partis politiques pour mieux négocier leur participation à la mangeoire gouvernementale, les élites traditionnelles transformées en auxiliaires de l’administration.

B) Le verrouillage du système électoral
C’est le premier instrument utilisé partout pour fausser les résultats des élections en faveur du chef de l’Etat ou de ses partisans. L’un des objectifs du système Talon d’assujettissement de toute la société politique est de contrôler le système électoral sur l’ensemble du territoire national. La collusion de l’Etat et du parti gouvernemental facilite les choses, soit que c’est le ministère de l’intérieur qui veille au grain par le cops préfectoral, soit que dans les échelons de vérifications des votes (au niveau local et national), des dispositions sont prises pour que les représentants du gouvernement et de son parti aient le dernier mot. Dans tous les pays pouvoiro-affairistes les choses sont organisées de la sorte. Dans beaucoup de pays pouvoiro-affairistes, les conflits post-électoraux se sont multipliés aboutissant dans les cas graves à des morts, des destructions matériels importantes, des guerres civiles. Les exemples les plus en vue ces dernières années seulement se sont produits en Côte d’ivoire en 2011 (guerre civile avec près de 3000 morts) au Kenya en 2012 opposant les tribus Kikouyou et Loua, au Bénin en 2019 avec la répression policière et judiciaire, au Cameroun après l’élection présidentielle de 2018, ponctuée par l’emprisonnement de Maurice Kamto, président du parti MRC et des centaines de ses militants.

C) Les révisions constitutionnelles
Le vent d’Est de démocratisation des années 1990 dans tous les pays d’Afrique Noire, a permis l’instauration de la limitation des mandats présidentiels. Mais celle-ci a été supprimée dans plusieurs pays avec réussite (Cameroun, Burundi, Côte d’ivoire, Guinée Conakry, Tchad, Rwanda, Congo Brazzaville, Togo) ou échec (Burkina Faso avec le renversement de Biaise Compaoré par une révolution populaire).
Les révisions constitutionnelles pour supprimer la limitation des mandats présidentiels sont généralement défendues par des intellectuels pouvoiro- affairistes organiques des partis au pouvoir. Leur argument préféré est que la non limitation de mandat est en vigueur dans la majorité des démocraties occidentales et que tant qu’un Président de la République a la confiance du peuple, il n’y a pas raison qu’il soit éjecté. Cet argumentaire ne tient pas compte des différences socio-politiques en Occident et en Afrique. En Occident la culture démocratique et républicaine a été appropriée depuis très longtemps par les peuples. De sorte que la légitimité électorale issue des urnes ne souffre que de contestations rarissimes. En outre en Occident l’expérience historique montre que les monarques qui régnent à vie ne gouvernent pas. Ce sont les premiers ministres qui sont les vrais chefs de l’exécutif, et ne durent pas très longtemps au pouvoir, en raison du caractère accaparant de leurs fonctions et du besoin de changement des électeurs. Leurs mandats dépassent rarement deux ou trois mandats de quatre ou cinq ans.
En Afrique la non limitation de mandat s’effectue dans un contexte pouvoiro-affairiste où les chefs d’Etat se cramponnent au pouvoir le plus souvent par la fraude électorale, la manipulation du tribalisme, la corruption, les répressions policière, judiciaire, fiscale, médiatique, administrative, les révisions constitutionnelles pour prolonger leur addiction au pouvoir personnel, et non dans l’intérêt du peuple et de l’Etat.

D) Les tentatives dynastiques
Parfois le désir de longévité au pouvoir se transforme en besoin de se pérenniser politiquement en organisant une succession en faveur d’un membre de la famille. En réalité ce besoin de succession dynastique est voulu le plus souvent par crainte de la vengeance de la masse des victimes de la malgouvemance, et aussi pour sécuriser les biens mal acquis. La succession dynastique a réussi en 2005 au Togo, un coup d’Etat ayant installé Faure Eyadema au pouvoir en remplacement de son père Etienne Eyadema. Ce scénario a aussi réussi au Gabon (mais sans coup d’Etat), Ali Bongo ayant remplacé son père Omar Bongo Odimba.

III Longévité au pouvoir et fin de règne chaotique
Une sorte d’issue fatale ponctue quasi-régulièrement les longs règnes de la gouvernance pouvoiro-affairiste. Celle-ci régnant par l’instrumentalisation du mal (autoritarisme politique, ethnisme tribaliste, corruption), ne porte que le chaos comme la nuée porte l’orage. Cet orage se signale d’abord par l’accumulation des nuages du désordre de la gouvernance, ensuite par la survenance des guerres civiles, et enfin le plus souvent par une fin de règne de déchéance de la fonction présidentielle.

A- Une gouvernance de désordre
Le chaos est le risque majeur qui s’installe en fin de règne des despotes pouvoiro-affairistes de longue durée. La caractéristique essentielle de cette période est que les possibilités physiques et mentales du chef sénile ne lui permettent plus de gouverner en personne. Il est atteint par l’usure de l’âge, des maladies, de la sénilité, hypertension, diabète, goutte, cancer, perte de mémoire et d’équilibre, sans compter les maladies opportunistes qui ne peuvent ne pas profiter d’un corps affaibli. La seconde caractéristique qui est alors fatale pour la gouvernance du pays, c’est que c’est l’entourage du despote, personnage diminué, qui gouverne.
Il n’y a plus de pilote dans le bateau et c’est chaque membre de l’entourage qui essaie de tirer son épingle du jeu. Il n’y a plus personne pour imprimer une direction, une vision claire et vigoureuse à l’action gouvernementale. Le personnage principal, qui porte à l’extérieur les décisions du despote devient le manitou du gouvernement. L’entourage fait tout pour que le despote croit qu’il gouverne toujours, et que le peuple le croit aussi. On a observé cela dans la Tunisie de Bourguiba, dans l’Algérie de Bouteflika alors que celui-ci, tombé en hébétude, n’était plus poussé que sur chaise roulante. On l’observe aujourd’hui au Cameroun où le chef de l’Etat est en confinement permanent et n’apparaît plus en public que sporadiquement, juste pour montrer qu’il n’est pas mort comme cela s’est répandu pendant un temps.
Il n’y a plus d’intérêt général, puisque le chef ne contrôle plus rien. On assiste médusé, au Cameroun, à l’aggravation de la corruption et des détournements faramineux de biens publics, qui glacent le dos du citoyen ordinaire, avec le nombre en augmentation exponentielle des prévaricateurs et des montants en milliards de francs CFA de leurs prises.
L’autoritarisme politique s’amplifie par les multiples atteintes des autorités publiques aux droits humains qui sont stigmatisées par les organisations des droits de l’homme, sans compter les interventions dénonciatrices de pays étrangers amis.
Des irrégularités administratives inadmissibles font le chou gras des journaux : manipulations des résultats des 'concours d’entrée à l’ENAM, à l’IRIC, démobilisation des membres du gouvernement et les intrigues de positionnement successoral qui ne peuvent que paralyser l’action gouvernementale et aboutir à des fiascos comme celui de la CAN (Coupe Africaine des Nation) 2019, reportée pour non achèvement des infrastructures sportives.

B- Les guerres civiles et fin indigne de la fonction présidentielle
Comme sorte de sanctions des dieux sur la longévité au pouvoir, la plupart des pays qui la connaissent vivent des fins de règne secouées par des guerres civiles. On dirait que celles-ci sont la rançon des despotismes de longue durée. Elles sont toujours provoquées par la sédimentation de la mal gouvernance qui, avec les frustrations qu’elle provoque au sein des populations, entraînent des révoltes et des explosions de colère, ne reculant plus devant la lutte armée. Le chaos de fin de règne se trouve amplifiée par ces guerres.
On passera en revue quelques situations qui ont marqué la cessation de fonction de longue durée de certains despotes africains.
1-Houphouët Boigny de Côte d’ivoire, après 33 ans de règne, a la chance de mourir sans perdre son aura, mais sa disparition est suivie pendant 18 années de lutte à mort entre cinq prétendant au pouvoir, ponctuées de la division du pays en deux zones, l’une contrôlée par les rebelles, l’autre par le gouvernement, avec de multiples massacres, une guerre civile post- électorale en 2011 causant 3000 morts.
2- Mobutu Sésé Seko du Zaïre, après 32 ans de pouvoir, est renversé par une insurrection armée et meurt en exil dans l’indifférence générale, laissant son pays plongé dans des troubles et à des chefs de guerre qui sèment la terreur dans l’Est du pays, avec plus de 6 à 8 millions de morts au début du XXIe siècle.
3-Etienne Eyadema du Togo, après 37 ans de pouvoir meurt, et sa succession est assurée par un coup d’Etat militaire qui installe son fils Faure Eyadema au pouvoir, dans un bain de sang qui envoie des réfugiés togolais dans les pays voisins.
3- Omar Bongo Odimba au Gabon, après 42 ans de pouvoir, a organisé sa succession par son fils Ali Bongo, qui devient Président de la République en 2009, à l’issu d’une élection truquée suivie de troubles postélectoraux qui se sont renouvelés en 2016 avec des destructions dont l’incendie de l’immeuble de l’Assemblée nationale.
4- Biaise Compaoré au Burkina Faso, après 24 ans de règne, est renversé en 2014 par une insurrection populaire, et se réfugie en Côte d’ivoire
5- Robert Mugabe du Zimbabwe, révolutionnaire qui a obtenu l’indépendance de son pays, est forcé de démissionner en 2018 par son armée, après plus de 30 ans de pouvoir.
6- Sékou Touré de Guinée Conakry, après 26 ans ans de pouvoir, meurt de maladie, mais est remplacé par un putsch militaire qui fait du général Lansana Konté le Président de la République, qui sera un grand dictateur comme son prédécesseur.
7- Ben Ali de Tunisie, après 24 ans de règne, est renversé par une insurrection populaire qui le pousse à s’exiler en Arabie Saoudite où il meurt, et son pays demeure traversé par une instabilité politique permanente.
8- Omar El Béchir du Soudan, après près de 40 ans de dictature islamiste est renversé en 2019 par une insurrection populaire qui le propulse en prison.
10- Au Cameroun, on voit ce que le pays est devenu après bientôt 40 ans du régime du RDPC du Président Paul Biya? D’un pays à revenu intermédiaire
11- est devenu PPTE (Pays Pauvre très endetté), avec une corruption (pourriture) de tous les compartiments de la société et une guerre civile en zone anglophone que l’autisme et l’inertie du gouvernement n’a pas permis d’éviter
L’ambition de la longévité au pouvoir apparaît comme la cause originelle des maux de la malgouvernance pouvoiro-affairiste. C’est elle qui pousse le gouvernant à instrumentaliser l’autoritarisme politique assujettissant tous les citoyens, à diviser pour régner par le tribalisme, à utiliser la corruption pour neutraliser les contestations ou acheter les opposants, à s’appuyer sur les forces étrangères pour contrer les oppositions internes. L’autocrate s’enfonce dans le cynisme, le machiavélisme. Il deviendra mégalomane, kleptomane, gabegique pour satisfaire un égo gagné par une démesure de quasi-divinité. Adieu au patriotisme, à l’humanisme puisque seuls comptent sa personne, son honneur et rien d’autre.
Si un peuple ne veut pas souffrir de sa colonisation par ses enfants, souffrir le gâchis, la catastrophe, la faillite de l’Etat, il ne doit jamais accepter la longévité au pouvoir. Car celle-ci transforme le gouvernant en fou de pouvoir, et se termine par le fiasco du pouvoir et du pays.
Daniel Tsessué,

Administrateur civil principal, ancien Diplomate
Notes
1 Pierre Péan, l'Argent noir, Ed. Fayard Paris 1988, p. 149
2 Ibid. p. 181.
3- Journal Jeune Afrique du 26 Novembre au 2 décembre 2017
4 Le Bénin de Patrice Talon, Léonce Houngbadji, Ed. Saint Honorée, 2019, p.9.