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L'Est colère!Les populations de cette région, nous dit-on, soutiennent inconditionnellement le Renouveau. Comme récompense, le Renouveau les maintient dans une misère abjecte, malgré leurs richesses et sa forêt qui fournit des billes de bois aux goinfres au pouvoir. Elles n’en peuvent plus.
Les populations de cette région, nous dit-on, soutiennent inconditionnellement le Renouveau. Comme récompense, le Renouveau les maintient dans une misère abjecte, malgré leurs richesses et sa forêt qui fournit des billes de bois aux goinfres au pouvoir. Elles n’en peuvent plus.
Dans le journal retrouvé sur lui, après son assassinat, Um Nyobe avait écrit : « j’ai rêvé que l’on abattait des arbres, mais ce n’était pas moi qui les abattais ». Les peuples de l’Est Cameroun se reconnaissent dans cette assertion qui exprime leur désarroi face à la spoliation de leurs ressources, à la misère matérielle et financière et à la marginalisation sociale, consécutives à cette dépossession dont ils sont victimes depuis la colonisation, qui s’est poursuivie sous Ahidjo et que perpétue encore aujourd’hui Biya. Est-il besoin de rappeler que sur les 23 millions d’hectares de forêt dont le potentiel ligneux est évalué à 2.65 milliards de m3, le Cameroun, en la matière, occupe le 2e rang mondial après la RDC. Ce statut, il le doit à l’Est qui détient 60% de la production. Faut-il souligner, le bois constitue le deuxième produit d’exportation représentant 30% des exportations, 8.3% des recettes publiques et 3.2% du PIB/an ? L’Est, c’est également le diamant de Mobilang, au sud de Yokadouma avec des réserves évaluées à 15000 carats, l’or de Bétaré Oya et le fer de Mbalam dont les réserves sont estimées de l’ordre de 200 millions de tonnes. Comment avec de telles richesses, et un tel niveau de contribution à l’économie nationale, l’Est peut-il croupir dans cette misère aussi abjecte et qui n’est pas, sans nous rappeler la sous-humanité des mineurs de Germinal de Zola. L’exploitation des richesses de l’Est a été toujours le fait des expatriés dont les complices ont toujours été les ministres et autres assimilés, du régime, le plus souvent enfants du terroir. Dans la grande prédation des ressources de l’Est, s’illustrent des noms assez connus du gotha des affaires et de la politique : les clans des Libanais Khoury, Hazim et Hajal Massad, des Malaisiens de la SESAM, des Italiens de Patrice Bois, des Américains de la SEDBC, et des Français Coron, Thanry, Pallisco, Rougier et Bolloré, etc., et les locaux : Franck Biya, Naah Ondoua, Amadou Ali, le général Asso’o dont le fils Jean-Claude dirige AVEICO, entreprise de papa, Bonaventure Assam Mvondo, Inoni Ephraïm, Jean Marie Aleokol dont les connexions avec Hazim et GEOVIC sont de notoriété publique, etc. L’essentiel des forêts et des terres arables appartiennent à ces privilégiés. C’est dire si dans ces conditions les populations peuvent encore faire de l’agriculture et se livrer à la chasse ou à la cueillette. Il n’y a pas de doute qu’elles sont condamnées à une mort lente, mais certaine. Et justement, avec les attaques des bandes armées centrafricaines, la mort est devenue imminente. Faut-il le dire, il y circule des armes depuis que les incursions des rebelles sont devenues récurrentes. Cette proximité naturelle avec la Centrafrique qui jusque lors était un non-État, et qui n’est pas toujours à l’abri des menaces de déstabilisation à cause d’antécédents, de tares et d’atavismes historiques, conjuguée avec la marginalisation économique historique, quasiment séculaire, des populations de l’Est, le régionalisme instrumentalisé et de mauvais aloi sur lequel le régime a assis sa politique, et la désolidarisation des masses profondes de l’élite locale, fait de l’Est un foyer à partir duquel le régime de Biya peut être déstabilisé à tout moment. La région est si délaissée que des étrangers centrafricains qui ont réussi à obtenir la nationalité camerounaise sont devenus des chefs des villages.
Tous les ingrédients sont réunis. L’explosion sociale est envisageable. Autrement dit, les difficultés que rencontrent les populations de l’Est peuvent aussi servir de catalyseurs, de mèches à partir de laquelle le feu peut embraser le Cameroun partirait. Ces facteurs internes peuvent également faire l’objet d’une manipulation externe bénéficiant de complicités locales et internes au régime, désireuse d’en finir avec un pouvoir qui n’aura que trop duré. On a eu le sentiment, dans le contexte sécuritaire que vit le Cameroun actuellement, que le front de l’Est à côté de celui de L’Extrême-nord, a été le lieu de l’expérimentation de la déstabilisation du pays.
Le régime de Biya n’a qu’à s’en prendre à lui-même. Lui qui est responsable de ce qui pourrait lui arriver, car à vouloir trop marginaliser une partie du pays et à y faire prospérer l’injustice sociale comme mode de gouvernement, il faut s’attendre un jour ou l’autre à ce qu’une déflagration parte de là pour faire exploser le pays. Comme un boomerang.
Tissibe Djomond.