Jeu politique pipé: source d'une déflagration sociale
La corruption des règles de jeu et la concurrence politique déloyale sont des catalyseurs de l’implosion sociale au Cameroun
Selon les épigones de la bonne gouvernance et de l’État de droit, une démocratie authentique suppose la vérification pratique d’un certain nombre de principes cardinaux pour s’en prévaloir. En premier lieu, la protection des libertés publiques et des droits individuels éminemment garantis par la constitution. Loin d’être taillée à la mesure du rang social ou du porte-monnaie de quelques citoyens et à distance des simples consécrations juridiques en trompe-l’œil, la démocratie au concret exige en second lieu, le respect des règles et procédures organisant la compétition politique, le recrutement administratif et les transactions économiques.
Mais un maquillage institutionnel proto-démocratique masquant allègrement l’injustice sociale, l’arbitraire et les enclaves autoritaires d’une tyrannie homicidaire dépérirait à n’en point douter les fleurons économiques et les poumons écologiques de son émergence potentielle. Un régime de communalisation et de sociation au sens Wébérien a donc besoin d’une affectuelle responsabilité des dirigeants, mais aussi d’une rationnelle éthique de la loyauté et de l’impersonnalité du service public pour agréger l’intérêt national et la Raison d’État aux aspirations singulières des populations. Cette éducation est souvent le propre d’une élite compétente et légitimée, puisque socialisée et choisie dans des creusets de culture patriotique. Au Cameroun actuel, et sans état d’âme dédié à l’avarice de l’Autruche, à la flagornerie politique, au nihilisme sectaire, au repli ethnique, identitaire et à la langue de bois partisane, il est difficile de retrouver ces vertus cardinales de la démocratie radicale, dans les procédures de passation des marchés publics, à l‘aune des concours administratifs, ou lors des contentieux électoraux opposant les partis lilliputiens au mastodonte candidat sortant/restant. Si la déclaration des Biens, l’application des décisions de justice et le refus de la mise en place effective de certaines institutions régaliennes à l’instar du Conseil constitutionnel et des régions trahissent l’inertie d’une gouvernance caméléon, ils dévoilent également les calculs stratégiques des fossoyeurs de la République et la boulimie de ces chasseurs de prime qui tirent encore abondamment les rentes de situation dans ce clair-obscur managérial. Dans ce régime, le pire qu’un damné de la terre ne saurait digérer dans son dénuement misérabiliste est sa castration syndicale et son bâillonnement par une tyrannie préfectorale interdisant toute réunion et manifestation publique non profitable au parti dominant.
Le seul visa de participation politique qu’un gouvernement démocrate lui reconnaitrait chez nous à l’ère de la gouvernance et des TIC n’est guère son insertion aux réseaux sociaux, mais plutôt sa passion exclusive pour le football, sa dépigmentation politique dans une église de réveil, sa servitude volontaire ou consentie dans l’applaudimètre du parti de la flamme et évidemment son exposition passive au bombardement médiatique de cette télé moscovite qui distille en boucle le mensonge d’État aux frais du contribuable.
Le Grand Soir
La « viciocratie » des règles et la concurrence déloyale comme facteurs de déflagration politique et d’implosion sociale traduisent les antagonismes de frustration entre ceux qui ont tout pris à l’État et qui torpillent l’ascenseur social, et ces jeunes désormais étouffés par le simulacre électoral d’un jeu politique pipé par le consortium administratif-Rdpc-Elecam. Elles traduisent le ras-le-bol de cette majorité silencieuse éprise de libertés, de justice sociale et de recrutement dans la fonction publique, mais dorénavant soucieuse d’expérimenter d’autres modes de participation politique non conventionnelle. Elles révèlent finalement l’avantage stratégique des uns et l’impuissance de ces acteurs politiques périphériques incapables de démocratiser le code électoral, de renverser les monopoles parlementaires, ou de normaliser le système judiciaire. En escamotant les normes et les référentiels du mérite et de la morale rétributive, il va s’en dire que la loi de loi, et le pays des réseaux occultes de pouvoir et d’affaires, des godasses et des trafics d’influence ont ruiné toutes les chances de paix sociale, de stabilité politique et de réconciliation nationale.
Si pour les administrateurs véreux qui se sont emparés de l’État et des ressources, la contestation d’un joug oppresseur est une absence de patriotisme , un manquement à la loyauté institutionnelle et une atteinte à la sureté de l’État, les laissés-pour-compte, les déshérités du régime et les parias dans une appréciation marxiste de ce discours démagogique quant à eux attendent le Grand Soir, le lieu et le moment de cette croisade historique pour faire triompher la justice et le printemps des libertés irréversibles.
R.E. Bonnemort