Vers une crise sociale majeure comme en février 2008
Les mesures annoncées d’ajustement structurel, l’augmentation du coût de la vie risquent d’être le carburant d’une crise sociale majeure, 9 ans après le soulèvement populaire d’une rare violence de février 2008. Si rien n’est fait..
Selon la loi de finances votée et promulguée par le président de République, la vie sera de plus en plus chère au Cameroun en 2017. Des mesures fiscales et douanières qui s’y trouvent devraient permettre au cours de cette année de couvrir l’enveloppe budgétaire fixée à 4373,8 milliards de FCFA, à condition que le prix du baril de pétrole soit de 40 dollars (avec au moins 600 FCFA pour un dollar) ; que l’inflation soit maintenue autour de 3% ; qu’un déficit du compte courant soit de 3,6% et que le déficit budgétaire global soit de 3,3% du PIB. Les pouvoirs publics voudraient aussi atteindre l’objectif de 6% de croissance au cours de cette année budgétaire afin de satisfaire le Fonds monétaire international (FMI) qui exige que le déficit budgétaire soit ramené à 1,5%. C’est pourquoi le gouvernement a décidé de ratisser large ou d’élargir l’assiette fiscale pour renflouer ses caisses. Ainsi pas moins de 34 mesures fiscalo-douanières lui permettront de renflouer ses caisses afin d’attendre le montant de 4373,8 milliards de FCFA. Entre autres mesures, de l’institution d’un statut d’opérateur économique agréé qui astreint au civisme fiscal; l’institution d’une taxe de séjour variant de 5000 à 500 FCFA par nuitée selon le standing de la structure d’hébergement; la soumission à l’Impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) des appartements meublés à usage de location; l’augmentation du prix du timbre communal qui est passé de 200 à 600 FCFA pour les papiers format A4 et de 400 à 1000 FCFA pour les formats supérieurs; l’augmentation de la taxe spéciale sur les produits pétroliers (110 FCFA sur le litre de super et 65 FCFA sur le litre de gasoil) ; la taxation de l’exportation des plantes médicinales, avec un taux de 2% imposé au droit de sortie; l’assujettissement des véhicules de plus de 10 ans aux droits d’accises pour lutter contre la pollution et contribuer à la sécurité des routes; la réintroduction des droits de taxe et de douanes sur l’importation du clinker (matière première utilisée pour la fabrication du ciment) et le riz (TVA à 19,25%) ; l’augmentation de 17,5% à 20% du droit de sortie sur le bois en grume pour encourager la transformation locale; etc.
Ces mesures impactent directement sur le coût et la qualité de la vie et se traduisent par l’augmentation des prix des denrées sur le marché. Cette hausse des prix avait commencé en 2016, année au cours de laquelle durant les neuf premiers mois le taux d’inflation se situait autour de 1,1%. Selon l’Institut national des statistiques (INS) « les prix à la consommation finale des ménages enregistrent une hausse de 1,1% au cours des neuf premiers mois de 2016 contre 3,0% sur la période il y a un an. En moyenne sur les douze derniers mois, l’augmentation se situe à 1,2%. La hausse enregistrée au cours de ces douze derniers mois provient en grande partie de la flambée de 5,4% des prix des boissons alcoolisées et tabacs, de 4,1% de ceux des services de restaurants et hôtels et de 1,7% de ceux des produits alimentaires et boissons non alcoolisées. En effet, les prix des bières ont connu des hausses comprises entre 50 et 100 FCFA. Les sociétés brassicoles répercutant ainsi la taxe d’assise introduite sur les boissons alcoolisées dans la loi de finances 2015. La hausse des prix des services de restaurants et hôtels a été impactée par ces augmentations des prix des bières industrielles. Par contre, il est à noter que les tensions observées sur les prix des transports il y a un an avec la révision à la hausse de 15% des prix à la pompe des carburants à compter du 1er juillet 2014 se sont estompées ; c’est ainsi que le 1er janvier 2016, le prix des produits pétroliers ont enregistré une baisse (le litre de l’essence super est passé de 650 FCFA à 630 FCFA et celui du Gasoil de 600 à 575 FCFA) ».
C’est dire si le Cameroun n’atteindra pas les objectifs de réduction de la pauvreté fixés par les Nations unies dans le cadre des Objectifs du millénaire pour le développement. Ce n’est pas pour bientôt que Paul Biya à 85 ans sonnés, dont 35 passées au pouvoir, apportera la prospérité promise aux Camerounais. Dans les premiers résultats de la quatrième Enquête camerounaise auprès des ménages (ECAM 4) DE 2014, on peut d’ailleurs lire : « Sur la base d’un seuil de pauvreté monétaire de 339 715 FCFA par an, soit 931 FCFA par jour par équivalent adulte, calculé à partir des dépenses de consommation finale des ménages, l’incidence de la pauvreté se situe à 37,5% en 2014, contre 39,9% en 2007. En rappel, ce taux était de 40,2% en 2001 et 53% en 1996. Cette baisse modérée de 2,4 points de pourcentage est en deçà du rythme préconisé dans le Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi (DSCE) et ne permet pas d’atteindre l’Objectif de réduire de moitié la pauvreté à l’horizon 2015 suivant l’Agenda des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). Cette baisse de la pauvreté est mitigée, car si l’incidence de la pauvreté recule en milieu urbain, elle augmente plutôt en milieu rural. Le défi est grand, surtout qu’en même temps et du fait de la pression démographique, le nombre de pauvres a augmenté, passant d’environ 7,1 millions en 2007 à 8,1 millions en 2014. Dans ce contexte, c’est plutôt une incidence de la pauvreté inférieure à 32% qui aurait pu permettre d’inverser la tendance. En outre, les disparités de niveaux de vie se sont accentuées, d’une part, entre les milieux urbain et rural, et, d’autre part, entre les pauvres et les non-pauvres. À titre d’illustration, en 2014, les 20% des ménages les plus riches consomment 10,1 fois plus que les 20% les plus pauvres ; alors que ce ratio était déjà élevé et se situait à 7,5 en 2007. »
Si on tient compte des efforts d’ajustements sur les plans intérieur et extérieur assortis des reformes structurels adéquates recommandés par les chefs d’État lors du dernier sommet extraordinaire des chefs d’État de la Cemac tenu à Yaoundé le 23 décembre 2016, on peut affirmer sans risque de se tromper le nombre de pauvres ira crescendo et que les prix continueront de flamber sur les marchés. Car pour beaucoup de Camerounais l’ajustement structurel, c’est-à-dire un ensemble des mesures prises contraignant les pays à modifier la structure de leur économie pour tendre vers une structure plus efficace aux yeux des bailleurs de fonds, rime avec mesures draconiennes telles que : augmentation des impôts et la douane, réduction du pouvoir d’achat, hausse du coût de la vie, licenciement massif, réduction des salaires, réduction de la construction des routes, des écoles et des hôpitaux, etc.
Visiblement, 9 ans après le soulèvement populaire d’une rare violence, survenu les 25-28 février 2008 au Cameroun, les problèmes sociaux des Camerounais sont restés les mêmes. Il n’est pas exagéré d’affirme que l’on s’achemine vers un remake de février 2008. Les mêmes causes risquent de produire les mêmes effets, si rien n’est fait.
Ikemefuna Oliseh