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Crise anglophone et échecs des mouvements sociaux protestataires: A qui la faute? - Les voies de sortie démocratiques

Crise anglophone et échecs des mouvements sociaux protestataires: A qui la faute? - Les voies de sortie démocratiques

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Index de l'article
Crise anglophone et échecs des mouvements sociaux protestataires: A qui la faute?
La République en haillons !
Crise anglophone ou 31 ans d'échec de la politique d'intégration nationale
Des erreurs stratégiques qui plombent la Lutte pour le changement!
Les voies de sortie démocratiques
Du pareil au même
Joshua Osih: Une entourloupe périphérique inefficace
La faute à certains médias
Mathias Eric Owona Nguini: Construire des mouvements sociaux d'envergure nécessite une expertise
Crise anglophone et stratégie de diabolisation
Toutes les pages

Les voies de sortie démocratiques
Désormais l’écrasante majorité des Camerounais, y compris dans le RDPC, est consciente du fait que nous sommes obligés tous ensemble de tourner le dos à cinquante ans de politique de la terre brûlée pour construire une coexistence productive.
Or celle-ci n’est possible que par l’exercice égalitaire des droits et devoirs attachés à la citoyenneté, le règne non discriminatoire de la loi, la justice socioéconomique, la participation au développe- : ment du pays en fonction des capacités et non de l’appartenance à des groupes ou cercles plus ou moins nébuleux. Ces conditions minimales peuvent difficilement être remplies sans une refonda¬tion patriotique et populaire de la souveraineté. La faillite du “tripode” autoritaire étant devenue indéniable, un nouveau pacte national est indispensable pour mettre fin aux crises organique, hégémonique et de légitimité de l’Etat-politique-du-ventre que l’autocratie n’a fait qu’aggraver. Le point de passage est la finalisation du processus de démocratisation qui est actuellement bloqué à sa phase initiale, celle d’ouverture.
Il appartient au président Biya d’exercer les pleins pouvoirs dont il dispose pour enclencher les deux phases restantes : libéralisation effective et consolidation. Il doit profiter du sursis pour éviter que sa succession ne finisse par être plus sombre et meurtrière que celle de son « illustre prédécesseur ». Car le pays continue de payer trop cher les travers qui ont compromis l’intention affichée par M. Biya de démocratiser la vie politique dès le milieu des années 1980. Le putsch d’avril 1984, coup le plus dur jamais porté aux institutions de la République, est un produit direct du triangle équila¬téral. L’impéritie entretient en effet une illusion de résistance à la loi d’airain de la continuité institutionnelle par-delà le passage des hommes.
Même si M. Biya a mal hérité et assumé, il reste pourtant une place pour lui au panthéon de la nation. Il pourrait s’adjuger celle du réformateur qui, malgré un héritage difficile, aura initié la transition. A l’horizon 2018, le président a encore la possibilité de réaliser son rêve d’entrer dans l’histoire comme celui qui, au milieu des incertitudes, a engagé son pays sur la noble voie de la démocratie. Il doit pour cela s’efforcer de remplir certaines conditions dans l’étroite fenêtre d’opportunité encore ouverte. Tentons ici un modèle-type (ajustable donc) de scénario de sortie honorable.
Le président pourrait d’abord engager, par des ajustements dans l’appareil militaro-sécuritaire, politique et administratif, une campagne de discipline républicaine visant à banaliser sa succession et la question de l’ethnie d’origine du prochain président, quelle qu’elle soit. Concomitamment, mettre sur pied une stratégie d’alternance protégeant ses arrières. Le deal pour y arriver peut s’articuler ainsi : le parlement initie à l’unanimité une proposition de loi portant amnistie pour le président et sa famille nucléaire, stipulant que la promulgation de ladite loi d’amnistie emporte engagement à préparer sa succession et organiser des élections libres à la fin de son mandat en cours. La loi entre en application avec la prestation de serment du nouveau président. A ce moment, le président Biya se retire avec le titre de président honoraire qui l’engage à renoncer à toute initiative ou activité politique. Il ne prodiguera de conseil à son successeur que sur demande.
En échange, le président s’engage à prendre toutes les dispositions qui s’imposent pour l’organisation d’élections libres et transparentes en 2018, notamment la mise sur pied d’une commission électorale indépendante et la neu¬tralisation de tout élément perturbateur parmi la pléthore d’aspirants “dauphins” corrompus de sa cour, ancienne ou actuelle. A ce niveau, deux pistes s’ouvrent : laisser simplement le jeu des institutions suivre son cours ou accélérer le processus de consolidation.
Dans ce dernier cas, le président initie un projet de loi portant consensus national de salut public, avec des dispositions de ce type :
1) pour consolider le processus démocratique et instaurer rapidement une culture d’alternance pacifique, le prochain président assurera un, seul mandat, intérimaire, de sept ans ;
2) il consacrera ce mandat aux réformes, à l’arasement des dernières poches de corruption et de lourdeur administrative ainsi qu’aux efforts pour approcher le pays des objectifs du Millénaire (lutte contre le Sida, éducation, réduction de la pauvreté, etc.) ;
3) il procédera en arbitre à une réforme consensuelle des institutions centrée sur une révision bien préparée de la Constitution ;
4) devront impérativement être inscrite dans la nouvelle Constitution : l’élection présidentielle à deux tours, la durée du mandat présidentiel fixée à cinq, voire quatre ans renouvelables une fois, etc. ;
5) le consensus de salut public aura force de loi et la signature de l’engagement à respecter sera une condition d’éligibilité à la présidence de la République ;
6) toute entorse au consensus par le président élu représentera un acte de haute trahison passible des peines prévues à cet effet ;
7) le président devra gouverner sur la base de principes méritocratiques et de réconciliation pour mettre fin une fois pour toutes à la gouvernance des “élites” “tribales” ; à cet effet, il créera un fonds de financement des projets de développement des régions supervisé et contrôlé par le Sénat, etc.
Assurément, la jeunesse camerounaise pardonnerait tout au président et le porterait même en triomphe s’il opérait ce type de tournant à 180° pour la sécurité future du peuple camerounais. Elle l’inscrirait sûrement dans sa liste de héros nationaux. La question qui se pose est simple : le veut-il ?
Jean Eudes Biem
Chercheur
Ecole normale supérieure, Paris
Source : Le Jour du 17 novembre 2016