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Catastrophe ferroviaire d'Eséka: ces vérités cachées

Catastrophe ferroviaire d'Eséka: ces vérités cachées

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Index de l'article
Catastrophe ferroviaire d'Eséka: ces vérités cachées
Paul Biya, l'aloi du silence et de l'opacité
Edgar Alain Mebe Ngo'o: La Faute
Camrail, principal responsable
Camrail récuse les experts requis
Ces certificats médicaux éthiquement corrects de Camrail
De quoi Camrail a-t-elle peur?
Benoît Essiga: ''Tous les aspects doivent être questionnés''
Me Michel Janvier Voukeng: Le piège des indemnisations du Transporteur selon le Code Cima et les Smig
L'accident du Cameroun révèle les défaillances des trains exploités par Camrail
Toutes les pages

Commission d'enquête alimentaire
La ficelle est grosse, trop grosse même. Chaque fois qu’il se produit une catastrophe qui frappe l’imaginaire et l’imagination des Camerounais, Paul Biya, pour calmer les esprits, se précipite et annonce la création d’une commission d’enquête. Quelquefois, ce sont des députés qui décident de créer une commission d’enquête alimentaire, pardons parlementaire, dans l’optique d’analyser les circonstances dans lesquelles la catastrophe s’est produite et de tirer les leçons et les conséquences qui s’imposent.
Plusieurs commissions d’enquête ont déjà été mises sur pied, notamment dans les affaires Cellucam, Uccao, Sodecoton, pour ne citer que celles-là, ou après la survenance des catastrophes dont entre autres, la catastrophe de Sam, le lac Nyos. Des rapports n’ont jamais été rendus publics.
Volonté délibérée de maintenir les Camerounais dans l’opacité, ou stratégie de gestion des affaires publiques sans susciter la peur, les inimitiés, ou enfin ruse de l’homme-lion pour tenir les coupables, en laissant planer sur leur tête une sorte d’épée de Damoclès ? Personne ne peut donner une réponse précise à cette question. Toutes les hypothèses sont envisageables.

Car, il faut le dire, Paul Biya est un homme rusé.
Après la catastrophe ferroviaire survenue à Eséka, il a encore mis sur pied une commission d’enquête qui avait 30 jours pour déposer sur sa table son rapport. Parallèlement, des enquêtes judiciaires et administrations et judiciaires ont été ouvertes. Les experts requis pour mener ces enquêtes ont déjà déposé leurs rapports dans lesquels il est clair que la société Camrail est le principal responsable de ce carnage.
Les délais impartis par le président de la République sont largement dépassés. Les Camerounais attendent le coup de tête présidentiel qui tarde à venir. Paul Biya reste égal à lui-même. Son unité de temps est l’année géologique
Tout comme certaines victimes attendent toujours d’être indemnisées à la hauteur des préjudices subis. Pendant ce temps, la société Camrail jongle avec les assureurs et fait croire aux victimes que le fronteur Activa est son assureur, son objectif étant de les faire tomber dans le piège des indemnisations du Transporteur par le Code Cima et les Smig. La machination est cousue de fil blanc. De sorte que même les aveugles voient.
Paul Biya, réveille-toi. Écoute le sang des innocents qui a coulé à Eséka.


Paul Biya, l'aloi du silence et de l'opacité
Sous le Renouveau, le Cameroun a connu toute sorte de crimes, d’incendies, de coups de vol, etc. Mais, tous n’ont toujours pas été élucidés. Pourtant, des commissions d’enquête ont toujours été créées. Tout semble se passer comme si cela était voulu par le régime de M. Biya qui a fait de l’opacité sa règle de gouvernance.

Une fois de plus, Paul Biya a promis, juré sur la tête de nos ancêtres. S’adressant à ses compatriotes, le 31 décembre 2016, à l’occasion de la fin d’année 2016 et du Nouvel An 2017, il rappelle : « Au moment où l’année 2016 s’achève, je ne saurais oublier le deuil qui, de façon inédite, a frappé notre pays, lors de la catastrophe ferroviaire survenue à Eséka. C’était un moment de grande douleur pour la nation entière. Notre peuple a su faire preuve de solidarité dans ce drame. L’enquête approfondie que j’ai prescrite dira la vérité. J’en tirerai les conséquences, je m’y suis engagé ». Ce n’est d’ailleurs pas pour la première fois qu’une telle promesse est faite aux Camerounais. Plusieurs catastrophes ont jalonné l’histoire du Cameroun. Des commissions d’enquêtes, quelquefois alimentaires, ont souvent été mises en place. Les rapports ont été rédigés et transmis au chef de l’État. Ils dorment au fond de ses tiroirs.
Août 1986. Des dizaines de centaines de compatriotes du Nord-Ouest perdent la vie, après avoir inhalé un gaz toxique. Même les animaux n’avaient pas pu résister à la toxicité de ce gaz mortel. Les aides et autres assistances des pays amis n’avaient pas pu faire taire les rumeurs des plus naïves au plus pernicieuses. Pendant que certains évoquaient une émanation de gaz du fond du Lac Nyos qui jouxte le village, d’autres poussaient l’impertinence jusqu’à croire que ce qui arrive à ces populations est le résultat des essais des bombes nucléaires… Une telle inflation dans les supputations se justifie par le retard et même l’absence d’une bonne communication autour d’un évènement aussi grave. On peut donc penser que la commission d’enquête créée n’avait pas servi à grand-chose. Mais, les pouvoirs sont presque restés de marbre.  
Autre évènement malheureux, même attitude. Le 14 février 1994, le quartier Nsam à Yaoundé vit un drame : des dizaines de Camerounais sont calcinés dans un incendie au moment où ils étaient en train de puiser du carburant des citernes tombées suite au déraillement des wagons d’un train. Au-delà des larmes, de la prise en charge des sinistrés et leurs familles, après le déguerpissement des populations environnantes, l’on s’attendait à ce que les autorités de Yaoundé rendent publics les résultats de l’enquête de la commission mise sur pied par le président de la République. Malheureusement, les Camerounais ne savent pas encore exactement ce qui s’était réellement passé au quartier Nsam ce jour ; tout comme ils ignorent encore quelles sont les responsabilités des uns et des autres et par conséquent, les sanctions y afférentes.
Dans la liste des sinistres qu’a connus le Cameroun ces dernières années figure en bonne place l’explosion de la poudrière du quartier général à Yaoundé. Là aussi des rumeurs de coup d’État sont allées bon train, et la commission d’enquête créée à cet effet semble n’avoir été qu’un décor formel puisque ses résultats n’ont jamais été rendus publics. Les Camerounais ne savent donc pas exactement ce qui s’était passé en 2002. Bien sûr, les questions militaires sont très sensibles, mais pourquoi avoir informé l’opinion de la création d’une commission d’enquête pour faire la lumière sur cet incendie ?
Dans cette affaire, comme dans bien d’autres, à l’instar de l’incendie du palais de verre de Ngao Ekellé, des marchés de Bafoussam, Douala, Ngaoundéré, etc., des coups de vols répétés dans les ministères, des crimes de sang, etc., où des Commissions d’enquête sont créées, l’opacité arrange le gouvernement, puisqu’il est difficilement acceptable que l’on promette de faire la lumière sur une chose, et que l’on s’obstine à entretenir le flou l’obscurité et le flou qui sont entretenus.

Mépris et arrogance
Il n’y a pas mille manières de mépriser un peuple au nom duquel l’on prétend tirer sa légitimité lorsqu’on n’est pas capable ou que l’on refuse délibérément de mettre à sa disposition la vérité, celle qui n’est pas travestie dans l’intérêt de ceux qui gouvernent. Quand les intérêts de la République sont menacés par des actes irresponsables, ou lorsque les contours d’un incendie, par exemple, échappent encore à la compréhension de l’opinion que peut et doit attendre le peuple du gouvernement ? Il est évident qu’il n’y a que la vérité et non des entourloupes que ce peuple attend.
Au Cameroun, on a le sentiment que la valeur éthique du peuple ne préoccupe pas assez l’oligarchie gouvernante. Sinon, comment comprendre que l’on n’ait jamais rendu publics les résultats de l’enquête d’une commission, pourtant créée pour non seulement comprendre et éclairer le citoyen, mais aussi pour penser des mesures correctives, voire participatives. Au lieu de s’acquitter de ce devoir républicain, le gouvernement a toujours préféré jouer la carte de la langue de bois, celle qui consiste à invoquer le caractère sensible et stratégique d’une information pour ne pas la mettre à la disposition des Camerounais. D’ailleurs nombreux sont les Camerounais qui ont plus qu’une simple conviction, presque la certitude qu’au pays de Paul Biya, une commission d’enquête est synonyme d’opacité autour d’une affaire. La conséquence d’une telle attitude est simple : c’est qu’en l’absence d’une information officielle fiable, le cancer social appelé rumeur enfle et se métastase au sein de l’opinion. Espérons simplement qu’un jour viendra où le jour se fera sur toutes ces affaires obscures. Et que Paul Biya tiendra parole, en tirant toutes les conséquences de la catastrophe ferroviaire, où officielle le train de la mort a emporté 81 vies humaines. We don’t lose anything to wait
Maheu


Edgar Alain Mebe Ngo'o: La Faute
Ses détracteurs parlent de faute professionnelle, ses admirateurs d’une simple communicationnelle et une certaine opinion de faute communicationnelle. En réalité, il s’agit de tout cela à la fois. Parce qu’il voulait profiter d’une situation pour se projeter au-devant de l’actualité et tirer les dividendes politiques éventuelles, Edgar Alain Mebe Ngo’o, Ministre des Transports, avait, sur les ondes du poste national, le 21 octobre 2016 à 13, commis une faute politique et communicationnelle irréparable, en déclarant : « J’ai prescrit à Camrail, compte tenu de la gravité de la situation, de mettre en oeuvre des mesures spéciales additionnelles pour accroitre la capacité de ce train. »
Après avoir pris conscience de ce grave manquement, il tentera, sans convaincre grand monde, de se rattraper sur les ondes de Rfi de se rattraper en affrimant que :
 « Ce n’est pas la première fois que Camrail est sollicitée pour augmenter le nombre de voitures », et d’ajouter : « La gare de Yaoundé était déjà prise d’assaut par plus de 2000 personnes qui voulaient absolument se déplacer en direction de Douala. Donc, finit-il par se dédouaner, la décision d’augmenter le nombre de wagons a été prise en interne par les autorités de Camrail». Avant de se défendre : « Ce n’est pas la peine de chercher des boucs émissaires du côté du gouvernement. Encore une fois, il est prématuré d’imputer quelque responsabilité que ce soit à tel ou tel responsable. Il vaut mieux attendre que les enquêtes puissent nous édifier ».
Même la déclaration de Polycarpe Essomba sur les onde de Rfi, le 4 novembre 2016, selon laquelle « [...] Le directeur général de Camrail, selon des indiscrétions proche de l’enquête, a souligné devant la commission d’enquête que la décision d’ajouter des wagons à ce train avait été prise en interne et suggéré au ministre des transport pour pallier la situation de quasi crise occasionnée par l’afflux de passagers [...] », sera perçue comme une stratégie de communication visant à disculper Mebe Ngo’o.
D’autant plus que, le 24 octobre 2016, sur les ondes de Rfi,   le président du conseil d’administration de Camrail, Hamadou Sali, avait affirmé: « Une enquête judiciaire, une enquête administrative, une enquête technique ont été ouvertes, affirme Hamadou Sali. Ces enquêtes vont permettre de déterminer les responsabilités. Il y a eu un problème, on nous a saisis, on a mis les dispositifs que nous mettons toujours en place. Le système de freinage a été contrôlé. La base de Douala a été saisie, a donné son ?OK? après ces vérifications. Ce qui est fait tous les jours donc je ne voudrais pas polémiquer. »
La ficelle était trop grosse. Et Polycarpe Essomba avait oublié qu’il n’y a pas de crime parfait et que le diable se trouve souvent dans les détails.
Jean-Bosco Talla


Camrail, principal responsable
Tous les experts requis dans le cadre des enquêtes administratives et judiciaires sont unanimes: l’entreprise Camrail est le principal responsable de la catastrophe ferroviaire survenue le 21 octobre 2016. Les défaillances techniques et les erreurs humaines sont pointées du doigt. Les responsabiités sont établis à différents niveaux.
Après la Catastrophe ferroviaire survenue à Eseka le 21 octobre 2016, plusieurs enquêtes administratives et judiciaires avaient été ouvertes. A ce jour, les résultats de ces enquêtes n’ont pas encore été rendus publics. Un coup d’œil sur certains rapports permet de prendre connaissance des conclusions. Les conclusions des différents rapports que nous avons consultés sont sans appel. Elles pointent toutes la responsabilité de la Camrail dans la survenue de ce carnage.
Deux exemples de rapports d’enquêtes administratives et judiciaires permettent  de mieux apprécier la situation. La conclusion est sans nuance dans l’un des rapports d’enquêtes techniques consultés et rédigés selon un  expert camerounais, « suite aux constatations directes sur le terrain ; à l’exploitation minutieuse des documents authentiques reçus et aux entretiens formels avec les personnes concernées ». Benoït Essiga, expert, requis par les autorités compétentes, conclut son rapport en pointant du doigt « la responsabilité totale et entière de la Camrail dans la catastrophe ferroviaire du 21 octobre 2016 à Eseka. Les causes ayant occasionné ce drame peuvent suffisamment venir en appui à cette conclusion. Ces causes sont notamment synthétisées au point VII du présent rapport :
- Formation d’un convoi surchargé en violation du tonnage et des capacités prescrites ;
– composition de la rame avec adjonction de voitures ayant parcouru plus de 600 KM, sans vérification fiable de leur état en site approprié par les services compétents ;
- freinage défaillant de 13 voitures de voyageurs sur un total de 17 voitures ;
– mise hors service, par les services d’entretien de Camrail, du frein rhéostatique de la locomotive ;
- absence d’un système efficace de vérification sérieuse de la continuité de freinage de la rame avant son départ de Yaoundé ;
- non prise en compte, par la Direction technique de Camrail, des réserves émises par les conducteurs sur les défaillances des matériels roulants.
Conformément à la mission qui leur était impartie, les experts du Cabinet Cerutti se sont rendus sur les lieux du sinistre, ainsi que dans les locaux de la société Camrail, et dans les services de la police judiciaire où, étant en présence des personnes informées, ils ont procédé à leurs premières conclusions d’expertise. Leurs conclusions ne s’éloignent pas de celles de Benoït Essiga.
Sur la base des constatations effectuées et des éléments qu’ils ont pu réunir à ce stade de leurs enquêtes, leurs premières conclusions sont les suivantes :
- les conditions météorologiques relevées par les services officiels le 21 octobre 2016 ne sont pas à l’origine de l’accident ;
- l’État de la voie ferrée de la ligne Yaoundé-Douala n’est pas en cause ;
- le sinistre survenu le 21 octobre 2016 en gare d’Eseka est la conséquence d’une accumulation d’erreurs et de négligence, à savoir :
formation d’un convoi surchargé ;
- le freinage défaillant de 12 voitures de voyageurs CSR sur un total de 16 voitures ;
* neutralisation par les services d’entretien de Camrail du frein rethéostatique de la motrice;
* absence de vérification sérieuse de la continuité de freinage de la rame avant son départ de Yaoundé ;
* non prise en compte par la direction technique des réserves émises par le conducteur.
Pour les experts ayant produits des rapports techniques, dans cette catastrophe le facteur humain a joué un rôle déterminant. On comprend pourquoi, l’un d’eux a établi la chaine des responsabilités qui va du directeur général de la Camrail au conducteur, en passant par le directeur des transports, le directeur mobirail, le Coodex centre, le permanent d’exploitation. Certaines sources affirmations soutiennent, à tort ou à raison, que certains responsables de Camrail sont interdits de sortie du territoire national.
Bonnemort


Camrail récuse les experts requis
Les rapports des experts requis dans l’optique de faire la lumière sur les circonstances de la catastrophe survenue à Eséka, le 21 octobre 2016, ont été remis à la société Camrail. Dans ses observations, cette entreprise récuse les experts et recommande une expertise internationalee.
Comme il fallait s’y attendre, dans ce qui est aujourd’hui convenu d’appeler « affaire de la catastrophe d’Eséka. », la société Camrail ne veut pas se laisser compter. Après avoir été notifiée, le 9 décembre 2016, de quatre rapports d’enquêtes techniques (les « Rapports ») établis par les experts commis dans le cadre des enquêtes administratives et judiciaires suite à l’accident d’Eséka du 21 octobre 2016 (L’ « Accident »), elle a transmis ses observations à qui de droit, en réponse aux Rapports de Monsieur Benoit Essiga, du Cabinet Cerutti, de Monsieur Marcel Ekoka et de Monsieur Samuel Billong (conjointement les « Experts »)
C’est vraisemblablement, comme le reconnaissent les responsables de cette société, dans un souci d’objectivité et de recherche de vérité sur les circonstances de l’Accident, que ces rapports leur ont été communiqués,
Selon les responsables de cette société et « à titre liminaire, la Commission Interne se doit de noter que : - Trois des Experts ayant produits les Rapports, à savoir Monsieur Essiga, Monsieur Billong et Monsieur Ekoka, sont d’anciens salariés de Camrail. Et sont directement impliqués dans des procédures judiciaires à l’encontre de Camrail; une telle situation étant de nature à entacher irrémédiablement l’impartialité de ces derniers et ayant justifié les demandes de récusation adressées par Camrail ;
Par ailleurs et sans connaissance du mandat donné aux quatre Experts (indépendance ou travail conjoint) qui ont présenté des documents différents, la Commission Interne signale de fortes similitudes de certains paragraphes rigoureusement identiques dans leurs rédactions entre les Rapports de Monsieur Essiga et du Cabinet Cerruti; indiquant ainsi une concertation et/ou une rédaction conjointe de ces deux Rapports. Compte tenu de la partialité établie de l’Expert Monsieur Essiga, une telle hypothèse est de nature à remettre fortement en cause l’Indépendance du Cabinet Cerruti, aucune force probante ne pouvant dès lors être attachée aux conclusions développées par ce dernier.
De manière générale, sur les quatre Rapports, la Commission Interne relève de très nombreuses affirmations « libres non étayées par des éléments techniques et/ou reposant sur des impressions ou des témoignages non démontrés ou non identifiés dans les Rapports. Une terminologie souvent non technique à caractère rédactionnel (« train fou », « train disloqué », « danger public », etc.) ne favorise pas l’analyse objective et factuelle nécessaire. La Commission Interne s’est efforcée dans le temps imparti de signaler à chaque fois les assertions non démontrées, les approximations techniques et les erreurs manifestes sur lesquelles apposent de nombreuses présomptions de cause puis de responsabilités décrites dans les Rapports ».
Sur les conclusions des experts, la société Camrail estime qu’en l’état, aucune chaine de responsabilité ne peut être établie. Aussi, pense-t-elle que les recommandations proposées par les experts paraissent injustifiées. C’est pourquoi elle souhaite vivement qu’une expertise internationale soit mise en place.
Après avoir pris connaissance des observations de Camrail, les experts contactés ont déclaré avoir maintenu leurs conclusions.
Bonnemort

 


es certificats médicaux éthiquement corrects de Camrail

Camrail a causé un préjudice aux tiers lors de la catastrophe ferroviaire d’Eseka. Curieusement, ce sont les médécins qu’il emploie, autrement dit dépendants, qui ont délivré des certificats médicaux aux victimes qu’il doit indemniser. On en perd son latin, dans cette affaire.
Quand un sinistre se produit ou survient quelque part, dans une entreprise, une question cruciale revient à l’esprit. L’entreprise qui est victime ou qui a subi un préjudice a-t-elle souscrit une police d’assurance ? Si oui, dans quelles conditions ? Ces questions soulèvent le problème des indemnisations des victimes ou des sinistrés. Les réponses données à cette question permettent de connaitre qui doit réparer les préjudices causés ou subis à un tiers en cas de sinistre. Selon Me Oumarou, « tout le monde, je veux parler des personnes physiques et/ou morales, devrait souscrire une police d’assurance. Comme vous le savez, la police d’assurance, appelée dans la pratique contrat d’assurance, est un document officiel qui matérialise l’accord passé entre une personne physique ou morale et son assureur. La police d’assurance d’une personne comprend au minimum des conditions générales et des conditions particulières. Comme vous pouvez lire partout, même sur Internet, en échange du versement d’une prime unique ou de plusieurs primes, l’assureur fournit une prestation donnée lorsque le risque couvert contractuellement se produit. Le contenu précis de cette prestation dépend du type de contrat. Vous comprenez pourquoi, il est important que toutes les entreprises sérieuses, surtout celles qui font le transport ou exposent les travailleurs à des risques réels ou potentiels souscrivent une police d’assurance avec un assureur crédible et solvable. Ce qui lui permet de couvrir tous les risques. Quand une entreprise tente de contourner cette obligation parce qu’elle veut amasser beaucoup d’argent, elle met la vie de gens en jeu, et devrait être fermée. »

 

Certificats médicaux
Au cours des investigations relativement à la catastrophe ferroviaire survenue à Eséka le 21 octobre 2016, nous sommes entrés en possession des certificats médicaux délivrés par des médecins en service au Centre médical de Camrail, à Douala Bassa. Ces documents suscitent un questionnement sur la démarche et les intentions de cette entreprise quand on sait que c’est elle qui a causé un dommage aux victimes. Alors question : Est-il éthiquement concevable ou acceptable qu’une entreprise qui a causé un dommage à tiers, qui judiciairement doit réparer ce dommage, soit celle qui consulte sa victime, lui délivre un certificat médical à verser dans le dossier d’indemnisation ?
Selon un avocat consulté par la rédaction de Germinal, « la loi ne détermine pas expressivement le  médecin qui doit délivrer un certificat médical à un sinistré, dès lors qu’il est délivré par un médecin normalement assermenté. Il se pose cependant un problème sur le plan de l’éthique juridique, de l’éthique et de la déontologie de la profession de médecin. On peut bien se demander si un médecin qui officie pour une société peut être indépendant et délivrer un certificat médical crédible sans faire prévaloir son penchant pour la société qui l’emploie. Sur le plan éthique, si une entreprise cause un dommage à un tiers, elle est mal placée pour délivrer un certificat médical sur la base duquel elle procédera à l’indemnisation de sa victime. Même si ce sont les victimes qui vont vers les médecins de Camrail pour leur demander d’établir un certificat médical, ces médecins devaient refuser. Car, employés de Camrail, ils ne sont pas indépendants. Ils sont susceptibles d’être poursuivis pour faute professionnelle.?» Quelqu’un n’avait pas eu tort d’affirmer que « le monde est terrible, vivons seulement. ». Peut-être n’avons-nous encore rien vu, peut-on ajouter.
Junior Étienne Lantier


De quoi Camrail a-t-elle peur?
Il est souvent fait grief aux journalistes de livrer au public des informations dénuées de tout fondement, c’est-à-dire n’ayant pas fait l’objet d’une enquête, de recoupement et de vérifications préalables auprès des différentes parties impliquées dans un dossier. Lorsque celui-ci décide de faire un journalisme de proximité, ce n’est certainement plus de sa faute, si au cours des investigations, il se trouve face aux personnes qui refusent de parler ou qui retiennent délibérément l’information. Dans ces conditions, parce que son rôle est d’informer et de former son lectorat, le journaliste ne peut procéder que par hypothèses, par tâtonnement, la probabilité de se tromper devenant de plus en plus forte.
Nous n’arrivons pas à comprendre pourquoi certains responsables de la société Camrail que nous essayons de joindre depuis le 6 janvier 2017 refusent d’éclairer la lanterne de nos lecteurs, surtout celle de nombreuses victimes de la catastrophe survenue à Eséka, le 21 octobre 2016.
C’est d’abord le responsable de la cellule communication que nous avons essayé de joindre vendredi dernier. Celui-ci nous fait comprendre qu’il est dans le train ; mais qu’après avoir recueilli les informations, il reviendra vers nous. Las d’attendre, nous le relançons, 24 heures plus tard. Sans succès.
Décidés à avoir la position de cette entreprise, nous nous rabattons, le dimanche 8 janvier 2017, sur Me Serges Zangué, qui conseille cette entreprise sur les questions des indemnisations. Celui-ci nous fait comprendre qu’il est au volant de sa voiture et qu’il nous appelle dès qu’il arrive à son bureau. En passant, il cherche à savoir comment nous avons fait pour avoir son numéro de téléphone. Sa question est restée sans réponse. Arrivé dans son bureau, Me Zangué oublie volontairement de nous rappeler. Le lundi 9 janvier 2017, nous le relançons. Celui-ci déclare : « Monsieur Talla, vous savez que nous sommes des mandataires. Lorsque vous me faites une telle demande, j’informe mon mandant afin qu’il me donne la conduite à tenir. C’est ce que j’ai fait. Nous sommes en train de travailler sur un document que nous allons vous envoyer ». L’engagement est pris. Ferme ! L’heure de l’envoi du document est fixée à 15 heures au plus tard. 15h30 mn, le document attendu n’est pas envoyé. Nous rappelons Me Zangué qui nous annonce que le document est prêt et qu’il nous l’envoie « tout de suite ». Un « tout de suite » qui se fait attendre. Finalement, il m’appelera vers 22h pour me dire que pour le moment Camrail ne souhaite pas communiquer.
Visiblement la société Camrail a quelque chose à cacher. Peut-être préfère-t-elle naviguer dans le flou. Et quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup.
Heureusement qu’un avocat des victimes et un expert ont accepté de prendre la parole pour éclairer nos lecteurs.
Jean-Bosco Talla


Benoît Essiga: "Tous les aspects doivent être questionnés"
Germinal: Dans son discours de fin d’année, le président de la République a affirmé qu’il tirera les conséquences des conclusions de l’enquête qu’il a prescrite. Croyez-vous en ses propos du chef de l’Etat qui renvoie à un avenir indéterminé son engagement, étant donné que nous sommes déjà largement au-delà des délais prescrits ?
Benoît Essiga: Je n’ai, à priori, aucun doute sur la parole du chef de l’Etat. Toutefois, eu égard à l’ampleur de la catastrophe qui est la plus grave que le réseau ferroviaire Camerounais ait jamais connu : plusieurs dizaines de morts, des centaines de blessés graves et d’importants dégâts de matériels du patrimoine national, la mémoire collective, à laquelle je souscris parfaitement, que les actions du chef de l’Etat surviennent assez rapidement.

Y a-t-il un risque de manipulation des résultats de l’enquête qu’il a a prescrite ? Autrement dit, pensez-vous qu’il dispose déjà tous les éléments lui permettant de prendre de bonnes décisions ?
Je ne vois pas très bien qu’est-ce qui pourrait être manipulé :
Les personnes décédés ne se sont pas précipitées d’elles-mêmes sous les roues du train en mouvement pour un suicide collectif ;
Un cyclone de forte amplitude n’a pas non plus soufflé le train dans le ravin emportant et détruisant au passage rails, équipements de voie et matériels roulants.
A mon avis, le ralentissement dans le processus de prise de décision peut s’expliquer dans les réglages compréhensibles d’ordre juridique.

En tant expert ferroviaire (traction), pouvez-vous nous rappeler les causes exactes de cette catastrophe survenue à Eseka, le 21 octobre 2016 et à partir des observations que vous avez faites sur le terrain, peut-on de nos jours établir clairement les responsabilités à tous les niveaux ?
Les causes n’échappent à personne. Il n’est pas besoin d’être expert pour observer que la vitesse que le train 152VE du 21/10/2016 sur cette portion de voie était plus qu’excessive. L’observation du spécialiste, sur la base des informations techniques montrent que la défaillance de freinage sur une déclivité de 16/1000, a occasionné cet excès de vitesse. D’autres facteurs aggravants peuvent être liés à la surcharge des voyageurs dont beaucoup étaient debout dans les voitures. Les mentions, clairement affichées dans les voitures, n’autorisent pas des voyageurs debout. Donc, admettre des voyageurs debout dans ces voitures constitue, à n’en point douter, une faute grave de sécurité.

Quelles sont les responsabilités de l’Etat du Cameroun et/ou du gouvernement dans cette catastrophe ?
Dans l’absolu, et de mon point de vue, aucune. Jusqu’à preuve du contraire.

Cette catastrophe ne permet-elle pas de questionner le processus ayant conduit à la privatisation de cette entreprise ?
Pourquoi pas ? En cas de catastrophe d’une telle ampleur tous les aspects peuvent et même doivent être questionnés, et des mesures vigoureuse prises pour limiter les récidives. Même s’il reste entendu que le risque zéro n’existe pas.
Cette catastrophe pouvait-elle être évitée ? Comment ? Et comment rendre le transport par voie ferroviaire plus sûr ?
Bien sur, elle le pouvait, mais il ne sert à rien maintenant de remuer le couteau dans la plaie. Des propositions concrètes ont été faites au Gouvernement, au travers de la Commission d’enquête prescrite par le chef de l’Etat, par des personnes et des structures légitimes et expertes pour que le Cameroun ait la pleine responsabilité de la sécurité ferroviaire afin que ce mode de transport retrouve sa fierté d’antan et participe comme ailleurs au développement du Pays.
Pour finir, ne rien changer, après cette catastrophe, équivaudrait à se rendre complice du décès de ces nombreuses victimes éplorées dont chaque Camerounais peut se sentir plus ou moins proche.
Propos receuillis par:
Jean-Bosco Talla


Me Michel Janvier Voukeng: Le piège des indemnisations du Transporteur selon le Code Cima et les Smig
Afin de permettre que certaines victimes soient indemnisées à la hauteur des préjudices subis, le consortium Fru- Voukeng-Tougoua a engagé, au Cameroun et en France, des procédures judiciaires contre les principaux actionnaires de Camrail que sont Bolloré, Total et Thanry (filiale de Bolloré). Dans leur recherche, ces avocats d’une partie des victimes ont découvert que la Compagnie d’assurance Activa qui se présente comme assureur de Camrail, n’est en réalité qu’un fronteur, Bolloré ayant utilisé, pour ses entreprises, la Captive d’assurance, précisément la Captive de réassurance qui fait intervenir un système de fronting. Autrement dit, les assurances de ses entreprises sont gérées par un courtier d’assurance qui place les risques centralisés par la Captive auprès de la compagnie d’assurance dite un Master contrôlée par l’entreprise Bolloré. Le Master en l’occurrence Générali lui signe une contre lettre ou accord secret pour dire qu’en cas de sinistre, c’est Bolloré qui s’engage sur les fonds gardés par la captive. Le Master prend également une petite réassurance pour le peu de commissions qui lui est versé, environ 5% et se réassure au Railway pool de Rome, puis vient au Cameroun trouver un fronteur qui prend aussi ses petites commissions et délivre une fausse police visant à faire croire à l’Etat que Camrail est assuré. C’est le processus d’optimisation financière par contournement de l’obligation légale d’assurance. Il a été inventé en France par le Groupe TotaL en 1973 sous le nom de « Omnium Insurance And Reinsurance Co Ltd ». Total est l’un des co-associés de Bolloré. Pour ces avocats doc, Camrail est son propre assureur. Très compliqué. et complexe à comprendre pour les pauvres victimes de la catastrophe d’Eseka qui n’ont aujourd’hui qu’un seul souci : être indemnisées à la hauteur des préjudices subis. Entretien à bâtons rompus..

Germinal : Si je ne me trompe pas, vous êtes l’avocat d’une partie des victimes de la catastrophe ferroviaire survenue à Eseka le 21 octobre 2016 !
Me  Michel Janvier Voukeng : Bien sûr ! Mais, je ne suis pas seul tant le travail est immense.
Sur le plan international, nous bénéficions de la notoriété et de la force du réseau du Grand Cabinet anglais Harding Mitchell.
Au Cameroun, l’Association camerounaise de médecine légale assiste nos mandants pour la détermination des préjudices physiques que nous prenons dans nos dossiers.
A partir d’hier, 9 janvier 2017, et sur les conseils avisés de membres camerounais du syndicat des assureurs, des anciens Directeurs Généraux de Chanas Cameroun et de Allianz Centrafrique rejoignent notre équipe en consultance sur le calcul des droits des blessés et des familles de décédés de notre Collectif.

Pouvons-nous savoir où est ce que vous en êtes avec les indemnisations, vous qui avez également formé le consortium, Fru- Voukeng- Tougoua, pour les défendre ?
Jusqu’ici, les indemnisations n’ont pas bougé, notamment à cause de l’illégalité de l’offre du transporteur fondée en fait sur le code Cima et le calcul des revenus par le Smig. Or, le code Cima exclut l’accident ferroviaire de son champ d’application. C’est pourquoi, nous déconseillons à nos clients et à toutes les victimes les sommes allant de 12 à 35 millions que Bolloré propose pour les morts. Même pour une victime qui est décédée étant bébé, 35 millions ne représentent pas le préjudice subi par ses parents et ses frères. Il en est de même des blessés à qui on propose de l’argent sur la base de certificats médicaux délivrés par l’auteur des blessures. Les Confrères qui participent à une telle défense des deux côtés devraient se ressaisir.

Quelles sont les raisons ?
Comme il a déjà été expliqué, Bolloré n’a pas d’assurances en fait et est son propre assureur. Les plafonds de la pseudo police du fronteur Activa s’arrêtent à 600 millions Fcfa. Pour nous, cette somme est insuffisante pour indemniser une famille de 5 enfants qui a perdu son père.
Si le fronteur était l’assureur véritable, il se serait déjà enfui pour les raisons liées à la surcharge, l’excès de vitesse, au défaut de freinage et la préméditation qui consiste à mettre sur les rails un train après un essai de freinage défectueux.

Soyez plus explicite
Le fronteur est celui qui est au front et qui se présente directement comme assureur. Dans le cas d’espèce, c’est Activa qui ne prend que des commissions versées par l’assureur véritable appelé Générali qui se trouve en France. Genérali est le vrai assureur, mais qui n’a reçu qu’une infime partie des primes conservées et centralisées par le Risk manager qui gère La Captive. Quand il prend les assurances en Côte d’Ivoire, au Mali, au Sénégal, etc, il les place dans cette captive qui demande à Génerali de prendre une assurance de facade chez le fronteur Activa.
Mais la captive donne une lettre à Générali pour le couvrir en cas de sinistre et garde l’écrasante partie des fonds. La défense de Camrail est le fruit de cette captive, chiche égoïste arrogante et suffisante, basée sur la roublardise et le dol des victimes.
Pour sortir de ce cercle vicieux, nous avons saisi le Secrétaire Général de la Cima à Libreville contre les agissements du Fronteur, il nous a renvoyé au ministère des Finances du Cameroun.
Nous avons également saisi l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution qui est un service de la Banque de France chargé du contrôle des assurances. Nous entendons dénoncer les agissements de la Captive, du Courtier et du Master.
Nous avons rendez-vous avec son Directeur Juridique pour documenter nos récriminations et faire ouvrir une enquête.

Et l’Etat, actionnaire de Camrail, dans tout cela ?
Nous pouvions aussi procéder autrement. Si quatre personnes sont co-propriétaires ou sont actionnaires d’une entreprise, elles sont toutes susceptibles d’être poursuivies si celle-ci cause un dommage à autrui ou un tiers. Dans le cas d’espèce, les propriétaires de Camrail sont Bolloré, Total, l’Etat du Cameroun et Thanry. Dans la stratégie de la défense, la victime peut choisir de poursuivre un, deux, trois, plutôt que les quatre propriétaires au même moment. Le propriétaire ou l’actionnaire qui paiera et qui dispose de l’action récursoire pourra se faire rembourser par les autres associés avec lesquels ils sont copropriétaires. Dans ce cas, le critère retenu dans notre stratégie de défense est la solvabilité.
Nous avons choisi de déposer une plainte, pour une partie de nos victimes, à Eséka contre les autres actionnaires Total et Thanry (rachetée par Bolloré). Nous avons choisi 4 ou 5 victimes au Cameroun pour porter plainte chez le juge d’instruction avec constitution de partie civile. Cette démarche demande qu’une enquête soit ouverte à Eseka. Ce qui nous permet d’éviter la centralisation excessive qui contrôle le dossier à Yaoundé alors que le Tribunal compétent est celui d’Eseka.. Actuellement, nous attendons les réquisitions du ministère public. Ensuite nous payerons la caution. Après quoi l’enquête sera ouverte. Et les directeurs de Total et Thanry seront entendus, car ils sont co-associés de Bolloré à Camrail.
Sur Paris, le Tribunal de Nanterre a centralisé les procédures contre Bolloré à cause de son siège social à Puteaux. Nous maintenons la garde sur notre plainte pour que celle-ci ne soit pas jointe à d’autres plaintes fantaisistes et de bravade qui y pendent déjà.

Pourquoi vous ne poursuivez pas l’Etat du Cameroun ?
Dans notre stratégie de défense, nous avons préféré l’éviter. Si la décision de justice nous est favorable, Total, Thanry ou Bolloré payerons les victimes et se retourneront vers l‘Etat pour récupérer leur argent à concurrence des parts de l’Etat dans le capital social.  Nous n’avons pas peur de l’Etat, mais nous préférons avoir une défense soft.
Sur un tout autre plan, nous avons de bonnes raisons pour ne pas porter plainte contre l’Etat. Premièrement, nous sommes Camerounais et on dit souvent que le linge sale se lave en famille. Ensuite, dans cette affaire, l’Etat n’a que 13%. Nous n’avons aucun intérêt à orienter notre action vers l’actionnaire minoritaire. En fin, l’Etat du Cameroun est la principale victime de la catastrophe. L’Etat a perdu ses élites, son patrimoine ; sa politique de transport a été suffisamment décriée ; il a été l’objet d’une très mauvaise publicité alors que depuis 16 ans Bolloré promet la pose des rails à 1,40mn ; enfin Eséka est devenu comme une ville maudite.

Combien de victimes défendez-vous ?
Actuellement, nous défendons environ 100 victimes dont 17 morts sur un total d’environ 600 blessés et une centaine de morts (officiellement il y a eu 81 morts aujourd’hui, Ndlr).
Contrairement à ce que Bolloré, ses associés et Activa veulent faire, en Occident il y a un règlement du Parlement européen qui détermine les droits des voyageurs par train. Ce règlement fixe à 20 000 euros le minimum d’indemnisation à payer à tout voyageur par train ayant subi uu préjudice. Ce règlement fixe également à 310 000 euros le minimum à payer en réparation du préjudice subi lorsqu’il survient le décès d’un passager sans revenu, c’est-à-dire un bébé.
Pour le cas des blessés, la simple présence dans le train et le risque encouru de mort établit un préjudice psychologique certain et indemnisable. C’est une grosse honte de voir des grands Directeurs de société, des journalistes et même des Avocats parader à la télévision pour dire qu’ils sont sortis saint et sauf alors qu’ils n’ont consulté aucun traumatologue et n’ont même pas fait le scanner de la tête.
C’est la raison pour laquelle nous avons déposé des plaintes à Paris contre le management de Bolloré, et Total afin d’obtenir pour les victimes ce qui leur est dû.
C’est pourquoi dès le 16 janvier 2017, nous serons en France pour le suivi des procédures et  pour exercer la pression médiatique qui est de mise. Y étant, nous avons rendez-vous avec le Team campaign de Marine Le Pen, d’Emmanuel Macron et de François Fillon. Nous attendons la fin des primaires socialistes pour prendre contact avec le vainqueur ou son entourage proche. Notre objectif est d’user de toutes les ficelles ou d’actionner tous les leviers pour obtenir l’indemnisation des victimes.
Propos recueillis par:
Jean-Bosco Talla


L'accident du Cameroun révèle les défaillances des trains exploités par Camrail

L’enquête sur la catastrophe ferroviaire qui a fait 79 morts en octobre est toujours en cours. Des éléments indiquent déjà que le train de Camrail, société contrôlée à 77 % par le groupe Bolloré, était défaillant à plusieurs niveaux.
Deux mois après la catastrophe ferroviaire du 21 octobre 2016 au Cameroun, qui a causé la mort de 79 personnes et en a blessé plusieurs centaines d’autres, l’enquête judiciaire n’est toujours pas terminée et des plaintes continuent à être déposées au Cameroun et en Europe. Des éléments relatifs aux circonstances de l’accident sont cependant déjà accessibles, et ils ne sont pas bons pour Camrail, la compagnie de chemin de fer, contrôlée par le groupe Bolloré à 77,4 %, l’État camerounais à 13,5 %, le pétrolier Total à 5,3 % et le groupe forestier Thanry à 3,8 % : ils montrent que le train à l’origine du drame faisait l’objet de plusieurs défaillances graves.
Pour comprendre l’enchaînement des événements, il faut se souvenir que quelques heures avant le drame, la route nationale reliant Yaoundé, la capitale politique, à Douala, capitale économique, avait été littéralement coupée en deux, après la rupture d’une buse métallique – en mauvais état depuis longtemps sans que le ministère concerné n’ait réagi. Le réseau de routes secondaires étant très peu développé, beaucoup de voyageurs avaient dû opter pour le service express Inter-City de Camrail, qui permet depuis 2014 de voyager entre les deux villes sans faire d’arrêt. Mais le train n° 152, parti de Yaoundé, n’est pas arrivé à destination : il a brutalement fini son voyage à mi-chemin, dans la petite localité d’Éséka, à 120 km de Yaoundé. Plusieurs de ses wagons se sont détachés et se sont écrasés dans un ravin.
rt, devant en acquérir auprès de contrôleurs durant le trajet. Quant au chiffre officiel de 79 morts, il pourrait être en deçà de la réalité, selon plusieurs témoignages et l’avis d’au moins un haut responsable camerounais recueilli par Mediapart. Une famille est sans nouvelles de l’un de ses membres : celle de la notaire Dorette Dissake Kwa.
Très vite après l’accident a émergé une polémique sur une possible surcharge du train – des passagers ont parlé de wagons bondés. Le président de Bolloré Africa Railways, Éric Melet, a dû démentir : « Rien ne permet de dire aujourd’hui que l’on était en surcapacité, par contre toutes les places étaient occupées », a-t-il déclaré à l’AFP. Depuis, il est avéré que Camrail avait décidé, en raison de l’afflux inédit de candidats au départ, d’ajouter huit wagons à son train, portant le nombre total de voitures à dix-sept. Le tout pesait 675 tonnes, soit 25 tonnes de plus que la charge maximale normalement autorisée par Camrail pour un train de voyageurs, comme l’indique un document récemment diffusé par France 24. Selon la chaîne de télévision, le conducteur du train a reçu un « ordre spécial de sa hiérarchie pour quitter la gare en surcharge ».
Des rescapés, mais également des responsables de Camrail, ont aussi évoqué une vitesse anormalement élevée au moment de la catastrophe, alors qu’elle était limitée à 40 km/h dans la portion de trajet concernée, réputée délicate parce que très pentue. On sait aujourd’hui que le train a roulé à plus de 90 km/h, vraisemblablement à cause d’un problème de… freins, lui aussi signalé peu après le déraillement. « Une défaillance des freins en cause », a ainsi titré, le 10 novembre, le bi-hebdomadaire L’Essentiel du Cameroun. « L’attelage du train 152 monté dans l’urgence et composé de wagons chinois équipés de plaquettes de freins usées et de wagons plus anciens freinés par un système différent avait toutes les chances de devenir fou sur cette voie en forte descente et en succession de virages à partir de Makak », écrit le journal, qui ajoute : « Les premières déclarations du conducteur tant à sa hiérarchie qu’aux enquêteurs font apparaître qu’il aurait signalé un risque de défaillance du système de freinage de l’Inter-City à la suite de “l’essai de frein” à la gare de Yaoundé. » France 24 a depuis rendu public un rapport d’inspection du train qui a eu lieu avant son départ, le 21 octobre : il mentionne une « usure complète des semelles de frein » et un « manque de freinage rhéostatique ». À quoi pensaient ceux qui ont ordonné au conducteur du train no 152 de faire partir son convoi malgré ces graves manquements ?
Selon des indiscrétions, le rapport, encore confidentiel, remis fin novembre au président camerounais Paul Biya par une commission d’enquête gouvernementale, relèverait à son tour un souci de freins, mais aussi un problème d’entretien du matériel. Le Syndicat national des journalistes du Cameroun (SNJC), qui a également mis sur pied une équipe pour travailler sur le sujet, est arrivé aux mêmes conclusions : « Pour l’instant, toutes les informations dont nous disposons corroborent la thèse d’une défaillance des freins, aggravée par une surcharge des wagons », dit Denis Nkwebo, son président, qui entend « maintenir la pression » pour que « la vérité éclate ». « Nous exigeons la publication du rapport du gouvernement et s’il ne correspond pas aux éléments que nous avons recueillis, nous publierons notre propre rapport d’enquête », explique-t-il.
Les investissements effectués n’ont pas permis de moderniser les infrastructures de base
La crainte générale, c’est que les autorités enterrent l’affaire. Car mettre en cause la responsabilité de Camrail et de ses actionnaires, c’est aussi remettre en question le choix des responsables camerounais qui ont géré la cession de l’ancienne compagnie de chemin de fer nationale, Regifercam. L’État a en effet dû, dans les années 1990, se désengager de « l’exploitation technique et commerciale des services de transport ferroviaire, la maintenance, le renouvellement, l’aménagement et l’exploitation des infrastructures ferroviaires, la gestion courante du domaine ferroviaire ». La privatisation devait permettre au secteur de mieux se porter, selon les institutions financières internationales qui l’exigeaient.
Le résultat de l’étude de l’appel d’offres international lancé en 1996 par le Cameroun a placé le groupe Bolloré en seconde position, derrière le sud-africain Comazar. À l’époque, des analystes ont estimé que donner la concession à Bolloré (qui, contrairement à Comazar, n’avait pas d’expérience en matière de transport ferroviaire) représentait «un risque de voir un pan important de l’économie nationale sous le contrôle d’un seul groupe, de surcroît étranger », d’après une note que Mediapart s’est procurée. L’État a finalement demandé à Bolloré et Comazar de s’associer : ils ont créé une société commune, Camrail. Mais Comazar a vendu ses parts à Bolloré quelques années plus tard.
Le contrat de concession signé en janvier 1999 par Camrail est un peu particulier puisqu’il contraint la société à assurer un service voyageurs, reconnu comme une « obligation non commerciale », contre une contribution financière de l’État. Les conditions de transport des passagers ont cependant été régulièrement critiquées durant ces quinze dernières années. En 2010, l’Association citoyenne de défense des intérêts collectifs (Acdic), basée à Yaoundé, a par exemple reproché à Camrail d’avoir pris du retard dans les investissements prévus, d’utiliser du matériel d’occasion en le présentant comme neuf, de donner la priorité au transport de marchandises, etc. Elle a aussi déploré des déraillements réguliers des trains et le non-fonctionnement du Comifer, le comité de suivi mis en place par l’État pour contrôler l’application de la convention de concession.
Pendant toutes ces années, il y a eu de sérieux tiraillements entre le gouvernement et Bolloré, le groupe français exigeant de l’État du Cameroun qu’il participe au programme d’investissements et aux frais de maintenance, ce qui n’était pas prévu dans le contrat de concession. Bolloré a obtenu ce qu’il voulait : un avenant instituant un financement de l’État a été signé en 2008. Les relations ont été également très tendues entre Camrail et la société d’économie mixte Sitrafer, spécialisée dans l’entretien des rails, qui a finalement dû suspendre ses activités – elle employait 500 personnes.
Les investissements effectués jusqu’à présent (dont une partie a été financée par des prêts de la Banque mondiale à l’État du Cameroun, curieusement gérés par Camrail) n’ont cependant pas permis de moderniser les infrastructures de base : le rail camerounais se caractérise toujours par une voie unique et un écartement d’un mètre au lieu de 1,4 mètre, norme internationale qui donne plus de stabilité aux trains. En septembre 2009, il y a eu un premier avertissement sérieux : cinq personnes ont été tuées et 300 autres blessées lors du déraillement d’un train de voyageurs à Yaoundé. Peu après, un rapport décrivant le « mauvais état des voies ferrées et du matériel roulant » a été remis aux autorités, souligne un expert.
Depuis la catastrophe d’Éséka, de nouvelles questions ont surgi, cette fois à propos des assurances contractées par Camrail. Selon l’article 7 de la Convention de concession que la compagnie a signée, elle s’est engagée à « souscrire, dans le respect de la législation en vigueur au Cameroun, toutes les polices d’assurance nécessaires à couvrir l’ensemble des risques liés à l’activité ferroviaire ». Mais, des conseils de victimes se plaignent : ils n’ont toujours pas eu accès à ces contrats d’assurance et ne comprennent pas le refus de Camrail de les leur fournir.
Dans un courrier au ministre camerounais des finances, un collectif d’avocats représentant les ayants droit d’une vingtaine de personnes décédées et d’une cinquantaine de blessés a ainsi expliqué avoir « vainement écrit aux compagnies d’assurance concernées et au transporteur » pour leur demander de lui « communiquer les polices prévues par la Convention de concession pour que les droits des victimes soient calculés en fonction de ce qui y est prévu ». Ces avocats, Fru John Soh, Michel Voukeng et Guy Alain Tougoua, se demandent par ailleurs si la compagnie camerounaise Activa, que Camrail présente comme son assureur, est bien apte à opérer : d’après eux, elle est agréée sous le code des assurances de la Cima (Conférence interafricaine des marchés d’assurances) qui a exclu de son champ d’application les accidents ferroviaires.
Du côté de Camrail, on affirme que tout se passe normalement : elle est, « avec ses assureurs », en contact avec les personnes à indemniser, dit à Mediapart une source proche de la société. Impossible, cependant, d’en savoir plus : Camrail ne souhaite apparemment pas donner davantage d’informations. Sa dernière déclaration publique date du 7 novembre : elle avait annoncé qu’elle débloquait « en urgence », et pour « faciliter les procédures », une somme de 2 200 euros par famille, « destinée à la prise en charge des frais funéraires », en précisant que cette enveloppe n’était « pas une indemnisation pour préjudice ». Mais elle n’a pas dit sur quelles bases légales elle s’appuyait pour procéder de la sorte, déplorent les avocats des familles de victimes.
Par Fanny Pigeaud
Source : Mediapart, du 29 décembre 2016