Cohésion et conhérence
Si l’intérêt général est au coeur de leurs préoccupations comme ils ont coutume de le dire, les forces progressistes doivent surmonter les contraintes objectives, tairent leurs divergences et former coalitions et alliances. L’union fait la force.
Il avait suffi de trois jours, du 28 au 30 octobre 2014, pour venir à bout d’un régime solidement installé depuis 27 ans et 15 jours. Trois jours scrupuleusement préparés pour que le peuple burkinabè pousse au-dehors Blaise Compaoré et sa clique qui voulaient modifier la constitution pour s’éterniser au pouvoir ad vitam aeternam. Cette victoire du peuple burkinabè n’a été possible que par une action conjuguée des organisations de la société civile portées par le Balai citoyen et les partis politiques réunis au sein d’une institution appelée Chef de file de l’opposition politique (Cfop) au sein de laquelle les partis et formations politiques étaient liés par un protocole d’accord.
D’avril 2011 à avril 2012, le pays de Macky Sall bouge. Comme au Burkina Faso, en partenariat avec les organisations de la société civile, notamment le mouvement Y’en a marre, né à la suite de coupures d’électricité, les leaders des partis et formations politiques surmontent les contraintes objectives pour élaborer une stratégie électorale commune qui leur a permis de porter un des leurs au sommet de l’État. Cela avait déjà été le cas en 2009, quand face aux manœuvres politiciennes du président sénégalais Abdoulaye Wade dont les visées dynastiques étaient manifestes, ils avaient tu leurs divergences et querelles intestines pour faire bloc contre la Coalition Sopi (changement) au pouvoir depuis 2000. Réunie sous la bannière de Benno Siggil Sénégal (« Unis pour restaurer l’honneur du Sénégal ») ou d’And Ligeey Sénégal (« Ensemble pour bâtir le Sénégal ») en wolof, l’opposition sénégalaise, après avoir réussi à convaincre l’opinion publique de la nécessité de barrer la voie à l’instauration d’une dynastie, avait fait tomber dans son escarcelle presque toutes les grandes villes sénégalaises lors des élections locales du 22 mars 2009.
Plus proche de nous, le Gabon. Au départ très divisés, des partis politiques et leurs leaders ont su taire leurs divergences pour soutenir la candidature de Jean Ping qui a mis en très grande difficulté Ali Mbongo Odimba, aujourd’hui maintenu au pouvoir grâce à la fraude et à la main mise sur la Cour constitutionnelle, encore appelée « Tour de pise ».
Ces différents exemples parlent à l’opposition et aux organisations de la société civile camerounaises. Ils montrent à suffisance qu’aucun parti ne peut arriver au pouvoir seul, en comptant uniquement sur ses propres moyens, matériels et humains. Ils sont révélateurs du rôle irremplaçable des coalitions et des alliances dans l’élaboration d’une stratégie électorale ou politique gagnante dans un contexte autoritaire, pour ne pas dire dictatorial.
On ne le dira jamais assez. Tant que les leaders de l’opposition patriotique camerounaise et ceux des organisations de la société civile seront incapables de relever le défi de la cohésion et de la cohérence, c’est-à-dire de la création d’un cadre de concertation pouvant leur permettre de régler des questions stratégiques et d’intérêt commun, de concevoir et de promouvoir des projets alternatifs crédibles, des approches politiques novatrices et efficaces, autrement dit, tant qu’ils seront incapables de créer un cadre pour une véritable synergie d’association et d’actions en vue de l’alternance politique pacifique au Cameroun, ils passeront leur temps à faire du bruit comme des tonneaux vides, à aboyer pour signaler le passage de la caravane du Renouveau-Rdpc. Et le grand manitou d’Etoudi continuera de l’utiliser comme des faire-valoir démocratiques.
Junior Etienne Lantier
Sortir de l'impasse. Défis et responsabilités de l'opposition patriotique - Cohésion et conhérence
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