Le défi des choix institutionnels
Dans le contexte camerounais, où les populations n’ont jamais exercé leur prérogative constituante, les choix constitutionnels doivent être l’objet de discussions publiques précises pouvant aller jusqu’au détail, à tous les échelons et selon les échelons avec leurs intérêts et leurs compétences spécifiques. Des listes de telles questions pourraient être établies en tendant à l’exhaustivité pour chaque phase ou facette du processus constitutionnel. […]
Avant d’être la capacité de se donner des dirigeants en des élections libres, justes et transparentes, la démocratie est le choix, par la libre discussion, de sa Constitution et de ses lois fondamentales. Le bon ordre des choses exige qu’on satisfasse à ce réquisit avant de passer à un autre et il est tel qu’il ne se négocie pas ni pour sa priorité ni pour la préséance. Le Cameroun, on ne le dit pas assez, n’a jamais fait acte de constituant et n’a jamais débattu ouvertement et largement de l’adaptation de ses institutions à ses réalités, notamment au caractère non homogène de ses populations, mais pluriculturel et p1uriethnique, au potentiel civique, politique et associatif de leurs groupes de base. Il n’y a eu aucune tentative d’innovation institutionnelle. On a tout emprunté dans les apparences, en espérant qu’un pouvoir fort, centralisé construirait, même par la contrainte, une nation stable qui évoluerait ensuite vers le mode de vie économique, politique et culturel des «pays avancés”. On a misé sur l’efficacité d’un mimétisme de longue durée pour effacer ce que l’on considérait comme une tare originelle faite de centaines de tribus, de langues répandues dans des espaces mal reliés.
L’échec patent de cette approche qui a conduit partout à privilégier le parti unique et les méthodes autoritaires pousse à reconsidérer les faits et à prendre le risque de l’inventivité et de l’expérimentation institutionnelle, puisqu’il n’y a pas de prêt-à-porter et puisque la participation à la mise en place, des constitutions garantit la compréhension de ses dispositions, le respect et le crédit qu’on lui accorde.
Fabien Eboussi Boulaga
Source : La Démocratie de transit au Cameroun, Paris, L’Harmattan, pp. 196 et 197