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RDPC: Vers un bain de sang - La permanence du conflit de génération

RDPC: Vers un bain de sang - La permanence du conflit de génération

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Index de l'article
RDPC: Vers un bain de sang
S'achmine-t-on vers un bain de sang?
Lutte contre la corruption:l'autre point de discorde dans le RDPC
RDPC: un parti d'état-major
Les Progressistes
Les Conservateurs
Les non-alignés
La permanence du conflit de génération
Marasme et paupérisation: sources des conflits
Mathias Eric Owona Nguini: « Le RDPC est à la croisée des chemins parce que les forces sont préoccupées par la succession présidentielle »
Toutes les pages

La permanence du conflit de génération

Les tensions entre vieux et jeunes au sein du RDPC peuvent déboucher sur une crise ingérable. L’avenir de ce parti passe pourtant par la juvenisation de ses cadres.
Traiter de la juvénisation du R.D.P.C. nécessite préalablement que l’on interroge sur la signification de la notion de jeune. Dans l’environnement sociopolitique camerounais, la notion de jeune se prête à tous les usages où la polémique le dispute à l’instrumentalisation et où à la manipulation d’une parole, hier encore bâillonnée, aujourd’hui jouissant de l’illusion de la liberté. Dans un tel champ, il importe de circonscrire le sens de la notion de jeune.
Trois niveaux d’approches peuvent être distingués : l’approche du sens commun, l’approche biologique et l’approche sociologique. Pour la première, la jeunesse est une classe d’âge faite de qualités physiques : beauté et force, et de qualités psychologiques : naïveté et inexpérience. Pour la seconde, la jeunesse est une phase intermédiaire du cycle de vie d’un individu, située entre l’enfance et l’âge adulte et physiologiquement marquée par la maturité sexuelle. Pour l’approche sociologique, bien qu’il existe des critères objectifs de caractérisation, biologique et socioculturel, il demeure que la jeunesse est une construction sociologique et historique. Le sociologue français Olivier Galland, dans Les jeunes, écrivait : la jeunesse n’est pas de tous les temps, elle est une invention sociale, historiquement située dont les conditions de définition évoluent avec la société elle-même. Cela se vérifie dans les différentes déterminations que l’on a ici et là, de l’âge de la jeunesse. L’ONU situe cet âge entre 15 et 24 ans tandis que l’OIT le place dans l’intervalle 7-39 ans. Le document de politique de la jeunesse du Cameroun fixe cet âge entre 15 et 35 ans. Au sein du RDPC, avant le congrès de 1996, la limite d’âge dans l’OJRDPC était de 35 ans. Après le congrès, elle est ramenée à 30 ans, tel que l’on peut le voir à l’article 75 des statuts de ce parti. En 2007, lors des opérations de renouvellement des organes de bases, Charles Etoundi déclarait : «  L’âge limite à l’OJRDPC devrait être ramené à 25 ans». Le 20 février dernier 2016, reconnaissant la gérontrocraticité des membres du RDPC, le Sultan Mbombo Njoya, en appelait à la juvénisation du parti : « ce congrès ordinaire devrait permettre à  notre grand parti […] de faire son toilettage de jouvence. » Cette sortie d’un éminent membre du comité central du RDPC est révélatrice d’un malaise profond et une crise générationnelle en son sein. à ce sujet, il nous vient à l’esprit la parenthèse moderniste avec Mila Assouté, l’image d’un Ateba Eyene vociférant, ou plus près de nous, celle d’un Messanga Nyamding piaffant d’impatience sur les plateaux de télévision et de radio, de ce que les jeunes sont marginalisés par leur parti.
Cette crise ne date pas d’aujourd’hui. Elle prend ses racines avant la naissance du RDPC. François Senga-Kuo rappelait en 1984 lors d’une tournée de relance de l’UNC que « les hommes du Renouveau ne sont pas nécessairement des hommes nouveaux, mais des hommes porteurs de mentalités et de comportements nouveaux et déterminés à mettre en pratique les principes du Renouveau ». Peu de temps après Georges Ngango déclarait qu’ «on ne peut pas mettre du vin nouveau dans de vieilles outres sans le risque de le perdre ». Jean-Marcel Mengueme n’ira pas quatre chemins pour affirmer que les que « la jeunesse n’est pas un critère de compétence ».

Sénescence
Une évidence s’impose de nos jours : le RDPC souffre de sénescence. En théorie, il argue assurer la juvénisation par l’aménagement de passerelles permettant la transition des membres de l’OJRDPC, forclos, vers le RDPC. En pratique cela ne se voit pas. D’où le malaise et la crise. Les jeunes qui occupaient des postes de responsabilité à l’OJRDPC se voient mal en train de recommencer comme simples militants à la base. Ils s’arc-boutent et n’entendent pas faire de la place aux cadets. Conséquence, à plus de 40 ans, on les retrouve encore à l’OJRDPC. En fait ils savent qu’ils n’auront pas de place au sein du RDPC du côté duquel les apparatchiks les jugent impatients, inexpérimentés sinon dangereux et n’entendent pas partager avec eux leur pouvoir et privilèges. Le sociologue français Pierre Bourdieu voit dans ce conflit des âges une lutte où les uns cherchent à conquérir pouvoir et privilèges quand les autres entendent préserver et assurer leur prééminence. Sauf que cela se passe au détriment de la relève sociale. Le jeu tant au plan de ses règles que de son opérationnalisation a été confisqué par la caste de séniles et grabataires. Le RDPC, malgré les dénégations, est un parti d’état-major, et ce que l’on observe au niveau des différents corps de l’administration s’observe également en son sein. Depuis sa mue en 1985, le RDPC tant au niveau du comité central que du bureau politique, est contrôlé par les mêmes, dont le moins qu’on puisse dire est qu’ils sont jeunes.
Faut-il le souligner, l’âge en soi n’est pas un critère de compétence et d’efficacité même s’il peut, selon le cas, se révéler un facteur handicapant ou avantageant. Ce qui est donc problématique ce n’est moins l’âge que la longévité aux affaires. Les fonctions de leader parti cumulée avec celle de chef de l’Etat, de par la responsabilité et les charges qu’elles induisent, use l’homme. Que l’on compare Barack Obama d’il y a 8 ans à l’homme aux cheveux grisonnants d’aujourd’hui. Ce n’est donc pas seulement pour le principe démocratique de l’alternance que s’explique la limitation de mandat à la tête de l’Etat, mais c’est aussi au regard des limitations physiques et intellectuelles d’un individu. Jean Fochivé dans ses entretiens avec Frédéric Fenkam publiés sous le titre Les révélations de Jean Fochivé confiait : « je réalise enfin les conséquences de la trop grande longévité d’un régime […] En dix années, tout homme dans l’exercice d’aussi lourdes fonctions, et d’une manière aussi absolue, doit avoir épuisé tout son génie et tout son sens de discernement. Et s’il s’accroche, il finira par perdre toute notion de sa véritable personnalité et aura tendance à rejeter tous ses manquements sur ses collaborateurs qu’il désarçonnera au gré de ses humeurs. Après une décennie, tout homme aux pouvoirs aussi immenses est prédisposé à ne devenir qu’un pion entre les mains des flagorneurs dont il est obligé de s’entourer […] ». Saisissant. Ce qui vaut pour Paul Biya, vaut pour ses inamovibles collaborateurs.

Fer de lance
Le mal c’est la longévité au pouvoir. L’antidote c’est la juvénisation comme injection du sang neuf. Il ne suffit pas de réciter incantatoirement que la jeunesse est le fer de lance de la nation. Encore faut-il la promouvoir en la faisant accéder de sitôt aux affaires sur le fondement de la compétence et du mérite mais non pas de la cooptation. Cependant, la juvénisation ne signifie pas qu’il faut balayer tous les cadres d’âge mur bourrés de connaissances et d’expériences. Elle signifie la régulation du conflit générationnel par une idoine définition des règles du jeu et leur saine opérationnalisation. Mais pourquoi Paul Biya qui a accédé aux affaires comme chargé de mission à 29 ans tout comme l’essentiel de ses collaborateurs, ne veut-il pas des jeunes ? Lui font- ils si peur ?
Ce qui vaut pour le RDPC et pour la bureaucratie administrative compradore sur laquelle il s’adosse vaut également pour l’essentiel des partis politiques dits de l’opposition dont  la longévité des leaders  quand  ce n’est  leur posture patrimonialiste,  constitue une preuve pour qui en douterait. Le mal est plus profond qu’on ne l’imagine tant il paraît systémique. Si la gouvernance n’était pas une donnée conjoncturelle on n’hésiterait pas à dire que la longévité est fatalement consubstantielle au mode de gouvernance qui prévaut au Cameroun.  Quoi qu’il en soit c’est par sa jeunesse que toute société conjure la sénilité et s’assure une reproduction et une relève démocratiquement fondées à moins que Paul Biya n’ait fait sien cette formule prêtée au Roi Soleil : après moi le déluge !
Tissibe Djomond