On peut tout reprocher au président camerounais sauf sa propension à faire de belles promesses. La toute dernière en date : « Faire du Cameroun un pays émergent à l’horizon 2035 ».
L’idée a séduit plus d’un. Mais, au fil des ans, les faits ou surtout l’absence des faits ne cessent de faire déchanter. Et à cause de l’inertie, il n’est pas jusqu’à son initiateur qui y croit encore ! Pour marquer une innovation dans sa nouvelle promesse, le président de la République a tenu à ce qu’elle soit accompagnée d’un document de référence. Une sorte de boussole devant orienter tous les acteurs mobilisés pour conduire le Cameroun à son émergence annoncée pour 2035. Le Document de Stratégie pour la Croissance et l’emploi (DSCE) est ainsi rendu public en août 2009. Ainsi, suivant le DSCE l’Émergence du Cameroun passera par la réalisation de quatre objectifs : (1) la réduction de la pauvreté ; (2) l’atteinte du stade de pays à revenus intermédiaires (3) l’atteinte du stade de nouveau pays industrialisé et (4) la consolidation du processus démocratique et de l’unité nationale dans le respect de la diversité qui caractérise le pays. Six ans après son adoption, le Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi semble avoir connu le sort de tous les bons textes dont se dote régulièrement le Cameroun. Il est rangé au magasin des accessoires.
Dans la pratique, les fonctionnaires et autres acteurs chargés de conduire le Cameroun vers l’Émergence ont renoué avec les vieilles pratiques. Pour s’en convaincre, il suffit de parcourir les rapports du Centre d’analyse et de Recherche sur les politiques économiques et sociales du Cameroun (Camercap-Parc). Cet organisme parapublic dans un sursaut d’objectivité ne cesse de lister les pesanteurs qui t empêcheront le Cameroun d’être émergent en 2013. Dans son dernier rapport publié en août 2015, le Camercap-Parc pointe la mauvaise « qualité de l’administration publique », l’ « accaparement du pouvoir d’État par des groupes d’intérêts », l’absence de mérite et de l’éthique »…
Dans son discours à la nation le 31 décembre 2013, le chef de l’État avait vertement fustigé le manque de coordination gouvernementale. Seulement, il a laissé les mêmes ministres étaler leurs divergences sur la place publique pendant près de deux ans ! En 2015, dans les mêmes circonstances, il a fustigé l’administration publique et sa bande de fonctionnaires installés pour se servir et non pour servir les usagers. Là encore, les mesures pour instituer la rigueur et la moralisation n’ont pas été prises par le président. Un peu comme s’il suffisait de critiquer pour que les choses changent miraculeusement.
Résultats des courses, tous les quatre objectifs pour l’émergence repris plus haut connaissent un insurmontable retard. La pauvreté ne cesse de croitre et le peu de richesse produite ne profite qu’à une minorité qui s’enrichit au détriment de la masse.
Insurmontables retards
Six ans après l’adoption du DSCE, le constat est clair, à savoir que le Cameroun est loin d’être sur le chemin de l’émergence. La richesse est faiblement produite et inégalement répartie. L’industrialisation du pays est restée un slogan à cause de l’absence des infrastructures de base, de l’insuffisance criarde de l’énergie électrique pourtant condition sine qua non du décollage industriel, de la pression fiscale…En ce qui est des projets devant booster la production électrique au Cameroun à savoir les barrages de M’mvelle et Mekin, les travaux ont connu des retards.
Côté pouvoir, la volonté de faire avancer les choses au rythme soutenu se limite à quelques grands discours ! Illustrations de ces retards à travers quelques extraits du DSCE : « Dans le souci d’utiliser rationnellement les ressources disponibles tant en personnels, en infrastructures qu’en équipements, l’État mettra en place de grands établissements d’enseignement technique qui engloberont sur le même site les CETIC et les lycées techniques actuels. Les filières créées au sein de ces établissements seront adaptées aux zones agro écologiques du Cameroun pour disposer d’un vivier de professionnels des métiers de la pêche, des forêts et de l’artisanat, notamment. Cette spécialisation tiendra également compte des grands projets à réaliser dans le pays » (p.78). Plus loin, le DSCE prévoit « l’amélioration de la production agricole avec les bassins de production de riz à Yagoua, Ndop, Santchou, Maga » (p. 109). De simples annonces spectaculaires. Au lieu de se transformer en véritable ingénieur de l’émergence en visitant régulièrement les chantiers y afférents pour imposer le respect des délais et des normes comme on le voit ailleurs, au lieu de faire le tour des campagnes pour constater l’enclavement qui réduit à néant les efforts des villageois obligés de laisser pourrir 40 à 50% de leur production faute de routes ou à cause des tracasseries policières, Paul Biya préfère tout faire (ou ne rien faire ?) à partir de son palais douillet d’Etoudi.
Olivier Atemsing Ndenkop