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Des procès politiques maquillés en infractions de droit commun - Des procès politiques maquillés en infractions de droit commun

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Index de l'article
Des procès politiques maquillés en infractions de droit commun
Des procès politiques maquillés en infractions de droit commun
L'ombre de l'exécutif plane sur les procès
Marafa Hamidou Yaya; l'ennemi intime de Paul Biya
Polycarpe Abah Abah: dans les filets de ses adversaires politiques
Les mille miracles judiciaires de l'affaire Titus Edzoa
Amadou Ali et Akame Mfoumou complotent
Lydienne Yen Eyoum et Michel Thiérry Atangana: au mauvais endroit, au mauvais moment
Jean-Marie Atangana Mebara, Urbain Olanguena et Cie: des procès en sorcellerie
Opération Epervier:ce grotesque défilé de boucs-émissaires
Mathias Eric Owona Nguini: le Cameroun est inscrit dans la voie avancée de Zombification, de Décomposition et de Putréfaction morales
Toutes les pages

Des procès politiques maquillés en infractions de droit commun
Paul Biya et ses partisans ont de la peine à convaincre l’opinion publique sur le fait qu’il n’existe pas de prisonniers politiques au Cameroun
Paul Biya et ses thuriféraires sont visiblement très embêtés par les sorties médiatiques, amplifiées par leurs comités de soutien, de certaines personnalités, dont notamment, Titus Edzoa, Marafa Hamidou Yaya, Jean-Marie Atangana Mebara, Polycarpe Abah Abah, Urbain Olenguena Awono, Michel Thiérry Atangana, Lydienne Yen Eyoum… arrêtées et/ou condamnées à l’issue de procès qui, aux yeux de nombreux observateurs, ne sont que des procès politiques maquillés. On comprend pourquoi ils mettent tout en œuvre pour convaincre l’opinion publique qu’il n’existe pas de prisonniers politiques dans les goulags tropicaux qualifiés de prisons camerounaises.
Le chef de l’État a saisi l’occasion qui lui a été offerte lors de la visite de travail effectuée en France, du 28 janvier au 5 février 2013, pour déclarer aux journalistes français qu’au Cameroun il n’y a pas de prisonniers politiques. Paul Biya précise : « Je sais qu’il y a des personnes qui commettent des délits et qui pour faire bonne figure, disent qu’ils sont des prisonniers politiques. Quand vous avez détourné des fonds et que les tribunaux vous condamnent. Que voulez-vous qu’on fasse ? Nous sommes un pays où il n’y a pas de prisonniers politiques, il n’y a pas de torture, les gens sont libres. »
Cette sortie de l’Homme-lion est venue corroborer l’opinion du quotidien gouvernemental Cameroon Tribune, qui dans son édition du n°10260 du 15 janvier 2013, qualifiait de « diversion » la sortie médiatique de Marafa Hamidou Yaya sur le site slateafrique.com et largement reprise par des journaux camerounais. Pour Essama Essomba, dans l’interview qu’il a accordée à ce journal en ligne, Marafa Hamidou Yaya « dénie […] toute indépendance a justice, indépendance pourtant consacrée par la constitution à l’instauration de laquelle il a puissamment contribué. Le justiciable entend ainsi déplacer sur le terrain politique une question encore pendante devant la justice. » Avant de poursuivre : « L’essentiel de sa stratégie de communication ne porte pas sur l’affaire pendante devant la justice. Elle porte sur la politique et les ambitions du justiciable. D’où le volontaire amalgame entre la justice et la politique […] Cette communication et cette instrumentalisation visent surtout à distraire. Loin de la préoccupation essentielle du justiciable de préparer la cause devant les tribunaux, notamment en appel, il se présente comme la victime expiatoire des maux à lui imputés par le régime en place. »

 

Victimes expiatoires
Les partisans de Marafa Hamidou Yaya ne partagent pas cette opinion. Selon eux, leurs idoles et beaucoup d’autres personnalités incarcérées « sont des victimes expiatoires ». Les « procès en cours ne sont en réalité que des procès politiques qui ne disent pas leur nom. Si ces procès n’étaient pas politiques, pourquoi déployer tant d’énergie et de moyens pour convaincre l’opinion publique ? Leur manière de faire est une preuve qu’il y a anguille sous roche et que la plupart des personnalités arrêtées sont victimes de leurs ambitions politiques réelles ou supposées. De plus,  la rapidité avec laquelle l’affaire État du Cameroun contre Yves Michel Fotso et Marafa Hamidou Yaha a été liquidée prouve que les magistrats subissaient des pressions les poussant à condamner les prévenus avant l’entrée en fonction du Tribunal criminel spécial (Tcs). Ce qui n’a pas été le cas avec Urbain Olanguena où nous avons vu que les magistrats se sont débinés au moment de rendre le verdict. Il était question dans ce dernier cas de le renvoyer devant le Tcs afin d’alourdir les charges qui pèsent contre lui. N’évoquons pas le cas Mebara qui était tout autant flagrant.», enchaîne-t-il. Avant de s’interroger : « Si ces procès ne sont pas politiques, Titus Edzoa et Michel Thiérry Atangana injustement condamnés, ont-ils passé 15 années derrière les barreaux d’une prison normale, avant l’érection d’un camp militaire, le secrétariat d’État à la défense, en prison secondaire ? »
Ceux-ci n’hésitent pas aussi à brandir des documents prouvant que la justice est aux ordres de l’exécutif qui ordonne les poursuites et manipule les ordonnances de renvoi. « C’est le ministre de la Justice qui rédige la plupart des ordonnances de renvoi et les fait assumer par des magistrats accroupis et carriéristes », lance un défenseur des droits de l’homme visiblement courroucé. Avant de brandir le rapport d’une réunion qui se  serait tenue à la chancellerie, réunion au cours de laquelle le juge d’instruction Pascal Magnaguembe aurait été contraint d’apposer sa signature au bas d’une ordonnance de renvoi manipulée sur injonction de l’actuel Garde des Sceaux, Laurent Esso. Dans ce document on peut : « Les 12, 13 et 14 juin 2012, le juge d’instruction Pascal Magnaguemabé prend part à des réunions auxquelles il est convié à la chancellerie, aux côtés du secrétaire général du ministère de la Justice, du directeur de l’Action publique et des Grâces, du procureur général près la cour d’appel du Centre et le procureur de la République près le tribunal de grande instance du Mfoundi, réunions présidées par le Garde des Sceaux. Au cours de ces assises, il est « instruit » au juge d’instruction Pascal Magnaguemabé de ne pas dans son ordonnance renvoyant Yves Michel Fotso et Marafa Hamidou Yaha devant le tribunal de grande instance du Mfoundi statuant en matière criminelle en phase de rédaction, rentrer dans les détails des charges qui pèsent sur Fotso Yves Michel et Marafa Hamidou Yaya. Le juge d’instruction Pascal Magnaguemabé tique devant cette « instruction » et relève qu’il semblait judicieux de mettre à la disposition de l’accusation l’entier mécanisme et dans ses détails usité par Yves Michel Fotso et Marafa Hamidou Yaya pour détourner les 31 000 000 de dollars US de fonds publics par eux détournés. La haute hiérarchie maintient ses « instructions ». Le juge d’instruction Pascal Magnaguemabé rédige une mouture de cette Ordonnance conformément aux instructions reçues et le remet le 22 juin 2012 au ministre d’État, ministre de la Justice, Garde des Sceaux. Le 25 juin 2012, la Hiérarchie judiciaire par l’entremise du président du tribunal de grande instance du Mfoundi, M. Schlick remet au juge d’instruction Pascal Magnaguemabé pour uniquement y requérir sa signature. Une mouture d’ordonnance renvoyant Fotso Yves et Marafa Hamidou Yaya devant le tribunal de grande instance du Mfoundi statuant en matière criminelle, mais, dans laquelle ce magistrat ne se reconnaît pas pour 40% de la décision à lui remise. Le juge d’instruction Pascal Magnaguemabé tique encore, mais appose sa signature tout de même, sur ce document censé émaner de lui. (Hiérarchie oblige) ».

Dérives
C’est dire si le ministre de la Justice, c’est-à-dire le politique, est au cœur des procès en cours. C’est d’ailleurs lui qui autorise l’arrêt des poursuites contre un accusé en cas de restitution du corps de délit, conformément à l’article 18 (1) de la loi n°2011/028 du 14 décembre 2011 portant création d’un Tribunal criminel spécial qui dispose : « En cas de restitution du  corps du délit, le Procureur Général près le Tribunal peut, sur autorisation écrite du ministre chargé de la Justice,  arrêter les poursuites engagées avant la  saisine de  la juridiction de jugement. »
D’autres acteurs pointent du doigt les dérives de l’ « Opération Épervier ». De l’avis de Charly Gabriel Mbock, « entre le discours moral sur ‘l’urgence d’assainissement et l’immoralité des manœuvres et violences procédurales, la contradiction s’est avérée constante et croissante ; par effet cumulatif, elle a fini par convaincre les plus sceptiques que le Cameroun s’est engagé dans un véritable ésotérisme judiciaire : les rituels sacrificiels y semblent aussi impératifs que récurrents, comme pour donner des gages à quelque divinité extranationale en la gorgeant de sang  camerounais[…] L’immolation, rituelle ou non, est une dérive qui n’a pas nécessairement l’adhésion des victimes humaines. » (Mbock, 2011 : 1-2).
Mathias Ecric Owona estime pour sa part que « le déroulement et le déploiement pratiques que des différentes procédures politico-judiciaires ressortissant de l’ « Opération Épervier », donnent de l’intelligibilité à l’hypothèse d’une exploitation politicienne de ces dossiers correspondant à une manœuvre d’élimination d’éventuels prétendants à la Magistrale et Majestueuse Cathèdre présidentielle».
C’est dire si l’on ne saurait évacuer du revers de la main l’hypothèse des procès politiques maquillés en infraction de droit commun.
Jean-Bosco Talla