• Full Screen
  • Wide Screen
  • Narrow Screen
  • Increase font size
  • Default font size
  • Decrease font size
Y'en a marre des jouisseurs qui nous gouvernent !

Y'en a marre des jouisseurs qui nous gouvernent !

Envoyer Imprimer PDF
Note des utilisateurs: / 0
MauvaisTrès bien 
Le monde est en crise. Ailleurs, les dirigeants se tuent à la tâche, cherchent les voies et moyens de se tirer d’affaire. Chez nous, nos gouvernants jouissent de leurs privilèges et tant pis pour les citoyens. Il faut que ça change !
Face à la crise économique, de nombreux pays européens ont décidé de réagir. Ils adoptent çà et là un train de mesures pour juguler le marasme économique actuel dans le vieux continent. En France, par exemple, le Premier ministre, François Fillon, a présenté le 7 novembre dernier un plan d’austérité dont le but, selon lui, est d'économiser 100 milliards d'euros pour arriver à zéro déficit d’ici 2016.
D’une part, le gouvernement français envisage l’augmentation des recettes de l’Etat à travers de nouveaux impôts et, d’autre part, la réduction des dépenses publiques. Parmi les mesures qui visent à diminuer le train de vie de l’Etat, on peut citer la décision symbolique de geler les salaires du chef de l’Etat et des ministres jusqu’en 2016. Cela signifie, en clair, que Nicolas Sarkozy et ses ministres ne seront pas augmentés jusqu’en 2016, comme c’est généralement le cas chaque année. En rappel, le président de la République française perçoit un salaire brut de 21 000 euros (environ 13,5 millions Fcfa) par mois, alors que les ministres touchent 14 000 euros (plus de 9 millions Fcfa) et les secrétaires d’Etat, 13 000 euros (plus de 8 millions Fcfa).
Le Parti socialiste, par la voix de son candidat à la présidentielle 2012, François Hollande, est monté au créneau pour critiquer ces mesures d’austérité, estimant que les pauvres, une fois de plus, paient le plus lourd tribut de la crise. Au lieu du gel des revenus du président de la République et des ministres, Hollande envisage, lui, de réduire de 30% les salaires du président de la République et des ministres une fois qu’il sera à l’Elysée. Le débat fait rage entre le pouvoir et l’opposition. A l’Assemblée nationale, gauche et droite s’étripent. L’avenir de la France est en jeu.
Dans d’autres pays européens, le scénario est pratiquement le même. Le gouvernement espagnol envisage des mesures symboliques, comme la réduction du salaire des ministres de 10%. Ses homologues grec (George Papandréou) et italien (Silvio Berlusconi) après avoir étalé leur incapacité consommée à juguler la crise, ont tout simplement été contraints à la démission.

"Au Cameroun, personne ne parle du profil que devrait avoir le prochain Premier ministre ou le ministre des Finances, ni quel devrait être la priorité du ministre del a Santé ou la feuille de route de celui de l'Education"

Notre but dans cet article n’est pas de valider ou d’invalider la politique économique de ces pays européens. Non ! Les citoyens de ces pays sont mieux outillés pour le faire. Nous voulons simplement constater le bouillonnement intellectuel et politique qui a court dans ces pays pour faire face à la crise économique. La France, la Grèce, l’Espagne, l’Allemagne, l’Italie, etc. sont à un tournant décisif de leur avenir et tout le monde se mobilise pour faire valoir sa solution, quel que soit son bord politique ou idéologique. Jamais, au Cameroun, les citoyens n’ont senti que leur avenir intéressait leurs hommes politiques, leurs intellectuels ou même leur société civile. Tout est question d’intérêt personnel. L’intérêt général n’ayant aucune signification chez nous.
Après une élection présidentielle sur laquelle nous ne souhaitons pas revenir, l’on pinaille désormais sur le futur gouvernement que Paul Biya – s’il le veut – pourrait former. Dans les chaumières, les salons feutrés et même dans les médias, personne ne parle du profil que devrait avoir le prochain Premier ministre ou le ministre des Finances, ni quel devrait être la priorité du ministre de la Santé ou la feuille de route de celui de l’Education, etc. On ergote plutôt sur les ethnies des individus, leur couleur politique, etc. Rien qui soit de nature à faire croire au citoyen camerounais que ses problèmes fondamentaux sont pris en compte dans toutes ces batailles. Certains médias sont mis à contribution par des élites villageoises pour revendiquer tel ou tel poste ministériel, pour avoir, disent-ils, offert au chef de l’Etat – même frauduleusement - 98% lors de la dernière présidentielle.
Normal. Puisqu’au Cameroun, les postes ministériels et les hautes fonctions de l’Etat ne sont pas réservés aux plus compétents, mais sont surtout perçus comme des primes à la fidélité ou à la trahison. Fidélité au maître, au faiseur de rois : Paul Biya. Trahison vis-à-vis du peuple, qui s’est laissé tromper par des individus qui se sont fait passer pour des opposants ou des technocrates brillants, alors qu’ils avaient un seul objectif : accéder à la mangeoire gouvernementale. Et une fois qu’ils y sont, ils jouissent de leurs privilèges, sans limite.

"On annonce des projets, certes, mais sans plans rigoureux de réalisation, encore moins les les moyens de leurs financements."

Le Cameroun est en crise depuis une trentaine d’années. Une crise plurielle qui va crescendo. Il n’y a aucun secteur de la société dont on peut être fier et qui peut aujourd’hui être cité en exemple. Rien ne marche. Tous les horizons s’obscurcissent. Même le football qui, pendant longtemps, a entretenu l’orgueil des Camerounais est aujourd’hui un sujet d’angoisse. Les Lions Indomptables ne sont même plus capables de se qualifier pour une phase finale de Coupe d’Afrique des Nations, à l’indifférence générale de ceux mêmes qui ont souvent récolté (sans avoir semé) les résultats de cette équipe nationale de football… La crise économique que traversent certains pays européens et la mobilisation de leurs dirigeants devraient nous parler. Or, la quiétude de nos hommes politiques tranche avec la permanente récession économique dans laquelle nous sommes enfoncés. Nous sortons d’une élection présidentielle précédée d’une campagne électorale fade et sans aucun intérêt, qui n’a point permis au Camerounais d’avoir le moindre espoir quant à l’avenir. Les discours du chef de l’Etat avant et après l’élection n’ont été que de vagues promesses dont on peine à croire qu’ils aideront véritablement à sortir le Cameroun de la misère. On annonce des projets, certes, mais sans un plan rigoureux de réalisation, encore moins les moyens de leurs financements. Les fameux projets structurants dont on nous bassine ces derniers temps ne sauraient, comme par enchantement, réduire le fossé de la misère qui sépare l’aristocratie gouvernante de ce pays et la masse de la plèbe qui subit chaque jour les contrecoups de la pauvreté et des injustices sociales.
« Les 25 000 fonctionnaires » sont régulièrement présentés comme un grand trophée de guerre dans le combat contre le chômage. Or, plus de 300 000 Camerounais ont postulé à cette opération spéciale de recrutement dans la fonction publique. Il n’y a donc pas de quoi pavoiser, parce qu’au bout de cette opération, il y a eu au moins 275 000 déçus qui sont rentrés – pour les plus chanceux – grossir les rangs des moto-taximen et autres tenanciers de « call-box ».
Il faut, au demeurant, s’interroger sur l’opportunité, en temps de crise, d’une telle opération, considérée comme électoraliste en son temps. Comment peut-on rationnellement penser résoudre le grave chômage des jeunes au Cameroun par le recrutement à la pelle de fonctionnaires ? Pour quel rendement ? Avec quels moyens seront-ils payés ? Qu’est-ce qu’ils pourront produire pour permettre au Cameroun de se relever ? Il eût fallu un peu plus d’imagination et d’originalité pour cette opération qui, à coup sûr, va apporter plus de problèmes aux finances publiques qu’elle ne va véritablement aider le Cameroun.
En France, en Espagne, en Italie, en Grèce, etc., les dirigeants ont décidé de réduire les dépenses de l’Etat. Une telle initiative, si elle était également prise au Cameroun, permettrait de gagner de faramineuses sommes d’argent qu’on investirait utilement. Car le train de vie de l’État est dispendieux, une espèce de tonneau des Danaïdes pour les finances publiques. Véhicules administratifs fantaisistes, frais de missions indus, utilisation abusive du téléphone, organisation coûteuse des séminaires, salaires exorbitants de certains directeurs de sociétés publiques et parapubliques, etc. sont autant de postes de dépenses qui méritent une certaine austérité. Il y a parfois, dans nos administrations, un luxe que rien, mais alors rien, ne justifie.

"Le Cameroun, s'il veut se développer, doit faire son aggiornamento. De nombreux Camerounais ont le sentiment d'être dirigés par d'oisifs jouisseurs."

En 2010, le député de la Manyu, Ayah Paul, a mené une étude sur les dépenses de l’administration camerounaise en frais de mission et en dotation en carburant. Les résultats sont effrayants. Tenez : en 2010, la présidence de la République, tous les services rattachés et les ministères ont consommé 40.892.710.000 Fcfa (quarante milliards huit cent quatre-vingt douze millions sept cent dix mille) de carburant. Une somme réduite dans le budget 2011 à 25.641.537.000 Fcfa (vingt-cinq milliards six cent quarante-un millions cinq cent trente sept mille). Cette réduction n’est pas subséquente. Comment peut-on comprendre que la présidence de la République reçoive à elle seule 3.318.307.000 Fcfa (trois milliards trois cent dix-huit millions trois cent sept mille) de frais de carburant pour l’année 2011 ? Et que dire des 8.329.700.000 Fcfa (huit milliards trois cent vingt et neuf millions sept cent mille) du ministère de la Défense ? Il s’agit de dotations extravagantes, puisque ces bons de carburant, pour la plupart, finissent dans les poches des parents et des maîtresses des fonctionnaires. S’agissant des frais de mission, le député Ayah Paul indique que l’État camerounais a dépensé 70.446.327.000 Fcfa (soixante-dix milliards quatre cent quarante-six millions trois cent vingt-sept mille) en 2010. Cette somme a été réduite de 24% en 2011 pour qu’on se retrouve avec une enveloppe de 53.049.712.000 Fcfa (cinquante-trois milliards quarante-neuf millions sept cent douze mille) de frais de mission.
Le Cameroun, s’il veut se développer, doit faire son aggiornamento. Nos dirigeants, s’ils en ont la volonté et la compétence, doivent identifier un certain nombre de pratiques totalement camerounaises, qui sont autant de freins au développement. En plus, il faut qu’ils travaillent. De nombreux Camerounais ont le sentiment d’être dirigés par d’oisifs jouisseurs. Pour une fois, il faut assimiler la notion d’intérêt général sans laquelle les « grandes réalisations » annoncées ne vont être qu’une rampe d’enrichissement pour les plus riches.
Le véritable péril à la paix (précaire) qui règne au Cameroun, c’est la pauvreté. Il y a en effet une foule menaçante de chômeurs et de pauvres qui s’accroît chaque jour dans nos rues. Il faut s’en inquiéter et y apporter des solutions durables.
Jean-Bruno Tagne
Journaliste, Le Jour

Ajouter un Commentaire


Code de sécurité
Rafraîchir