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« I do so swear » ou la malhonnêteté politique de Biya

« I do so swear » ou la malhonnêteté politique de Biya

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Index de l'article
« I do so swear » ou la malhonnêteté politique de Biya
Prestation de serment
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Les faits
A chaque prestation de serment, à la question du Président de l’Assemblée Nationale « vous engagez-vous sur l'honneur à remplir loyalement les fonctions que le peuple camerounais vous a confié et jurez-vous solennellement devant Dieu et devant les hommes de consacrer toutes vos forces à conserver, protéger, défendre la Constitution et les lois de la République du Cameroun, à veiller au bien général de la Nation, soutenir et défendre l'unité, l'intégrité, l'indépendance de la patrie camerounaise », Biya répond en anglais : « I do so swear ».
Ce serment de la République du Cameroun dispose de plusieurs implications : C’est d’abord un serment de fidélité qui engage la Loyauté de celui qui le prête (en l’occurrence Biya) envers une autre entité objet du serment (peuple camerounais). C’est aussi un serment mystico-religieux compris dans l’action de jurer ou de faire un engagement solennel devant Dieu. C’est par ailleurs un serment politique au sens de la fraternité engageant le Président à conduire les Camerounais vers un destin commun et prospère. C’est enfin un serment d’allégeance ou de soumission du Président au peuple allant dans le sens de ce que le Président fait allégeance au peuple. En termes d’effet, le serment lie le destin de Biya appelé « toutes vos forces » à celui du peuple qu’il défend (deux occurrences). Ce serment est symboliquement contraignant mais, son caractère juridique est discutable.
Interprétations
Tout d’abord, le serment de l’Assemblée Nationale camerounaise n’est pas un serment d’amour. Nulle part, on ne demande au Président de la République d’aimer et de se dévouer pour son pays. Cela constitue une entorse au patriotisme regrettable à ce haut niveau de l’Etat. Ensuite, on pourrait dire que le Cameroun est bilingue et que Biya répond en anglais par respect aux anglophones. Toutefois, on peut s’apercevoir que s’il avait vraiment un peu de considération pour la langue anglaise et le peuple qui la parle au Cameroun, il aurait au moins déjà eu à lancer un simple « good evening » ou « good day » en presque 30 ans de règne sans partage. Mais que non ! Biya ne parle anglais à Yaoundé que lorsqu’il prête serment et on peut y voir une façon de se dérober dudit serment.
Le serment, au sens pragmatique du terme, est un exercice de morale publique destiné à lier l’individu par ses paroles. C’est un pacte de sincérité et de fidélité scellé en public. C’est le pouvoir du verbe qui crée le destin. Il est comme une lettre gravée dans la pierre par opposition à une déclaration d’intention qui est comme une lettre écrite dans le sable et destinée à être emportée par les vagues du temps. Le serment engage moralement. C’est un engagement moral de remplir les devoirs de sa fonction.
En politique, le sens du serment n’est rien d’autre qu’une promesse de fidélité et de dévouement. C’est une question d’honneur, de conscience, de sentiment et de bonne foi. Le fait de « donner sa parole devient un acte quasi magique, une façon pour celui qui le prononce de faire un nœud sur le fil de sa propre destinée, avec toutes les conséquences que cela suppose ». L’expression du serment est donc émotionnelle et/ou sentimentale. Sur le plan linguistique, il est avéré que l’on ne peut pas s’exprimer avec émotion dans une langue que l’on ne maîtrise pas. La meilleure langue d’affection est la langue maternelle ou tout au moins dans le cadre officiel au Cameroun, la première langue officielle du citoyen qui prête serment. Et sur le plan cognitif, la sincérité est d’abord intérieure avant de se manifester par des actes ou des gestes à l’extérieur. Cela veut dire que si de l’intérieur, l’homme n’est pas sincère et honnête, il cherchera à se dérober de son engagement par des actes et des paroles bien orchestrés.
Biya semble avoir lu avec admiration Ken Follett (1992) dans Les piliers de la terre où il est dit que « Prêter serment, c'est mettre son âme en péril. Ne faites jamais un serment à moins d'être capables de mourir plutôt que de vous parjurer. » Alors, Biya se dérobe de son serment. Parler en anglais est pour lui synonyme d’affirmer ce qui ne lui vient pas du fond du cœur, ce qui ne l’engage pas. Ainsi, quand on le critique, sa conscience ne saurait le juger en ceci qu’il ne s’est jamais engagé pour quoi que ce soit. Il n’a jamais fait avec considération son acte d’allégeance au peuple. Ce faisant, il se moque du peuple et on peut être en droit de se douter de ses intentions réelles. D’ailleurs, ses presque 30 ans de passage à vide le prouvent !
« I do so swear » dans l’imaginaire d’un francophone est une parole sans filiation et sans attachement affectif. Le serment de Biya est donc une œuvre d’art apparemment bien conçue pour conclure un marché de dupes avec les Camerounais. Au sens de Stendhal,  c’est un beau mensonge. D’ailleurs, Pierre Corneille dans Le menteur disait : « Un menteur est toujours prodigue de serments ». Mais, comme Biya a apparemment bien lu Ken Follet (1992), il doit déjà commencer à se dire : « Comme c'est terrible d'être vieux et de savoir qu'on a gâché sa vie. » ! La « Génération sacrifiée » sera cruelle avec lui et l’histoire ne lui pardonnera pas d’avoir refusé l’espoir à tout un peuple.
Louis Marie Kakdeu


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