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Pourquoi Paul Biya est une pire catastrophe pour le Cameroun - Page 9

Pourquoi Paul Biya est une pire catastrophe pour le Cameroun - Page 9

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Index de l'article
Pourquoi Paul Biya est une pire catastrophe pour le Cameroun
Paul Biya, responsable de la catastrophe
Tripartite: embryon d'une descente aux enfers
Au nom de l'opacité: les commissions d'enquêtes alimentaires
Un patriotisme de mauvais aloi
Des sorciers pour un bal masqué
Un destin si funeste
«30 ans au pouvoir, c'est assez »
Une gestion des finances publiques très floue
Toutes les pages
Une gestion des finances publiques très floue
La gestion des finances par la présidence et son premier occupant apparaît en effet très floue. L’ambassade des États-Unis de Yaoundé a estimé dans un autre câble que Biya gérait l’argent public comme si c’était son argent de poche. « Nous avons reçu des témoignages de première main, selon lesquels l’entourage de Biya paie avec des valises remplies de centaines de milliers de dollars en espèces les pleins de kérosène de son avion », dit le message de l’ambassade américaine. « Quand Biya s’est rendu à l’Assemblée générale des Nations unies en septembre 2008, un membre de son entourage a été arrêté, alors qu’il tentait de s’échapper de l’hôtel de Genève où logeait Biya, avec une mallette contenant 3,4 millions de francs suisses en espèces (environ 6800 000 dollars) », racontait le même câble.
En septembre 2009, un séjour du président en France a provoqué un petit scandale médiatique au Cameroun: Biya a dépensé 600 millions de FCfa (900 000 euros) pendant trois semaines de vacances passées dans la station balnéaire de La Baule où il s’était rendu en jet privé accompagné d’une imposante suite. La troupe présidentielle avait réservé 43 chambres dans deux hôtels de luxe à raison de 60000 dollars la nuit et s’était lancée « dans une folie dépensière dans les magasins de luxe et les casinos de la place », toujours selon les diplomates américains. Personne n’a encore calculé le coût des longs séjours du président et de son entourage à l’hôtel Intercontinental de Genève, l’un des plus onéreux de la capitale suisse, mais on peut imaginer qu’il pèse lourd sur les finances de l’État.
« Si Biya arrêtait tous ceux qui ont volé, ce serait comme jeter une bombe dans sa propre maison. Il pourrait sauter avec », observait un proche du pouvoir en 2008: tout en étant à l’origine d’une utilisation douteuse des finances publiques, le chef de l’État est lui-même un important acteur des détournements à des fins personnelles. Le scandale de la déroute financière de la Société camerounaise de banque (Scb), en septembre 1989, a révélé pour la première fois publiquement ses pratiques: en 1992, l’ex-directeur de cette banque, Robert Messi Messi, alors en exil au Canada, a déclaré que le couple Biya avait largement ponctionné l’argent de la SCB pour se faire construire, entre autres, un palais et un terrain de golf à 18 trous à Mvomeka’a. La présidence n’a jamais réagi à ses accusations. Plus tard, fin 2006, le procès d’Ondo Ndong a révélé que le Féicom avait fait des versements, au titre « des aides », de plusieurs dizaines de millions de FCfa à la Fondation Chantal Biya ainsi qu’à son Ong Synergies africaines : la Fondation Chantal Biya a notamment reçu, en mai 2001, 60 millions de FCfa pour une « Opération cartable garni en faveur des enfants marginaux du sud-ouest » puis en septembre 2001, 93,1 millions de FCfa pour des opérations similaires. Synergies africaines a obtenu pour sa part 40 millions de fcfa en août 2002 au titre de la « lutte contre le Vih/Sida et les grandes souffrances ». Ces transferts étaient bien sûr illégaux: selon le code de procédure des interventions du Féicom, « les communes sont les seules bénéficiaires des aides », a rappelé le procureur de la République, lors du procès Ondo Ndong. Les détournements de l’argent public par Biya peuvent avoir un paravent légal: pour l’exercice budgétaire 1993-1994, le Parlement a voté une loi de finances qui précisait: « Le président de la République est habilité, en tant que besoin, à prélever et à affecter par décret, à un compte spécial hors budget, tout ou partie des résultats bénéficiaires des entreprises d’État en vue d’assurer la réalisation des opérations prioritaires de développement économique, social et culturel ».
Le cœur du système sur lequel repose la vaste entreprise de siphonage des fonds publics par la présidence est évidemment le pétrole, dont le Cameroun était en 2011 le plus petit producteur d’Afrique subsaharienne avec en moyenne 73 000 barils par jour.
Depuis le début de son exploitation, à la fin des années 1970, l’or noir est géré dans l’opacité: la quantité de pétrole réelle produite par le Cameroun n’a jamais été rendue publique. En 1982, plusieurs observateurs et analystes estimaient que le pays produisait le double de ce qu’il déclarait alors. Ahidjo négociait lui-même les contrats avec les sociétés pétrolières et avait décidé de faire déposer les revenus issus de l’or noir dans un compte
« hors budget » domicilié à l’étranger, pour, disait-il, éviter une « pétrolisation » de l’économie4. « L’odeur du pétrole s’était répandue dans les locaux de tous les départements ministériels.
Le projet du budget provenant de l’ensemble des départements ministériels atteignait, dès la première année de la production pétrolière, pratiquement le quadruple de ce qu’il aurait dû être.
Voilà l’origine du compte hors-budget, autorisé par l’Assemblée nationale [...]. Il s’agissait d’habituer les uns et les autres à ne pas vivre au-dessus de leurs moyens. [...] Ahidjo voulait que les uns et les autres gardent la tête froide, raison pour laquelle il instaura le silence, et non le secret, comme d’aucuns l’ont prétendu, autour du pétrole », a raconté plus tard Samuel Éboua, secrétaire général de la présidence entre 1975 et 19825. C’est  ssentiellement dans ce compte qu’Ahidjo puisait pour financer les gros projets de  développement économique et alimenter sa clientèle.
En 1980 un changement a été opéré avec la création de la Société nationale des hydrocarbures (Snh), chargée de gérer les relations avec les compagnies pétrolières ainsi que les revenus, provenant des paiements des sociétés pétrolières et des ventes directes effectuées par la Snh. Le secteur est cependant resté sous l’étroit contrôle de la présidence. Le lien se fait par le secrétaire général de la présidence, qui est en même temps et de manière quasi systématique président du conseil d’administration de la Snh. Il se fait aussi par le biais du processus de nomination: comme c’est le cas pour toutes les entreprises publiques, le président de la République choisit le président de la Snh.
Depuis 1993, c’est la même personnalité qui occupe ce poste : Adolphe Moudiki. La gestion du pétrole donne lieu évidemment à de la grande corruption impliquant les entreprises pétrolières étrangères. « L’affaire Elf » jugée en 2003 a montré que Biya avait été comme d’autres chefs d’État africains un important bénéficiaire de fonds occultes versés par le pétrolier français : après avoir obtenu une concession, ce dernier donnait à Biya un pourcentage par baril. « Il fallait que ce système soit opaque. Le président de la République (François Mitterrand) ne voulait pas qu’on dise qu’Elf donnait au président du Cameroun », a dit lors du procès l’ancien directeur d’Elf, Loïk Le Floch-Prigent. En 1992, alors que son régime était chancelant, Biya a obtenu un prêt de 45 millions de dollars de la société : « Un jour, j’étais reçu à la présidence camerounaise par le président Paul Biya. Il avait besoin de 45 millions pour sa campagne. J’étais seul avec lui, ces gars-là, ils ne font confiance à personne. Ils ont besoin de cash et ils ont besoin que ce cash échappe à leur ministre des
Finances. C’est pour cela que le groupe Elf monte des off shore qui échappent à tout contrôle, y compris au contrôle des autorités locales qu’ils ne sont pas sûrs de tenir », a raconté l’ancien directeur des « affaires générales » d’Elf, Alfred Sirven6. Elf a consenti le prêt à la Snh, gagé sur la production future du pays.
Une partie a été détournée vers une société offshore située dans les îles Vierges, vraisemblablement au profit de Biya.
Fanny Pigeaud, Au Cameroun de Paul Biya, Paris, Karthala, 2011, pp 145-148.



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