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Direction générale des impôts: au royaume des prédateurs - Page 7

Direction générale des impôts: au royaume des prédateurs - Page 7

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Index de l'article
Direction générale des impôts: au royaume des prédateurs
Quand les chefs d’établissement servent de boucs émissaires
Indignation des chefs d’établissement
Les impôts au cœur d’un réseau parallèle de faux timbres fiscaux
Répartition des tâches
Un réseau aux connexions profondes
Dans le labyrinthe d’une Causa Nostra tropicale
La lettre qui avait dévoilé le pot aux roses
Les machines installées au Cameroun par Mercury
Toutes les pages
Dans le labyrinthe d’une Causa Nostra tropicale
Des machines à affranchir sont déclarées hors d'usage. Officiellement, elles ne sont plus dans le circuit. Officieusement, elles génèrent des milliards de FCfa au détriment de l'État. Les membres du réseau sont intouchables malgré les aveux du directeur général de Mercury.
L'homme par qui le scandale arrive est actuellement l'objet des menaces de mort. Il vit désormais comme un reclus. Pour sa " trahison ", Jacques Landry Batomlack, technicien supérieur en électronique et électrotechnique, débauché un an plus tôt de Cfao Technologies, est l’homme par qui le pot aux roses est découvert. Il a été licencié, le 4 février 2009, par la société Mercury, représentante au Cameroun de la française Neopost, spécialisée dans la fabrication des machines à affranchir.
Le malheur de M. Jacques Landry Batomlack, commence en fin novembre 2008. À cette période, ses collègues sont pour certains au Burkina Faso, au Niger ou au Gabon et pour d’autres, en République centrafricaine, au Sénégal, Mali et Bénin où la société bénéficie des contrats de même nature. Le receveur principal des impôts (Rpi) du Littoral l’invite pour  polir la réinstallation de la machine 0141 à timbrer appartenant à la recette des Domaines de retour d'un dépannage à la direction générale des impôts à Yaoundé.  Au moment d’effectuer cette tâche, alors que cette régie n'a droit qu'à une seule machine, il  est surpris de trouver sur place la machine 0020, mise en service le 20 octobre 2004 à l'Emi-immigration à Douala par M. Jean Siméon Effangono Mbeyo'o, responsable technique de Mercury en activité. Sa surprise vient du fait que le 8 août 2005, la machine 0020 dont le compteur indiquait  qu'elle avait déjà généré 715.996.150 F Cfa, avait été déclarée en panne,  c’est-à-dire hors d'usage suivant une fiche d'intervention signée par le même technicien et le receveur principal des impôts (Rpi) du Littoral I de l'époque. Officiellement donc, elle était  sortie du circuit.
Le 2 décembre 2008, au moment où Jacques Landry Batomlack découvre que cette machine déclarée en panne est en pleine activité à la recette des Domaines de Douala, son compteur indique qu’elle a généré la somme de  2.324.941.280 F Cfa, soit un différentiel de 1,6 milliard. Elle aura alors émis 325.018 timbres, chiffre qui grimpe à 326.009 timbres trois jours plus tard. Pourtant, dans un rapport général des machines du Littoral I, adressé le 7 mai 2008 à la direction générale des impôts par Effangono, indique que la machine 0020 est en réserve à la Rpi, c'est-à-dire en bon état, mais pas en service. Restée en activité jusqu'au 7 janvier 2009, avant d'être emballée dans un plastique noir et placée dans le bureau du fondé de pouvoir de la Rpi du Littoral 1, elle avait été revêtue de la coque de la machine de démonstration Neopost Meter licence afin d’éviter le moindre soupçon.
Après la dénonciation faite par Bitamack, le directeur de Mercury est convoqué à la légion de gendarmerie du Centre et  lors de son audition, il était passé aux aveux. Et avait révélé aux enquêteurs que la 0020, pendant qu'elle était officiellement hors circuit, a servi à l'aéroport international de Douala, à la régie de la recette des Domaines de Douala, à l'Emi-immigration à Douala, au centre divisionnaire des impôts de Nkongsamba et dans les délégations régionales de l'Éducation de base et des Enseignements secondaires de la même ville.
Pour sa défense, Stéphane Soh Fonhoué, né le 23 avril 1976 à Douala, fils de Fonhoue Jean-Pierre et de Eko Céline et domicilié à Bastos Yaoundé, avait déclaré aux gendarmes que ces opérations frauduleuses avaient été effectuées à son insu par ses collaborateurs, dont notamment Effangono, avec la complicité active des fonctionnaires des administrations publiques concernées. Stéphane Soh Fonhoue déclare  au Gendarme : « En effet, je suis le responsable de la société Mercury basée à Yaoundé. À propos de la machine 0020, je sais à ma connaissance que sa carte mère est grillée donc en panne et est hors service. C’est vers la date du05/05/2009 que j’ai été au courant de cette panne par le canal d’un ami du nom de Jean-Pierre soi-disant que l’on parle des faux timbres. Je suis descendu sur Douala. À ma grande surprise, j’ai constaté sur présentation de quatre empreintes, il y avait une qui était bonne et les trois autres fausses. Alors j’ai essayé de faire mon recoupement en laissant à mon collaborateur le soin de me faire le point et la situation des machines. C’est alors que j’ai constaté que c’est Sieur Effa’a Ngono qui serait à l’origine de ce faux sur la machine 0020 qui était supposée être en panne. C’est tout à vous déclarer. »
Ce faisant, il omet sciemment de dire que,  si le contrat liant Mercury à la direction générale des impôts dispose bien que « la configuration et le paramétrage des machines, la transmission des différents codes (utilisateurs aux caissières, superviseur et recredit aux superviseurs) incombe à Mercury», M. Fonhoué est son seul responsable à détenir le logiciel pour création des bureaux d'attache. Au sein de Mercury, il se disait que Stéphane Fonhoue  ne le confiait qu'à oncle  Effangono, son oncle, qui  installait la machine partout où elle servait frauduleusement.
Convoqués par la gendarmerie, aucun des responsables de l'administration fiscale accusés de complicité n’avait daigné se présenter.
L'affaire avait fait des vagues. Le directeur adjoint de la Pj, le commissaire divisionnaire Oumarou Alioum, avait été dessaisi du dossier au lendemain de l'audition du Dg de Mercury. Les pontes du régime et personnalités insoupçonnées seraient dans le coup.
Pendant ce temps, à la direction générale des impôts à Yaoundé, des personnes rencontrées rient sous cape lorsqu’on parle de cette affaire de faux timbres. Un cadre en service à la Dgi se confie : « Vous vous attaquez comme ça à un puissant réseau de personnes qui se considèrent comme des intouchables. Si vous n’êtes pas assez fort, les membres de ce réseau vont vous broyer. Tout le monde sait ici que les gens ont mis en place ce réseau de faux timbres pour s’enrichir. Les sommes engrangées par les membres de ce puissant réseau sont astronomiques, à la limite de l’imaginable ».
Junior Étienne Lantier
Source : Repères n°119 du 22 avril 2009.