Prisons camerounaises : des univers de non-droit - Page 39
Jeudi, 02 Juin 2011 13:42 Clics: 22261
Dossier réalisé par Jade
Index de l'article |
Prisons camerounaises : des univers de non-droit
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Il a un métier dans la tête: la prison transforme la vie du voleur
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Prison centrale de Yaoundé : deux médecins et neuf infirmiers pour 4600 détenus
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Prison d’Edéa : des détenus apprennent à élever des porcs
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Dérives de la garde à vue : en caleçon, dans des cachots infects
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Mal nourris par la prison : les séropositifs abandonnent leur traitement
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Pour l’empêcher de se suicider, Elle vit enchaînée à la prison d’Edéa
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Prison de Mbouda: l’État investit pour adoucir le sort des détenus
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À Bafang et Bangangté, les régisseurs agissent
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Prison principale d’Edéa: petits métiers, petits sous et réinsertion
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Dangers de la promiscuité carcérale: hommes, femmes, mineurs dans le même quartier
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Depuis les émeutes de 2008: Pierre Essobo Andjama croupit en prison
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Après des années de prison: ces détenus attendent le verdict du tribunal
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Prison de New Bell: Les femmes logées à bonne enseigne
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Plus de 80 mois derrière les barreaux
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Copies de jugements égarées: Il a déjà fait neuf ans de prison en trop
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Garde à vue abusiveà Bafoussam: Huit jours de calvaire dans une cellule puante
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Faute de soins et menotté, un suspect meurt dans une gendarmerie de Douala
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Pas facile d’être graciés par le président
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Des détenus de Yabassi vivent de la corvée
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En prison selon l'humeur du préfet
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En prison selon l'humeur du préfet
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Des gardiens de prison participent à des trafics
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Un commerçant armé, abattu par la police
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Cellules sans toilettes à Douala : des nids à maladies pour les gardés à vue.
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Plus de trois ans en prison sans jugement
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Ils distribuaient des tracts politiques : Dix sept jeunes arrêtés et torturés à Douala
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Accusé de tortures : un commissaire de police devant le tribunal
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Accusé de tortures : un commissaire de police devant le tribunal
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Détention provisoire abusive: Il passe 21 mois en prison sans être jugé
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Droit de vote: des détenus
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Prison de New-Bell : des détenus victimes des pratiques sexuelles non consenties
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A la prison de New Bell : Des parloirs pour riches et des
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A la prison de Yabassi: adultes et mineurs logés à la même enseigne
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Prison de Kondengui :
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Interpellation abusive: Il paye 360 000 Fcfa pour être libéré
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Des militaires abattent un jeune homme à Nkongsamba
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Le trafic d’armes dans les prisons camerounaises
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Douala: Hommes, femmes, enfants, entassés dans les mêmes cellules
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La mort rôde dans les prisons camerounaises
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Un prisonnier enchaîné se pend dans sa cellule
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Mort suspecte du chef de Batcham en 2007
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A l'’expiration du mandat de détention provisoire
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Les droits des suspects souvent bafoués
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Ces prisons où la cellule est un privilège
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Me Emmanuel Pensy: Les prisons camerounaises sont des écoles de crime
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Prison de Mbanga : Pauvre ration pour les pauvres
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Interpellation illégale : Une victime d'arrestation abusive raconte son cauchemar
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Prison de New Bell : Une visite qui peut coûter cher
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Univers carcéral : les prix flambent à la prison centrale de Yaoundé
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Atteinte aux droits humains : Un réfugié gardé à vue pendant sept jours à Yaoundé
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Menaces sur la libération de Michel Thierry Atangana en 2012
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Rapports sur le Cameroun: La vie des détenus menacée dans les prisons camerounaises
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Garde à vue: des prostituées victimes de rackets policiers
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Réinsertion: Jean T., ancien détenu, reprend ses études
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Conditions de détention : Prisons surpeuplées et vétustes
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Me Jacques Mbuny témoigne
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Toutes les pages
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Douala: Hommes, femmes, enfants, entassés dans les mêmes cellules
Dans la plupart des commissariats et brigades de gendarmerie de la capitale économique, hommes, femmes, enfants sont entassés dans les mêmes cellules. En totale contradiction avec les règles internationales de la garde à vue. "Un certain Ateba, tueur de taximen, a été appréhendé et gardé à vue à la Base Navale. Enfermée avec lui dans la même cellule, sa maîtresse est tombée enceinte. Elle a été ensuite transférée à New Bell, où elle a accouché".
Le visage fermé, Jean Tchouaffi évoque ce fait divers désolant survenu il y a trois ans. Le président de l’Association camerounaise des droits des jeunes (Acdj) avait réussi, à l’époque, à mobiliser des fonds pour voler au secours de la jeune maman détenue. "Le journal "Cameroun Magazine" avait notamment titré : "Un bébé prisonnier involontaire à New Bell", se souvient Jean Tchouaffi. Cette situation scandaleuse aurait pu être évitée, si les géniteurs de cet enfant ne s’étaient pas retrouvés dans la même cellule.
Cellules communes et vétustes
Partager sa cellule avec des personnes d’âge et de sexe différents, cela ne surprend plus Bernard. Pour y avoir été gardé à vue à plusieurs reprises, ce boutiquier de 40 ans connaît par cœur les cellules du commissariat du 9e arrondissement de Douala. "Il y a bien une cellule pour femmes et une pour hommes, mais sans portes. Il n’y a pas de cellule pour mineurs. Une fois, dans ma salle, il y avait des enfants de moins de 15 ans. Dans la nuit, des viols peuvent avoir lieu ", explique l’ex-détenu.
À Douala, plus de 80 % des brigades de gendarmeries et commissariats disposent de deux cellules au mieux : une pour hommes et une pour femmes ; une seule réservée aux hommes, dans le pire des cas. Les femmes sont alors laissées à la main courante. Les mineurs, eux, sont mélangés avec des adultes de même sexe. Selon un officier de police qui a requis l’anonymat, un grand nombre de ces cellules ont été construites dans les années 1980. "À cette époque, l’accent était moins mis sur les droits de l’homme qu’il ne l’est aujourd’hui. Depuis lors, elles n’ont pas été modifiées parce que l’État ne dispose pas de ressources financières suffisantes", précise-t-il.
Dangers pour les femmes et les enfants
Cette promiscuité n’est pas sans conséquences. "Est-ce normal qu’une fille de 12 ans se retrouve dans une cellule avec une mère de 90 ans ? De même, on n’a jamais tenu compte des mineurs hommes et des adultes. Un garçon de 16 ou 17 ans qui se retrouve dans une cellule avec un homme de 45 ans, ce n’est pas normal. Ça développe l’homosexualité dans notre société", constate le président de l’Acdj.
Un jour, dans la pénombre encombrante de sa cellule, Bernard a assisté, impuissant, à une scène de violence contre une femme. La victime, dans un dernier effort, est parvenue à s’échapper. "Dans ma cellule, j’avais un gars qui était arrêté pour braquage. Il y avait une femme dans une autre cellule. Le braqueur a tenté de la violer. Elle a crié. Une chance pour elle : cette nuit-là, une femme policière était de garde et a mis la victime à l’abri derrière le comptoir. On voulait intervenir… Mais, bon ! Le gars était plus fort que nous, et nous a tabassés".
Ong tenues à distance
Selon les règles minima de traitement des détenus adoptées par les Nations Unies, tout lieu de détention doit comporter une séparation claire entre hommes, femmes et mineurs. Conscientes de ce manquement, certaines autorités administratives et policières redoublent de zèle pour tenir les défenseurs des droits de l’homme à distance. Mais, Jean Tchouaffi a trouvé une voie de contournement. "Nous visitons les commissariats, gendarmeries et autres, clandestinement. Une fois, nous avons initié la visite des cellules dans les commissariats. À l’époque, nous avions demandé au sous-préfet de Douala 1er à visiter les cellules du commissariat. Il nous a répondu que c’était contraire à nos intérêts. C’est pourquoi, j’ai organisé une réunion et j’ai dit à chacun d’aller clandestinement visiter les cellules parce qu’il nous fallait des éléments d’enquête sur les systèmes de garde à vue ", se souvient-il.
Des efforts à confirmer
En 1999, au terme d’une visite de travail au Cameroun, le rapporteur spécial de la Commission des droits de l’Homme des Nations Unies sur la torture, avait recommandé au gouvernement de consacrer d’importantes ressources à l'amélioration des lieux de détention de manière à assurer un minimum de respect pour l'humanité et la dignité de tous ceux que l'État prive de liberté. Ce message a eu quelques échos auprès de l’État qui s’efforce depuis 2000 de construire des cellules séparées pour femmes, enfants et hommes gardés à vue. C’est le cas au nouveau commissariat central numéro un de la ville de Douala.
"Je m’y suis rendu pour rendre visite à un détenu. J’ai constaté qu’il y a bien des cellules séparées. Dans l’ensemble, c’est correct et propre. Cela prouve qu’au Cameroun, il peut y avoir une amélioration dans ce domaine", se réjouit Albert Vicky Ekallé. Des efforts qui demandent à être confirmés.
Christian Locka (Jade)