• Full Screen
  • Wide Screen
  • Narrow Screen
  • Increase font size
  • Default font size
  • Decrease font size
Prisons camerounaises : des univers de non-droit - Page 26

Prisons camerounaises : des univers de non-droit - Page 26

Envoyer Imprimer PDF
Note des utilisateurs: / 0
MauvaisTrès bien 
Index de l'article
Prisons camerounaises : des univers de non-droit
Il a un métier dans la tête: la prison transforme la vie du voleur
Prison centrale de Yaoundé : deux médecins et neuf infirmiers pour 4600 détenus
Prison d’Edéa : des détenus apprennent à élever des porcs
Dérives de la garde à vue : en caleçon, dans des cachots infects
Mal nourris par la prison : les séropositifs abandonnent leur traitement
Pour l’empêcher de se suicider, Elle vit enchaînée à la prison d’Edéa
Prison de Mbouda: l’État investit pour adoucir le sort des détenus
À Bafang et Bangangté, les régisseurs agissent
Prison principale d’Edéa: petits métiers, petits sous et réinsertion
Dangers de la promiscuité carcérale: hommes, femmes, mineurs dans le même quartier
Depuis les émeutes de 2008: Pierre Essobo Andjama croupit en prison
Après des années de prison: ces détenus attendent le verdict du tribunal
Prison de New Bell: Les femmes logées à bonne enseigne
Plus de 80 mois derrière les barreaux
Copies de jugements égarées: Il a déjà fait neuf ans de prison en trop
Garde à vue abusiveà Bafoussam: Huit jours de calvaire dans une cellule puante
Faute de soins et menotté, un suspect meurt dans une gendarmerie de Douala
Pas facile d’être graciés par le président
Des détenus de Yabassi vivent de la corvée
En prison selon l'humeur du préfet
En prison selon l'humeur du préfet
Des gardiens de prison participent à des trafics
Un commerçant armé, abattu par la police
Cellules sans toilettes à Douala : des nids à maladies pour les gardés à vue.
Plus de trois ans en prison sans jugement
Ils distribuaient des tracts politiques : Dix sept jeunes arrêtés et torturés à Douala
Accusé de tortures : un commissaire de police devant le tribunal
Accusé de tortures : un commissaire de police devant le tribunal
Détention provisoire abusive: Il passe 21 mois en prison sans être jugé
Droit de vote: des détenus
Prison de New-Bell : des détenus victimes des pratiques sexuelles non consenties
A la prison de New Bell : Des parloirs pour riches et des
A la prison de Yabassi: adultes et mineurs logés à la même enseigne
Prison de Kondengui :
Interpellation abusive: Il paye 360 000 Fcfa pour être libéré
Des militaires abattent un jeune homme à Nkongsamba
Le trafic d’armes dans les prisons camerounaises
Douala: Hommes, femmes, enfants, entassés dans les mêmes cellules
La mort rôde dans les prisons camerounaises
Un prisonnier enchaîné se pend dans sa cellule
Mort suspecte du chef de Batcham en 2007
A l'’expiration du mandat de détention provisoire
Les droits des suspects souvent bafoués
Ces prisons où la cellule est un privilège
Me Emmanuel Pensy: Les prisons camerounaises sont des écoles de crime
Prison de Mbanga : Pauvre ration pour les pauvres
Interpellation illégale : Une victime d'arrestation abusive raconte son cauchemar
Prison de New Bell : Une visite qui peut coûter cher
Univers carcéral : les prix flambent à la prison centrale de Yaoundé
Atteinte aux droits humains : Un réfugié gardé à vue pendant sept jours à Yaoundé
Menaces sur la libération de Michel Thierry Atangana en 2012
Rapports sur le Cameroun: La vie des détenus menacée dans les prisons camerounaises
Garde à vue: des prostituées victimes de rackets policiers
Réinsertion: Jean T., ancien détenu, reprend ses études
Conditions de détention : Prisons surpeuplées et vétustes
Me Jacques Mbuny témoigne
Toutes les pages

Plus de trois ans en prison sans jugement
Détenu depuis trois ans à la prison de New Bell, Joshua Mbah n'a jamais été jugé. Sa requête de libération en Habeas corpus a été rejetée, au motif qu'il a toujours décliné les convocations des juges. En cause, l'absence de conseils et le mauvais système de notification aux prisonniers.
Accusé de vol aggravé, Joshua Mbah est incarcéré depuis le 16 novembre 2007 à la prison de New-Bell à Douala. Il souffre depuis quelques temps d'une hernie à un stade très avancé qui aurait nécessité une opération, mais attend toujours la décision des autorités. La mine toujours triste, il est moins stressé par cette maladie que par le sort qui lui est réservé depuis son incarcération. "Je suis dans cette prison depuis plus de  trois ans, alors que je ne suis même pas condamné. Durant tout ce temps, je n'ai jamais été convié à me défendre auprès d'un juge", se plaint-il, les yeux larmoyants.
"Une situation inacceptable, affirme l’avocat Éric Nachou Tchoumi. A l'expiration de la durée de la détention provisoire, qui est de six mois et peut être prorogée au plus deux fois, le suspect doit être relâché comme l’exige la loi".Selon lui, aucun motif légal ne saurait être invoqué pour maintenir en détention le prévenu, après le délai prévu dans le mandat de détention provisoire.

Refus de se présenter

Les autorités pénitentiaires et les juges réfutent les allégations de Joshua Mbah. "Il a été convoqué plusieurs fois devant le juge d'instruction. Il ne s'est jamais présenté", soutient Henri Atangana Mbazoa, juge d'instruction auprès du Tribunal de grande instance du Wouri. Selon un registre de ce tribunal, son mandat de détention provisoire a été prorogé une fois de six mois, le 13 mars 2008, et est expiré depuis le mois de septembre de la même année. "Ce sont les multiples absences de Josua Mbah au Tribunal qui ont motivé cette prorogation, dans le but de lui permettre d'être jugé comme le veut la loi", justifie le magistrat. Sans l'avoir rencontré, le tribunal a poursuivi l'enquête préliminaire. Le registre du Tribunal de grande instance du Wouri indique que la phase d'instruction a finalement été close en mars 2011. L'affaire de l'inculpé a alors été renvoyée devant la juridiction de jugement.
Une fois derrière les barreaux, la plupart des détenus pauvres des prisons camerounaises, à l'instar de Joshua Mbah, ne sont pas au courant de la suite accordée à leurs affaires : ils n'ont pas d'avocats et sont pénalisés par le système de notification des détenus invités à se présenter devant les juridictions, en vigueur dans les prisons. En effet, une fois l'avis d'extraction reçu des différents tribunaux, les autorités des prisons se chargent certes d'informer les concernés, mais par des voies souvent peu efficaces. "A l'intérieur de la prison, nous affichons les noms des détenus concernés par les mandats d'extraction pour les tribunaux, et, le matin, nous procédons à l'appel de leurs noms", explique Dieudonné Engonga Mintsang, le régisseur de la prison de New Bell à Douala. Il soutient que cette technique est efficiente. "Après plus d'une convocation des magistrats, la probabilité qu'un inculpé ne connaisse pas la notification de son mandat d'extraction est inexistante, sauf en cas de maladie". Selon le régisseur, outre les malades, deux catégories de détenus ne répondent souvent pas aux convocations des instances judiciaires : les prévenus fatigués des nombreux renvois et ceux suspectés de crime. Ces derniers, qui encourent des peines d'emprisonnement d'au moins 10 ans, préfèrent feindre d'ignorer qu'ils ont été invités à comparaître devant les juges, afin d'introduire une requête en habeas corpus pour être libéré à l'expiration du délai légal de leur détention provisoire, explique le responsable du pénitencier. "La loi ne nous autorise pas à extraire un prisonnier sans son consentement", justifie-t-il.

Habeas Corpus

Ne sachant pas qu'il avait déjà été convoqué plusieurs fois par des juges, Josua Mbah a introduit une requête en habeas corpus le 25 avril dernier, pour être libéré immédiatement, faute d'une décision de justice qui le condamne à une peine d'emprisonnement. Pauvre, incapable de se payer les services d'un avocat, sa requête a été rédigée par l’un de ses compagnons de prison et adressée à la présidente du Tribunal de grande instance du Wouri. Dans cette demande, il explique l’illégalité de sa détention provisoire. Sa requête a été rejetée par les magistrats. Selon Thomas Roger Ntomb, le juge de l'affaire en Habeas corpus, cette demande était infondée. "Après vérification, nous avons constaté que le prévenu avait déjà été convoqué deux fois aux audiences publiques. S'il s'était présenté devant les magistrats, il aurait déjà été jugé", explique t-il. Des allégations que conteste l'avocat Éric Nachou Tchoumi qui soutient la libération inconditionnelle de Joshua Mbah. Pour lui, renvoyer ce suspect devant les tribunaux, après plus de trois ans de prison sans jugement, est un abus. "Le renvoi devant la juridiction de jugement en ce moment, ne peut en aucun cas couvrir le vice lié à l'illégalité de la détention de Joshua Mbah", précise t-il. Suite au constat des multiples absences de Joshua Mbah aux convocations du juge d'instruction, conclut l'avocat, il aurait dû être jugé par défaut avant l'expiration de son mandat de détention provisoire. Le malade continue de croupir en prison en attendant une prochaine convocation devant les juges.
Anne Matho (Jade)