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Prisons camerounaises : des univers de non-droit - Page 23

Prisons camerounaises : des univers de non-droit - Page 23

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Index de l'article
Prisons camerounaises : des univers de non-droit
Il a un métier dans la tête: la prison transforme la vie du voleur
Prison centrale de Yaoundé : deux médecins et neuf infirmiers pour 4600 détenus
Prison d’Edéa : des détenus apprennent à élever des porcs
Dérives de la garde à vue : en caleçon, dans des cachots infects
Mal nourris par la prison : les séropositifs abandonnent leur traitement
Pour l’empêcher de se suicider, Elle vit enchaînée à la prison d’Edéa
Prison de Mbouda: l’État investit pour adoucir le sort des détenus
À Bafang et Bangangté, les régisseurs agissent
Prison principale d’Edéa: petits métiers, petits sous et réinsertion
Dangers de la promiscuité carcérale: hommes, femmes, mineurs dans le même quartier
Depuis les émeutes de 2008: Pierre Essobo Andjama croupit en prison
Après des années de prison: ces détenus attendent le verdict du tribunal
Prison de New Bell: Les femmes logées à bonne enseigne
Plus de 80 mois derrière les barreaux
Copies de jugements égarées: Il a déjà fait neuf ans de prison en trop
Garde à vue abusiveà Bafoussam: Huit jours de calvaire dans une cellule puante
Faute de soins et menotté, un suspect meurt dans une gendarmerie de Douala
Pas facile d’être graciés par le président
Des détenus de Yabassi vivent de la corvée
En prison selon l'humeur du préfet
En prison selon l'humeur du préfet
Des gardiens de prison participent à des trafics
Un commerçant armé, abattu par la police
Cellules sans toilettes à Douala : des nids à maladies pour les gardés à vue.
Plus de trois ans en prison sans jugement
Ils distribuaient des tracts politiques : Dix sept jeunes arrêtés et torturés à Douala
Accusé de tortures : un commissaire de police devant le tribunal
Accusé de tortures : un commissaire de police devant le tribunal
Détention provisoire abusive: Il passe 21 mois en prison sans être jugé
Droit de vote: des détenus
Prison de New-Bell : des détenus victimes des pratiques sexuelles non consenties
A la prison de New Bell : Des parloirs pour riches et des
A la prison de Yabassi: adultes et mineurs logés à la même enseigne
Prison de Kondengui :
Interpellation abusive: Il paye 360 000 Fcfa pour être libéré
Des militaires abattent un jeune homme à Nkongsamba
Le trafic d’armes dans les prisons camerounaises
Douala: Hommes, femmes, enfants, entassés dans les mêmes cellules
La mort rôde dans les prisons camerounaises
Un prisonnier enchaîné se pend dans sa cellule
Mort suspecte du chef de Batcham en 2007
A l'’expiration du mandat de détention provisoire
Les droits des suspects souvent bafoués
Ces prisons où la cellule est un privilège
Me Emmanuel Pensy: Les prisons camerounaises sont des écoles de crime
Prison de Mbanga : Pauvre ration pour les pauvres
Interpellation illégale : Une victime d'arrestation abusive raconte son cauchemar
Prison de New Bell : Une visite qui peut coûter cher
Univers carcéral : les prix flambent à la prison centrale de Yaoundé
Atteinte aux droits humains : Un réfugié gardé à vue pendant sept jours à Yaoundé
Menaces sur la libération de Michel Thierry Atangana en 2012
Rapports sur le Cameroun: La vie des détenus menacée dans les prisons camerounaises
Garde à vue: des prostituées victimes de rackets policiers
Réinsertion: Jean T., ancien détenu, reprend ses études
Conditions de détention : Prisons surpeuplées et vétustes
Me Jacques Mbuny témoigne
Toutes les pages

Pour arrondir des fins de mois difficiles
Des gardiens de prison participent à des trafics
Mal rémunérés et parfois sans perspectives d'avancement, des fonctionnaires de l'administration pénitentiaire font rentrer des produits illicites dans les prisons. Les trafiquants leur graissent la patte.
Au Cameroun, le personnel de l'administration pénitentiaire et surtout les gardiens de prison comptent parmi les hommes en tenue les plus mal lotis, côté salaire. Postés devant, à l'intérieur ou dans les bureaux de chaque prison du pays, ils n'hésitent pas à rançonner visiteurs et détenus, ou à nouer des complicités avec certains d’entre eux pour introduire des produits illicites. Une activité des plus lucratives.
Une source pénitentiaire concernée par la situation soutient ainsi qu'au moins 80 % des gardiens de la prison centrale de Douala coopèrent avec des détenus impliqués dans la vente de cocaïne, de chanvre indien, de comprimés, de whisky en sachet, de cigarettes.... "Un matin, j’ai vu un prétendu visiteur entrer avec quatre sachets contenant du whisky blanc frelaté, appelé "fôfo". A vue d’œil, ça ressemblait à de l’eau ensachée, ce qui était faux ",témoigne un gardien de prison qui avoue avoir fermé les yeux, sachant que ses collègues étaient sûrement dans le secret.

Des affaires bien protégées

Il n'est pourtant pas aisé de pénétrer dans une prison. Multiples sont les barrières de fouille corporelle et de test de tous les produits. Pour y introduire des produits prohibés, le trafiquant incarcéré doit donc obtenir au préalable la caution d’un ou de plusieurs gardiens contre des espèces sonnantes et trébuchantes. "Des portiers laissent entrer des stupéfiants contre 300 000 Fcfa par exemple. Ce qui peut rapporter au trafiquant 1 million de Fcfa. Certains détenus allant jusqu’à donner 200 000 Fcfa et même plus au chef", confie sous anonymat un gardien. Selon l’un de ses collègues, des ex-détenus continuent à trafiquer avec des personnes encore incarcérées.
Connaissant très bien la prison et ses différents circuits d’affaires, ces ex-détenus organisent le ravitaillement en toute impunité. "Ils glissent des colis à l'intérieur de la prison, à travers la barrière. Un gardien, posté au mirador et au parfum de l’opération, facilite la réception du colis qui disparaît aussitôt", explique-t-il. Des détenus réalisent de telles bonnes affaires qu'ils ne souhaitent même plus être libérés.
Les gardiens gagnent aussi de l'argent en escortant des personnalités interpellées dans le cadre de la campagne de lutte contre la corruption, initiée par les pouvoirs publics et baptisée Opération Epervier. Une fois, en dehors de la prison, le gardien joue les garçons de course auprès du détenu VIP, lui donne l'opportunité de se mouvoir à sa guise et de profiter de la vie. Il reçoit en contrepartie jusqu'à 200 000 Fcfa en fonction des circonstances et du service rendu. "Le chef qui désigne un gardien de prison pour escorter un détenu Vip, attend en retour sa part du gâteau. Si le chargé d’escorte a reçu de l’argent du pensionnaire, il peut glisser jusqu'à la moitié du montant à son chef", confie un gardien.

Des salaires minables

Le personnel pénitentiaire justifie son comportement véreux par ses difficultés à joindre les deux bouts. "Vous louez un appartement avec deux chambres, un salon, une douche et une cuisine. Vous payez mensuellement 35 000 F Cfa. L’électricité vous revient à 5 000 F/mois et l’eau à 2 000 F. Vous habitez à Japoma et travaillez à New-Bell, le taxi vous coûte 1000 F/jour, soit 30 000 F/mois. Ration et maladie étant exclues. Ça fait 100 000 F/mois et ça ne résout pas votre problème", énumère un gardien.
Les salaires du personnel de l'administration pénitentiaire et surtout des gardiens de prison sont des plus modiques. Au sortir de l’école, le gardien élève stagiaire touche 45 000 Fcfa par mois. Un à deux ans plus tard, titularisé comme gardien de prison, il reçoit 75 000 Fcfa par mois. "Certains majors de la police sortis de l’école la même année que nous, un mois avant, sont aujourd’hui des principaux, c’est-à-dire 3V en or ou majors, alors que nous sommes au même grade. Je suis sorti de l’école avec 2V blancs", fulmine un gardien, ayant sept ans d’ancienneté et qui touche 90 000 Fcfa par mois. Les gardiens reçoivent en plus 20% de leur salaire en guise d'indemnité de non logement, zéro prime d’escorte, zéro indemnité de risque ou d'heures supplémentaires.
"Nos responsables font tout pour bloquer le concours interne, parce qu’ils savent que s’ils le lancent, des intellectuels pourront se retrouver à leur niveau et les rivaliser. Ils préfèrent les concours directs parce qu’ils savent que nous, les intellectuels déjà dans le corps (nous avons présenté le concours avec le niveau Cep), nous ne pouvons plus les passer. Et parce qu’ils négocient les places pour leurs enfants. Ils en achètent même. Nous avons essayé de constituer des dossiers pour le concours direct mais nos dossiers ont été rejetés. Le dernier concours interne a été lancé en 1986". Il y a vingt cinq ans !
Quant au statut spécial du corps des fonctionnaires de l’administration pénitentiaire signé le 29 novembre 2010, il n'est toujours pas en vigueur. Il prévoit pourtant des dispositions qui amélioreraient les conditions de travail et de vie des agents de l’administration pénitentiaire. Mais en attendant… Il faut bien vivre !
Théodore Tchopa (Jade)