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Prisons camerounaises : des univers de non-droit - Page 22

Prisons camerounaises : des univers de non-droit - Page 22

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Index de l'article
Prisons camerounaises : des univers de non-droit
Il a un métier dans la tête: la prison transforme la vie du voleur
Prison centrale de Yaoundé : deux médecins et neuf infirmiers pour 4600 détenus
Prison d’Edéa : des détenus apprennent à élever des porcs
Dérives de la garde à vue : en caleçon, dans des cachots infects
Mal nourris par la prison : les séropositifs abandonnent leur traitement
Pour l’empêcher de se suicider, Elle vit enchaînée à la prison d’Edéa
Prison de Mbouda: l’État investit pour adoucir le sort des détenus
À Bafang et Bangangté, les régisseurs agissent
Prison principale d’Edéa: petits métiers, petits sous et réinsertion
Dangers de la promiscuité carcérale: hommes, femmes, mineurs dans le même quartier
Depuis les émeutes de 2008: Pierre Essobo Andjama croupit en prison
Après des années de prison: ces détenus attendent le verdict du tribunal
Prison de New Bell: Les femmes logées à bonne enseigne
Plus de 80 mois derrière les barreaux
Copies de jugements égarées: Il a déjà fait neuf ans de prison en trop
Garde à vue abusiveà Bafoussam: Huit jours de calvaire dans une cellule puante
Faute de soins et menotté, un suspect meurt dans une gendarmerie de Douala
Pas facile d’être graciés par le président
Des détenus de Yabassi vivent de la corvée
En prison selon l'humeur du préfet
En prison selon l'humeur du préfet
Des gardiens de prison participent à des trafics
Un commerçant armé, abattu par la police
Cellules sans toilettes à Douala : des nids à maladies pour les gardés à vue.
Plus de trois ans en prison sans jugement
Ils distribuaient des tracts politiques : Dix sept jeunes arrêtés et torturés à Douala
Accusé de tortures : un commissaire de police devant le tribunal
Accusé de tortures : un commissaire de police devant le tribunal
Détention provisoire abusive: Il passe 21 mois en prison sans être jugé
Droit de vote: des détenus
Prison de New-Bell : des détenus victimes des pratiques sexuelles non consenties
A la prison de New Bell : Des parloirs pour riches et des
A la prison de Yabassi: adultes et mineurs logés à la même enseigne
Prison de Kondengui :
Interpellation abusive: Il paye 360 000 Fcfa pour être libéré
Des militaires abattent un jeune homme à Nkongsamba
Le trafic d’armes dans les prisons camerounaises
Douala: Hommes, femmes, enfants, entassés dans les mêmes cellules
La mort rôde dans les prisons camerounaises
Un prisonnier enchaîné se pend dans sa cellule
Mort suspecte du chef de Batcham en 2007
A l'’expiration du mandat de détention provisoire
Les droits des suspects souvent bafoués
Ces prisons où la cellule est un privilège
Me Emmanuel Pensy: Les prisons camerounaises sont des écoles de crime
Prison de Mbanga : Pauvre ration pour les pauvres
Interpellation illégale : Une victime d'arrestation abusive raconte son cauchemar
Prison de New Bell : Une visite qui peut coûter cher
Univers carcéral : les prix flambent à la prison centrale de Yaoundé
Atteinte aux droits humains : Un réfugié gardé à vue pendant sept jours à Yaoundé
Menaces sur la libération de Michel Thierry Atangana en 2012
Rapports sur le Cameroun: La vie des détenus menacée dans les prisons camerounaises
Garde à vue: des prostituées victimes de rackets policiers
Réinsertion: Jean T., ancien détenu, reprend ses études
Conditions de détention : Prisons surpeuplées et vétustes
Me Jacques Mbuny témoigne
Toutes les pages

Rackets des forces de l’ordre
Quand les suspects achètent leur liberté
Des officiers de police mettent en garde à vue des suspects qu’ils libèrent moyennant le versement de sommes d’argent. En totale violation de la loi.
Il a fallu des heures de négociations à ses proches pour que le garagiste, Ndomchima Richard, se décide à parler de sa mésaventure survenue au mois d’août dernier. "Un ami et sa copine sont venus me rendre visite au garage, un mercredi soir. Avec un collègue, nous avons décidé de leur offrir un pot dans une buvette des environs de l’aéroport international de Douala. Pendant qu’on buvait, il s’est mis à pleuvoir abondamment. La copine de mon ami nous a dit qu’elle ne pouvait pas regagner sa maison parce qu’elle redoutait les agressions. Nous nous sommes arrangés pour payer une nuitée d’hôtel au couple. Arrivée à l’hôtel, la fille s’est mise à alerter le voisinage et à nous accuser d’être des agresseurs en possession d’armes", raconte d’une voix tremblotante le jeune mécanicien.

Arrêtés sans mandat

Le week-end suivant, Ndomchima Richard, Kuisseu William Joel et Komongou Aaron, qui croyaient le mauvais vent passé, ont été arrêtés sans aucun mandat par des policiers des équipes spéciales d’intervention rapide (Esir) pour "viol" et "détention d’armes blanches" et conduits à la Direction régionale de la police judiciaire du Littoral. "À la Police judiciaire, nous avons passé deux semaines, entassés parfois jusqu’à quatorze dans une cellule infecte. Les policiers nous ont demandé 550.000 F CFA pour nous libérer. Malgré le versement de cet argent par nos trois familles, ils nous ont envoyés au tribunal où nous avons encore donné 750.000 F CFA pour être enfin libres ", précise Ndomchima Richard.
Au cours de ce même mois d’août, et à quelques encablures du lieu de détention des trois jeunes hommes, Ouadjiri Abdoulaye, un gérant d’un parking de motos au quartier Bonaloka, accusé de recel, a été contraint de verser 360.000 Fcfa aux gendarmes de la brigade des pistes de l’aéroport de Douala pour retrouver la liberté. "Il fallait le faire pour sortir de ces cellules exigües (Ndlr : un peu plus d’un mètre carré) mais propres. Certains gendarmes nous refusaient le droit de nous servir des toilettes et, en plus, rançonnaient nos visiteurs. Argent, papiers hygiéniques, savons, leur étaient réclamés non sans les insulter à chaque fois", se souvient-il.

"Des brebis galeuses"

À Douala, gendarmes et policiers interpellent de plus en plus sans mandat, à des heures et jours proscrits, des suspects qu’ils libèrent par la suite contre des sommes d’argent. Sous anonymat, un officier de police ne nie pas l’existence de ce phénomène rampant dans les forces du maintien de l’ordre. Il indique cependant "qu’il s’agit d’actes isolés de certaines brebis galeuses comme il en existe dans tous les corps de métier. Lorsque ces fonctionnaires sont reconnus coupables de telles dérives, ils sont blâmés, suspendus ou radiés".
Pour maître Antoine Pangue, avocat au barreau du Cameroun, ces sanctions administratives sont insuffisantes. "Un policier qui libère un suspect moyennant une somme d’argent commet l’infraction de corruption. L’acte qu’il pose, cause un préjudice à la société, à la victime de l’infraction et même à l’auteur de l’infraction", explique l’avocat. En effet, en son article 134, le code pénal camerounais stipule : "Est puni d’un emprisonnement de 5 à 10 ans et d’une amende de 200 000 à 2 millions de Fcfa, tout fonctionnaire ou agent public, qui, par lui-même ou par un tiers, sollicite, agrée ou reçoit des offres, dons ou présents pour faire, s’abstenir de faire ou ajourner un acte de sa fonction".

Principes foulés au pied

Ce n’est pas la première fois que des fonctionnaires des forces l’ordre sont soupçonnés de corruption. Depuis quelques années, l’Ong "Transparency international", dans ses rapports sur le Cameroun, classe la police parmi les corps de métier les plus gangrenés par la corruption. Ce qui est loin de décourager certains agents qui continuent à racketter et à garder à vue des suspects aux jours et heures proscrits par la loi. "On était en train de travailler au garage, un samedi, lorsque les éléments des Esirs nous ont embarqués.", se souvient Ndomchima Richard. Or, l’article 118 du code de procédure pénale dispose que "sauf cas de crime ou de délit flagrant, la mesure de garde à vue ne peut être menée les samedi et dimanche ou jours fériés. Si elle a été menée avant, cette garde à vue peut se poursuivre ces jours-là".
"Bien que les conditions du code de procédure pénale soient drastiques, ses principes sont malheureusement foulés au pied par ceux qui doivent le mettre en application notamment cet article 118", regrette Me Sterling Minou, avocat au barreau du Cameroun
En dépit des dénonciations régulières des défenseurs des droits de l’Homme, les dispositions du code de procédure pénale peinent à être respectées…six ans après son introduction.
Christian Locka (Jade)