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Communauté internationale: Entre diplomatie et stratégie à géométrie variable - Quelques réflexions sur la notion de communauté internationale

Communauté internationale: Entre diplomatie et stratégie à géométrie variable - Quelques réflexions sur la notion de communauté internationale

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Index de l'article
Communauté internationale: Entre diplomatie et stratégie à géométrie variable
Entre diplomatie et stratégie à géométrie variable
Quelques réflexions sur la notion de communauté internationale
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Quelques réflexions sur la notion de communauté internationale

« La Communauté internationale », voilà un concept aujourd’hui vague, confus et très controversé, parce que polysémique, c’est-à-dire, à plusieurs sens. Pour certains, il s’agit de quelques pays industrialisés de l’Occident, regroupés au sein du G8. Pour certain aussi, c’est le Conseil de sécurité des Nations unies, surtout ses cinq membres permanents qui jouissent du droit de véto depuis 1945, au détriment de la majorité des membres de cette organisation, au détriment des puissances émergentes et des réalités du monde multipolaire, polycentrique et hétérogène actuel. Pour certains également, la Communauté internationale, ce sont les Nations-Unies, dans leur entièreté, avec l’ensemble des pays regroupés au sein de l’Assemblée générale de cette organisation. Pour bien d’autres, c’est le groupe des 77, le G.20, les regroupements politico-économiques régionaux (Union européenne, Union Africaine, Ligue Arabe, Cedeao, Otan ), etc. la Société civile internationale (à l’instar des altermondialistes qui défendent les causes précises et dont les membres se recrutent dans tous les Continents), etc. Toutes choses qui reflètent l’hétérogénéité du monde d’aujourd’hui.

Comme on le constate, la Communauté internationale est une notion à visages multiples, qui se construit autour des préoccupations particulières des parties prenantes, et que l’on manipule au gré des intérêts et enjeux économico-stratégiques, et des rapports de force dans tel ou tel pays, dans telle ou telle région. Il faut dire que des Journalistes et autres hommes de médias de certains pays du Nord entretiennent la confusion, et déroutent nombre de personnes sur cette notion. Car, comment comprendre que, pour le cas du conflit postélectoral en Côte d’Ivoire par exemple, ceux-ci parlent du « Président reconnu par la Communauté internationale, et même, par l’ensemble de la Communauté internationale », alors qu’il s’agit, tout simplement, de certains pays faisant partie de la Société Internationale. Sur les insurrections actuelles en Lybie, "une certaine Communauté internationale" ne réussit pas à se démarquer. Sur cette question, l’on constate plutôt qu’une certaine Communauté internationale s’active, la France en tête, pour faire directement et ouvertement la guerre au régime de Kaddafi avec des frappes aériennes, sous prétexte de protéger les populations civiles. Les condamnations de cet agissement de cette France impérialiste commencent déjà à tomber, notamment celles de la Ligue arabe. De ce qui précède, l’on constate qu’en réalité, aujourd’hui, il n’y a pas de Communauté internationale unique, il n’y a pas la "Communauté internationale", parce que l’article « la » en grammaire française ou « the » en grammaire anglaise doit indiquer quelque chose de précis, se rattacher à un objet bien déterminé. À vrai dire, il y a plutôt des "Communautés internationales", derrière lesquelles se trouvent et agissent fortement les États qui défendent des intérêts multiformes, divers, variés. Mais, les États ne sont pas les seuls acteurs des relations internationales. Il faut compter avec les Organisations internationales non gouvernementales, les firmes multitransnationales, la Société civile internationale, etc. À cet égard, nous inclinons à penser, et nous pensons que la Communauté internationale, appréhendée dans un sens global doit impliquer l’ensemble de tous les États, ou tout au moins, la majorité des États qui composent la Société internationale.

I-    Les raisons de l’émergence, mieux, du renforcement d’une Communauté internationale oligarchique, agressive et conservatrice.

Il est important de rappeler que dans les années 80, les pays en développement ont essayé de négocier un nouvel ordre économique international avec les pays du Nord. C’est ce qu’on appelait alors "les négociations globales". Ces négociations ont échoué, parce que, torpillées par une certaine Communauté internationale oligarchique (notamment les États-Unis et l’Europe occidentale), soucieuse de conserver l’ordre international ancien en vigueur, qui leur est favorable, et que Mohammed Bedjaoui a appelé : "l’ordre international de la misère" (Voir son ouvrage : Pour un nouvel ordre économique international, Paris, Unesco, 1980). En effet, l’ordre international institué depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale garantit à une certaine Communauté internationale, des positions de domination acquises, au sein de la Société Internationale, et qu’elle n’entend pas perdre.

Il est important de rappeler par ailleurs que, depuis des années, les pays du Sud exigent une reconfiguration du Conseil de Sécurité des Nations unies pour refléter la réalité actuelle d’un monde multipolaire, polycentrique et hétérogène. Mais, malgré les paroles et les discours soporifiques de certains pays occidentaux qui font semblant d’aller dans le sens des revendications des pays du Sud, une certaine Communauté internationale entend conserver la configuration actuelle du Conseil de sécurité, refusant ainsi par là même la démocratisation de cet organe important des Nations-Unies, et partant, la démocratisation d’autres organisations et instances du système international. Et pourtant, la France par exemple, avec moins de 70 millions d’habitants n’équivaut pas, sur le plan démographique, l’Afrique qui compte un milliard d’habitants. Et pourtant, le PIB de l’Afrique dépasse aujourd’hui celui de certains pays membres du Conseil de sécurité.

Il faut souligner qu’aujourd’hui, l’ordre économique international ancien est bousculé par les grands pays émergents d’Asie (la Chine, l’Inde, etc.), d’Amérique latine (le Brésil, le Mexique, etc.) et aussi d’Afrique (l’Afrique du Sud). Face à cette nouvelle donne, une certaine Communauté internationale émerge, se renforce et se dresse, pour défendre bec et ongles ses positions acquises jusqu’ici, au sein de la Société Internationale, mais qui s’érodent inexorablement. Pour cela, cette Communauté internationale là s’abat sur son ventre mou, c’est-à-dire l’Afrique, dernier rempart des richesses du monde, détentrice des plus grandes réserves mondiales des ressources stratégiques. Oui, l’Afrique reste le ventre mou de cette Communauté internationale oligarchique, et conservatrice par ce qu’elle est désunie, ne parle pas d’une seule voix, est fortement consommatrice des modèles étrangers ; parce qu’elle n’est pas une puissance technologique, militaire et nucléaire ; parce qu’elle  n’est pas encore consciente de ce qu’elle est.

II/La démocratie : nouveau cheval de bataille de cette Communauté internationale oligarchique et conservatrice.

Pour conserver ses positions de domination, la démocratie apparaît comme la nouvelle trouvaille et le cheval de bataille de cette Communauté internationale oligarchique. Démocratie qu’elle apprécie et applique d’ailleurs à géométrie variable dans les pays du Sud, selon que ceux-ci lui sont réticents, récalcitrants ou obéissants. Elle n’hésite pas à imposer cette démocratie par la force des armes, comme cela a été le cas en Irak. Elle applaudit les coups d’État qui renversent les dirigeants démocratiquement élus, quand cela arrange ses intérêts et les condamne quand ce n’est pas le cas.

Quand cela l’arrange, cette Communauté internationale oligarchique soutient les institutions nationales souveraines chargées d’encadrer les élections présidentielles dans les pays du Sud et, dans le cas contraire, elle les conteste et les combat. Cette communauté internationale là n’a pas empêché la guerre en Irak et la destruction de ce pays, malgré l’existence du Conseil de Sécurité des Nations unies. Elle n’a pas fait adopter une résolution par le Conseil de sécurité des Nations Unies sur le « No fly zone » pour protéger les populations civiles irakiennes contre les agresseurs. Cette Communauté internationale là est prête à soutenir les insurrections armées, et des mouvements de rebelles et autres rebellions fantômes, parfois non facilement localisables, même s’il s’agit des terroristes et autres mercenaires, tout simplement pour maintenir et encourager le désordre et l’instabilité dans les pays émergents ou en voie d’émergence du Sud, pour qu’elle revienne ensuite en force, en "sapeur pompier", au grand bonheur de ses hommes d’affaires, de ses entreprises, de ses chômeurs, etc. Pour que survive l’ordre international ancien, cette Communauté internationale là, ne s’encombre pas de la théorie du "soft power" (Voir Joseph Nye) dans les Relations internationales qui repose sur la séduction et la persuasion pour atteindre ses objectifs et/ou défendre ses intérêts, mais elle procède davantage par la coercition, la diplomatie de la canonnière, voire, la stratégie de l’asphyxie des dirigeants et des peuples qui ne leur sont pas acquis, au grand dam des droits de l’homme qu’elle prétend pourtant promouvoir. Nous osons espérer que l’éveil politique et des consciences des populations africaines que l’on observe en ce début du 21e siècle, va faire en sorte que, finalement, l’Afrique soit consciente de ce qu’elle est, et ne se laisse plus ballotée par les vents et les intérêts de cette étrange Communauté internationale oligarchique et conservatrice. Après le piège des plans d’ajustement structurel, c’est maintenant le piège de la démocratie, car s’il est vrai qu’il y a des Valeurs universelles dont on ne peut plus se passer dans les temps modernes telles, la liberté, la solidarité, la démocratie, etc. l’Afrique doit puiser les fondements de celles-ci dans ses Sociétés traditionnelles ancestrales, c’est-à-dire, celles qui existaient avant la colonisation. Cette colonisation qui a prétendu que les sociétés africaines n’avaient aucune valeur positive, de la religion à la politique, en passant par la technologique et l’économie. Non, les sociétés ancestrales africaines étaient, à bien des égards, des sociétés démocratiques. Ceci apparaît sans équivoque dans les ouvrages d’histoire, de sociologie, d’anthropologie, de littérature, etc. des auteurs africains et africanistes. L’Afrique doit savoir que, la mondialisation ne signifie pas l’uniformisation à l’échelle universelle, des modes de penser et d’agir de l’Occident, dans un monde pourtant hétérogène. C’est en refusant cela que des pays d’Asie et d’Amérique latine marquent leurs différences et sont devenus de grands pays émergents.
Jean Paul Ayina
Ministre plénipotentiaire,
Enseignant associé à l’Iric et à l’Enam