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Livres Débris de rêves - Page 2

Débris de rêves - Page 2

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Index de l'article
Débris de rêves
Les Bonnes feuilles
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Pensées
On ressent la crise à l’estomac
5- Un professeur de lycée s’adapte au contexte de crise multiforme qui s’est abattue sur son pays ; il loue depuis la fin de sa très lointaine lune de miel une étroite chambre dans un quartier populeux - uniquement pour les besoins de son bas-ventre.
Depuis quelques mois, presque tous les jours, il descend de plus en plus seul, non plus suivi ni accompagné de sa partenaire du moment, mais plutôt les bras chargés de provisions qu’il va consommer en cachette. Ceux qui le connaissent mieux prétendent qu’il se soustrait ainsi aux agacements d’une nombreuse progéniture piaillante de famine à la maison ; comme si son insatiable appétit ne lui causait pas déjà d’énormes problèmes de subsistance.
Pour pouvoir sauver autrui, il faut d’abord se maintenir en vie, comme l’a dit justement un sage réaliste. Eh oui ! Surtout lorsque l’instinct exacerbé de survie individuelle à tout prix ravale à l’échelle de la bête brute.
On n’a pas vu la Crise venir ; on ne la ressent qu’à l’estomac ; on ne songe point à mettre sur pied une stratégie en vue de la surmonter, nourrissant seulement l’espoir d’être le dernier des siens à succomber. Le monde noir se meurt de la multiplicité - par le biais d’une école travestie - des cadres de conception de ce calibre. 18/7/1994
p.37

Silence de recueillement
23- Je ne veux point de discours, point de prière, point de messe de requiem ; cependant toutes sortes de musiques profondément religieuses, expression poétique des ineffables douleurs existentielles, seront les bienvenues à mon enterrement - si je devais en avoir un. La seule alternative sera le silence, un silence de recueillement, de méditation. 03/9/1998

Souvenir
39- Souvenir d’une mort d’enfant, de nourrisson, chez un vieux célibataire du voisinage. L’une des jeunes femmes qui viennent de temps en temps lui tenir charmante compagnie n’a pas quitté sa chambre depuis près d’une semaine. Elle a sur les bras un gosse de quelques mois, qui ne cesse de geindre. Il ne tète plus. Apparemment, il ne mange pas encore. Il est pourtant avec sa mère dont les seins augmentent de volume à vue d’œil. Parfois ils dégorgent et mouillent abondamment son corsage de cotonnade jaune.  
Le petit malade est nourri au lait de vache, concentré sucré, acheté à l’échoppe d’à côté et délayé dans de l’eau tiède à laquelle la mère ajoute du sucre. D’heure en heure, il fond comme de l’huile de palmiste au soleil des montagnes. Les cris se raréfient avec le temps. Il ne bouge plus tellement, le petit moribond.
Ses parents l’emmènent vers une destination inconnue, un après-midi, avec le taxi que conduit le père. Ils sont revenus tard dans la nuit. Sans leur rejeton, pour renouer aussitôt avec le rythme habituel de leur existence, comme si rien ne s’était passé. Pas une bribe d’information à l’intention de leurs voisins, des étudiants. Il n’y a pas eu de pleurs ni d’émotions décelables. 27/5/2006
p.65-66