Catastrophe ferroviaire : Dynamique Citoyenne dénonce l’absence de Paul Biya à Eséka

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Le vendredi 21 octobre 2016, quelques heures après l’effondrement de la chaussée sur l’axe routier reliant Yaoundé la capitale politique à Douala, la capitale économique (l’axe lourd Yaoundé - Douala), le Cameroun a été le théâtre d'un épouvantable accident ferroviaire (déraillement du train inter-city) dans la localité d’Eséka, le plus meurtrier de son histoire. Deux catastrophes successives d’une rare gravité qui feront date dans l’histoire du Cameroun de ces cinquante dernières années.
Tout en manifestant sa solidarité à l'endroit des familles durement éprouvées, de toutes celles et tous ceux qui ont subi des traumatismes divers, et à l’endroit des centaines de blessés dont le sort est préoccupant eu égard à l’état du système camerounais de santé et à la mauvaise presse qui caractérise les formations hospitalières publiques, Dynamique Citoyenne, Réseau de Suivi Indépendant des Politiques Publiques et des Stratégies de Coopération, se joint à l’ensemble des citoyens camerounais pour déplorer la perte de plusieurs dizaines de compatriotes et de ressortissants étrangers victimes de l’irresponsabilité et de l’inertie d’un régime qui, au-delà des apparences et de

la gesticulation, est de plus en plus dépassé par les évènements et ne contrôle plus la situation du pays.
Passée la journée de deuil national, l'heure est venue de faire toute la lumière sur la tragédie, établir les responsabilités à tous les niveaux et engager les réparations nécessaires en pareilles circonstances.
En effet et au-delà des responsabilités évidentes des uns et des autres à déterminer, il convient de rappeler que la société civile en général et Dynamique Citoyenne en particulier n’ont eu de cesse d’interpeller le gouvernement et de décrier l’enclavement de nombreuses localités du pays, le piteux état des routes en milieu rural y compris aux environs des capitales politiques et économiques que sont Yaoundé et Douala, la vétusté de la majorité des infrastructures de transport, particulièrement les grands axes routiers et le réseau ferroviaire qui est resté sur le format colonial, ainsi que les dangers permanents encourus par les populations camerounaises.
Il a fallu l’incident fâcheux survenu dans la localité de MANYAÏ avec l’effondrement de la route ainsi que l’hécatombe provoquée par l’accident ferroviaire à Eséka le 21 Octobre 2016 pour qu’un débat sur la problématique des infrastructures de transport et de leur maintenance soit remis au goût du jour.
Malheureusement et comme il est de coutume en pareille circonstance, le gouvernement tente maladroitement de se dédouaner à travers les sorties démagogiques de ses représentants à différents niveaux de la hiérarchie administrative. C’est dans cette logique qu’au lieu d’assumer sa part de responsabilité dans ce drame, il est une fois de plus à la recherche de boucs émissaires.
Dynamique Citoyenne en profite pour féliciter le patriotisme des populations de la localité d’Eséka qui, spontanément, se sont mobilisées pour voler au secours des victimes désemparées par l’accident, abandonnées à leur triste sort par les structures officielles chargées de la mise en œuvre des mesures de Protection Civile à l’instar des Cellules de Veille Sécuritaire.
Dynamique Citoyenne apprécie positivement la volonté du gouvernement, des responsables de CAMRAIL et des autorités judiciaires de faire la lumière sur cette situation tragique à travers la mise en place d’une commission d’enquête. Il note toutefois, pour le regretter, la non-inclusion dans lesdites commissions des représentants des victimes, de la société civile et ceux des syndicats œuvrant dans le secteur des transports ferroviaires et routiers dans l’optique d’établir les responsabilités, et de garantir la manifestation de la vérité et de la transparence. Il tient également à rappeler que la proclamation d’un deuil national de 1 jour ne constitue en rien une consolation pour les familles camerounaises qui pour certaines ont perdu des membres, et pour d’autres sont depuis le jour de l’accident sous astreinte au chevet des leurs dont certains, traumatisés ou blessés graves, continuent de mourir dans les hôpitaux.
Au regard de tout ce qui précède, Dynamique Citoyenne
Dénonce :
 la descente tardive des autorités camerounaises arrivées sur les lieux aux environs de 18 heures alors que l’accident s’était produit à 13 heures ;
 la décision du chef de l’Etat relative à la prise en charge des victimes de la catastrophe dont l’objectif est de laisser croire que toutes les conditions y sont réunies et pourtant, depuis le jour de l’accident, les patients et leurs proches se trouvent obligés de se procurer des médicaments à leurs propres frais dans les pharmacies privées du fait des pénuries endémiques dans lesdites institutions ;
 le fait pour le chef de l’Etat, de n’avoir pas cru bon après son retour au pays, de se rendre au lieu de la catastrophe, encore moins de prendre part personnellement à un des cultes organisés au nom des victimes à Yaoundé ou à Eseka, ni de se rendre au chevet de quelque victime ;
 la désinvolture du Groupe Bolloré qui, assuré de la complicité des dirigeants camerounais au plus haut niveau, a voué aux gémonies le droit des passagers du rail à bénéficier des conditions de voyage humaines et respectueuses des canons universels en la matière ;
 l’absence d’une politique nationale en matière d’infrastructures de transport ;
 le peu d’importance que le gouvernement accorde aux conditions de vie des populations qui sont contraintes de se déplacer à travers des infrastructures et moyens de transport vétustes où leur sécurité n’est pas assurée ;
 l’absence d’un dispositif de prise en charge sanitaire, psychologique et sociale des victimes et de leurs proches au niveau national ;
 le laxisme du gouvernement dans le suivi de la mise en œuvre du cahier de charges contenues dans la convention de concession de la Régifercam au Groupe Bolloré ;
 les tentatives d’incrimination du conducteur du train à qui on voudrait faire porter l’entière responsabilité de l’accident ;
 les manœuvres de substitution par les responsables de Camrail de la bande Teloc (équivalent de la boîte noire des avions dans la locomotive) et de falsification de la Feuille J1 (Feuille d’accompagnement du train) qui contient les informations relatives au nombre de wagons, au tonnage et poids frein d’arrêt, éléments de preuves indispensables pour le rétablissement de la vérité.
Exige :
 la mise en place dans chacune des dix régions du Cameroun, d’un dispositif de suivi médical et psychologique des victimes et de leurs proches avec les moyens nécessaires, afin que chaque victime puisse être suivie dans son milieu de vie, notamment pour celles qui ne résident ni à Yaoundé ni à Douala ;
 la recomposition de la commission d’enquête mise en place par le Chef de l’Etat pour y adjoindre des représentants des victimes, de la société civile et ceux des syndicats œuvrant dans le secteur des transports ferroviaires et routiers, afin de conférer à cet organe un zeste d’indépendance et de lever toute équivoque sur la volonté politique de recherche de la vérité et des véritables responsables ;
 la création sur l’ensemble du territoire national, des cellules d’écoute et d’accompagnement des victimes et de leurs proches avec des lignes vertes accessibles de jour comme de nuit, à qui ils peuvent s’adresser pour toutes informations utiles ;
La réouverture dans les délais raisonnables des discussions au sujet de la concession de Camrail et le réexamen des clauses y afférentes
Recommande :
1- Au gouvernement
 la mise en place d’un fonds spécial de réhabilitation des infrastructures routières, notamment du réseau revêtu dit prioritaire qui est aujourd’hui en état de délabrement avancé ;
 la création d’une agence autonome de prévention et de gestion des risques et catastrophes dotée des moyens adéquats ;
 la publication des résultats de la commission d’enquête à travers les médias (radios, télés et presse écrite) et via Internet.
2- Aux populations camerounaises
De se mobiliser pour exiger du Gouvernement :
 l’indemnisation des victimes et familles durement éprouvées, y compris celles qui ont été embarquées dans le train 152 sans titre de transport, à partir du moment où Camrail reconnaît avoir permis à certains passagers d’embarquer sans tickets et donc, de n’être pas en possession d’un bordereau conséquent ;
 l’actualisation et la mise à niveau de toutes les infrastructures en général et des grands axes routiers en particulier ;
 la construction de nouvelles infrastructures de transport afin de procéder au désenclavement des différentes régions à travers le pays ;
 l’élaboration d’une véritable politique nationale en matière d’infrastructures en général, et d’infrastructures de transport en particulier ;
 la modernisation des chemins de fer camerounais en s’arrimant à la largeur conventionnelle des voies qui est de 1,435 m, et la construction de nouvelles lignes dans la logique de l’émergence du Cameroun en 2035.
Décide :
De la mise en place d’un Comité Ad Hoc chargé du suivi indépendant de la prise en charge, de l’encadrement juridique et du dédommagement des victimes et familles des victimes de la catastrophe d’Eséka.
Pour Dynamique Citoyenne
Le point focal
Jean-Marc Bikoko