Pius Njawé: L’étoile et les crabes

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Certains disent que l’État du Cameroun a vraiment fini par tuer Njawé. Reste à savoir comment ils ont fait...
Quoi qu'il en soit, on ne pourra pas le faire revenir.
Les scandales autour de sa dépouille, n'ont cherché qu'à éclabousser la mémoire d'un personnage inéclaboussable. Ces scandales ont surtout montré aux yeux de tous jusqu’où le pouvoir machiavélique incrusté à Etoudi peut aller en poursuivant ses ennemis jusque dans la tombe… un vrai travail de croque-mort !
Mais nous, nous sommes là. Et il ne nous reste plus qu'à garder sa mémoire vivante à jamais, et à perpétuer son combat pacifique pour une liberté de la presse et des opinions au Cameroun. Ça c’est le minium !
Car Pius Njawé n’était pas un simple journaliste indépendant, et les gens d’Etoudi le savaient parfaitement. Il avait prouvé enfin, quelques heures avant son accident fatal, qu’il avait une force de rassembleur terrible, qu’il connaissait tout le monde, qu’il avait le pouvoir d’associer tous les milieux, qu’il était à l’aise partout, et qu’il devenait le fil rouge d’une potentielle résistance efficace contre un système pourri, maculé de massacres, d’abus grossiers en tout genre, de vols et détournements de fonds à grande échelle, et faisant un pied-de-nez systématique au peuple camerounais.
Le combat que Pius Njawé avait entrepris depuis déjà 30 ans, et auquel il excellait à travers son calme et sa sérénité à toute épreuve, sera de plus en plus acharné, comme partout en Afrique centrale d'ailleurs. Sa disparition ne pourra jamais éteindre la flamme d’espérance allumée dans le cœur de chaque patriote camerounais. Njawé ne se reposait jamais, et nous ne sommes pas là non plus pour nous reposer. Nous ne baisserons pas les bras, et nous continueront le combat pour un Cameroun où il fait bon vivre pour tous les camerounais, et pas seulement pour une bande de crabes.
Pour prouver une fois encore l'extrême arrogance et déchéance de la clique au pouvoir, leur chef suprême se prélasse en Suisse et en Europe plus de 8 mois par année, pendant que son peuple se meurt, et se bat, comme en ce moment depuis plusieurs mois contre une épidémie de choléra qui a déjà tué des centaines d'électeurs qui ont librement et démocratiquement voté pour lui.  
Nous ne pouvons que réunir toutes nos forces pour nous débarrasser premièrement d'un tyran inutile qui se moque éperdument de son peuple depuis des décennies, qui s'enrichit et jouit d'une vie bienheureuse sur le dos de ses "électeurs", se prélassant dans ses luxueux appartements de l’Intercontinental à Genève. Mais nous devons aussi chercher à assainir la place, et lutter sans relâche contre cette politique du ventre qui continuera encore très longtemps à piller et à vendre le Cameroun et l'Afrique tant que nous ne feront rien.
Les consciences doivent se réanimer sans relâche, et doivent rappeler aux Camerounais inlassablement qui ils sont, d'où ils viennent, et ce qu'ils ont déjà enduré, afin de leur donner les moyens de se débarrasser de cette narcose terrible qui leur pèse comme un lourd couvercle. Il faudra encore un peu de force pour enfin pouvoir résister à ce couvercle qui, de chape de plomb passera bientôt au grade de simple chapeau de paille.
Car nous savons bien tous que cette chape de plomb qui s'appelle Françafrique ne partira pas d'elle-même. Elle est comme une tique - un insecte parasite très maléfique - qui enfonce sa tête jusqu’au cou dans la peau d'un humain pour boire son sang. Les moyens pour l'enlever sont très spécifiques, cela ne se fait pas tout seul. Il faut prendre pincette par le bon côté. Mais en tout cas la tique ne partira pas de son plein gré.
Nous savons aussi que rien ne peut changer la conception françafricaine des rapports humains et du pouvoir. L’incident du journaliste agressé par un militaire français au Togo en est la preuve la plus récente et la plus exemplaire. Rien ne pourra changer la voracité titanesque d’un système prédateur à l’extrême.
Mais par contre nous avons le pouvoir de nous changer nous-mêmes. Et c'est cet objectif que nous devons absolument poursuivre, les plus forts tirant les moins forts.
Camerounais et Africains, ne baissez pas les bras, et préparez-vous à vous lever, car le réveil va bientôt sonner. Tous les assassinats du monde, les persécutions de journalistes, la corruption des organes vitaux de l'Etat, les infiltrations d’opposants bidon et d’indicateurs mange-mille, rien de tout cela ne pourra changer le sens de la vie.
Quant à Njawé, il est parti pour de bon.
Mais de là où il est, il nous voit. Et son étoile est gravée dans le ciel à jamais.
Par contre les crabes, la marée qui monte les emportera dans les profondeurs de l’obscurité.

Juliette Abandokwe