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Affaire Marafa Hamidou Yaya: Issa Tchiroma ment et offre le Cameroun en spectacle

Affaire Marafa Hamidou Yaya: Issa Tchiroma ment et offre le Cameroun en spectacle

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Index de l'article
Affaire Marafa Hamidou Yaya: Issa Tchiroma ment et offre le Cameroun en spectacle
Le gouvernement répond au groupe de Travail de l'Onu
Réaction de l'Avocat de Marafa Hamidou Yaya
Issa Tchiroma, le parangon le plus achevé de l'hypocrisie
Une bouffonnerie communicationnelle dans un État dit de droit
De l'intérêt général et l'intérêt particulier
Toutes les pages

Le ministre de la Communication développe des arguties pour tenter de démonter les conclusions du groupe de travail de l’Onu qui juge arbitraire la détention de l’ancien Minatd.
Issa Tchiroma n’est pas passé par quatre chemins pour tenter de démonter, par des mensonges grossiers, les conclusions pertinentes auxquelles sont parvenus les experts internationaux, membres du groupe de travail des Nations-Unies sur la détention arbitraire. Conclusions contenues dans leur rapport rendu public le 02 juin 2016 au terme de la 75e session du mois d’avril 2016, relativement à la procédure pénale engagée par l’État du Cameroun contre Marafa Hamidou Yaya. Le groupe de travail qui juge arbitraire la détention de l’ancien ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation (Minatd) exige, ni plus ni moins, sa libération immédiate.
Face à la presse, et dans une tentative maladroite à démentir les experts du groupe de travail et d’accréditer la thèse d’une détention légale et légitime, Issa Tchiroma s’est, de l’avis même des avocats de l’ancien Minatd, livrée à un véritable exercice de prestidigitation. Pour Me Kofele,

Tchiroma aurait mieux fait de se taire plutôt que de parler de ce dont il n’a pas la maîtrise. C’est ainsi que, de manière grotesque, le Mincom dénature le chef d’accusation retenu contre Marafa Hamidou Yaya par le Tribunal de grande instance (Tgi) du Mfoundi. Les faits sont pourtant têtus : le juge Gilbert Schlick avait retenu un seul chef d’accusation et condamné à 25 ans de prison pour « complicité intellectuelle de détournement de deniers publics ». Mais Issa Tchiroma parle de « complicité intellectuelle et détournement de deniers publics » (ici, la conjonction de coordination « et » qui sert à relier deux parties d’un discours et exprime une addition vaut son pesant d’or) : deux chefs d’accusation sortis de l’imagination très fertile du porte-parole du gouvernement.
Le Mincom commet une autre bourde qui dévoile au grand jour ses connaissances approximatives relativement à ce dossier, quand il affirme que l’ex-secrétaire général de la présidence de la République a été jugé par le Tribunal criminel spécial. Alors qu’il est de notoriété publique que l’ancien Minatd n’a jamais eu à se présenter devant la barre du Tcs. Et pour cause, Marafa n’a été poursuivi que dans le cadre de l’affaire du BBJ-2. Il sera condamné par le Tgi du Mfoundi en 2013 à 25 ans de prison, une peine réduite de cinq ans par la Cour suprême le 18 mai 2016.
Par ailleurs, Issa Tchiroma a cru devoir soutenir que Marafa est un prisonnier de droit commun et rien d’autre. Que la justice camerounaise qui l’a reconnu coupable des faits de détournements de deniers publics pour lesquels il était poursuivi, et qui l’a condamné de ce fait à 20 ans de réclusion, l’a fait en toute indépendance, conformément à la constitution, qui est la loi fondamentale du Cameroun. L’observateur est tenté de lui poser la question de savoir de quelle indépendance de la justice il parle avec tant d’emphase dans cette affaire, et dans bien d’autres, alors qu’il est de notoriété publique que c’est le président de la République qui, en fonction de ses visées, intérêts et dividendes politiques qu’il veut tirer, discrimine, oriente les arrestations, suspend des épées de Damoclès sur les têtes de certains collaborateurs encore en fonction. Selon cet ancien pauvre, infiltré dans les rangs de l’opposition au début des années 90 et devenu défenseur attitré de Paul Biya, il est illégitime est anormal que les victimes d’une opération dont les arrestations et les condamnations avaient des motivations visiblement politiques se considèrent comme étant des prisonniers politiques.
Pour autant, martèlent les experts du groupe de travail onusien, l’ex-Minatd n’a pas bénéficié d’un procès équitable en raison de nombreuses irrégularités ayant émaillé la procédure qui a débouché sur sa condamnation. En guise de réponse du gouvernement à l’avis du groupe de travail, le ministre de la Communication oppose un argumentaire éculé qui ne convainc que lui-même.
Au passage, le Mincom regrette la superficialité de la prise en compte par le groupe de travail des arguments fournis par l’État du Cameroun dans le cadre de cette affaire. Et de soutenir par la suite que les avis des groupes de travail des Nations-Unies n’ont aucune valeur contraignante sur les parties concernées, c’est-à-dire les destinataires (les États) et ne sont émis qu’à titre consultatif.
Si l’avis du groupe de travail n’a aucune valeur contraignante, pourquoi s’agite-t-il ou s’émeut-il tant ? À ce propos, l’avocat de l’ex-Minadt rappelle à juste titre « les engagements pris publiquement, officiellement et volontairement par une Nation doivent être honorés de bonne foi. La doctrine du pacta sunt servanda empêche les États signataires d’un traité d’invoquer leurs lois nationales pour justifier le non-respect de ce dernier. J’espère que la déclaration de presse de M. Tchiroma ne se veut pas une excuse du Gouvernement du Cameroun, reconnue coupable de violations de ses obligations vis-à-vis de la DUDH et du PIDCP, pour ignorer la décision du Groupe de travail ».
Cette agitation sans retenue chaque fois que des décisions et rapports d’ONG tendent à mettre le Cameroun sur le ban de la communauté internationale est la preuve que quelque chose ne tourne pas rond et que le Mincom est conscient que ces procédures ternissent l’image du Cameroun. Et Me Ndiva Kofele Kale de rappeler « D’un point de vue moral, il est trop tard pour que M. Tchiroma mette un nuage sur l’importance juridique de la décision du Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire. Cela aurait dû être fait bien avant que le Gouvernement du Cameroun n’accepte de prendre part aux procédures. La partie était engagée à partir du moment où le Gouvernement du Cameroun s’est mis sous la juridiction du Groupe de travail des Nations Unies en répondant favorablement à ses plaidoyers en réponse à la pétition de M. Marafa, et a consenti aux règles d’engagement, si on peut le dire, parce qu’il a expressément accepté d’être lié à la Charte des Nations Unies, à la DUDH et au PIDCP. […] Le gouvernement ne peut à présent ignorer cette décision parce qu’elle n’est pas en sa faveur. » Avant de s’interroger : « Que se serait-il passé si le Nigéria avait refusé de respecter la décision de la Cour internationale de justice concernant la péninsule de Balassi? »
Si le Cameroun se considère comme un État de droit respectueux des engagements qu’il a pris sans contrainte aucune, qu’il le prouve.
Ikeméfuna Oliseh

Source: Germinal n° 090.