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Société Nouveau Code pénal: quand le parlement adopte le Code de la discorde

Nouveau Code pénal: quand le parlement adopte le Code de la discorde

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Nouveau Code pénal: quand le parlement adopte le Code de la discorde
Le Code pénal adopté, et après?
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Malgré l’adoption par le Parlement constitué des députés et sénateurs de la majorité obèse du RDPC, et la révision de l'article 127 du projet de code pénal déposé par le gouvernement, les critiques sont restées véhémentes.
Le rapporteur de la Commission des lois constitutionnelles, des droits de l’homme et des libertés, de la Justice, du règlement et de l’Administration n’a pas du tout convaincu tous les députés à l’Assemblée nationale, lors de la session présidée par Cavaye Yeguié Djibril, le mercredi 22 juin 2016.  C’était en présence de Laurent Esso, ministre de la Justice, Garde des Sceaux, qui est restée toute la journée à l’hémicycle. Dans une atmosphère surchauffée, tous les 370 articles ont été adoptés. Et ce malgré de vives protestations des députés de l’opposition et même certains parmi les députés du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) tel que Martin Oyono qui ont ferraillé contre « la mascarade du gouvernement » qui, d’après eux, accroitra la population carcérale et entravera le principe de la bonne gouvernance. C’est logiquement que les députés de l’opposition,

après une course marathon engagée en commission depuis le 14 juin 2016, ont utilisé tous les artifices pour exprimer leur mécontentement. D’après les contestataires, le texte n’a pas été étudié dans sa globalité, c'est-à-dire article après article. C’était peine perdue. Sans surprise, en dépit de quelques amendements de forme, le projet de loi n° 989/PJL/ An portant code pénal a été adopté. Il passera aussi comme lettre à la poste au Sénat. Même si Paul Biya a ordonné à la dernière minute la relecture de l'un des articles problématiques relatif à l'immunité des membres du gouvernement.
Maître Emmanuel Mbiam, vice-président de la commission des lois constitutionnelles n’a pas été surpris par les récriminations des contestataires, lui qui a fait remarquer que la configuration de l’Assemblée nationale et du Sénat est tel qu’il est impossible que le Code pénal ne soit pas adopté. Il poursuit en déclarant que ceux qui protestent font semblant d’oublier cette réalité. « Au Sénat et à l’Assemblée nationale, le gouvernement a une majorité d’élus du peuple, conformément au programme présenté par le président de la République. Ces élus sont là pour soutenir la politique du chef de l’État. Et le texte dont il est question est le projet de loi émanant du gouvernement. Rien d’étonnant qu’il soit adopté tel quel », souligne-t-il.
L’opinion publique avait pourtant cru que le gouvernement allait tenir compte des observations et critiques formulées par les avocats, les partis politiques, les organisations de la société civile et certains militants et sympathisants du Rdpc et revoir les dispositions du code qui, pour ceux-ci, faisaient problème. Ces dispositions problématiques sont, entre autres, l’immunité des ministres (art.127), la mendicité aggravée (art. 246), les filouteries (art. 322.1.2.3.), l‘Atteinte au privilège du bailleur d’immeuble (art. 323.3), l’adultère (art. 361).
L’article 127 a cristallisé l’attention de l’opinion publique. Cet article punit d’un emprisonnement d’un an à 5 ans de prison le magistrat ou l’officier de police judiciaire « qui en violation des lois sur les immunités, poursuit, arrêtés ou juge un membre du gouvernement ou du parlement ». Pour la garde des Sceaux, il s’agit simplement d’une reformulation d’une disposition existant dans le Code pénal de 1967 et encore en vigueur au Cameroun. Cette position est partagée par le magistrat Paul Ayah Abine, par ailleurs président du Peoples Action Party (PAP). Celui-ci déclare : « En toute honnêteté, l’intention du Parlement aujourd’hui n’est pas en contradiction avec l’intention du parlement en 1967. La différence dans les deux libellés est périphérique. La nouvelle formulation [de l’article 127] est dictée par l’abolition de la fédération qui a rendu les phrases aujourd’hui inappropriées. En d’autres termes, le Cameroun dispose désormais d’un seul gouvernement et un parlement : on peut logiquement parler de « membre du gouvernement ou du parlement» plutôt qu’«un membre du gouvernement fédéral ou fédéré, ou de l’Assemblée fédérale ou fédérés. Je suis catégorique. Ce n’est pas vrai quand on affirme que le projet de loi actuellement devant le Parlement confère une immunité aux membres du gouvernement. » Il faut selon lui être de mauvaise foi pour soutenir cette thèse.
Joshua Osih, député, n’est pas de cet avis. Selon le vice-président du Social Democratic Front (SDF), « l’immunité des ministres (Art. 127) est contraire à la bonne gouvernance et à la transparence des finances publiques […] emprisonner des citoyens parce qu’ils ont deux mois de loyer impayés (art 322) est un litige qui peut se régler par des voies civiles au lieu d’insérer des sanctions drastiques dans notre Code pénal, […] plusieurs dispositions sont contraires à nos engagements internationaux, […] la peine de mort (Art 18) est contraire à tous nos engagements et notre humanité »
Me Claude Assira, avocat au barreau du Cameroun affirme dans ce sens que « Le régime essaye de protéger les membres du gouvernement en son article 127 ». Il invite les uns et les autres à se rappeler « l’affaire Louis Bapès Bapès », ex-ministre des Enseignements secondaires, qui avait passé la nuit du 31 mars au 1er avril 2014 dans une cellule à Kondengui, avant d’être libéré expressément « sur instruction présidentielle ». Il poursuit en affirmant que cet article a pour but de protéger les membres du gouvernement dans l’exercice de leur fonction. Pour certains spécialistes, le régime des immunités est précisé dans la constitution et à aucun endroit les membres du gouvernement ne sont couverts par une immunité quelconque. « L’article 127 querellé vise seulement à protéger une fonction et non une personne. De plus, un simple décret ne saurait conférer une immunité à une personne tout simplement parce que celui qui nomme est couvert par une immunité. Si tel était le cas, tous ceux qui sont nommés par décret présidentiel devaient être couverts par une immunité », déclare un constitutionnaliste. En d’autres termes, il n’existe pas d’immunité dérivée. Cette levée de bouclier a poussé Paul Biya à ordonner à la dernière minute la relecture de cet article problématique relatif à l'immunité des membres du gouvernement, en gardant superbement le silence sur les autres articles problématiques

 

Ikemefuna Oliseh