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Lutte contre le terrorisme : une loi hérétique

Lutte contre le terrorisme : une loi hérétique

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altDans un contexte sécuritaire particulièrement marqué avec les attaques répétées sur sa frontière septentrionale par les guérilleros de la secte islamiste Boko Haram, sur la frontière occidentale par les corsaires venus du Nigéria et orientale par le reflux des combattants Seleka et anti-Balaka, le Cameroun, autrefois havre de paix est désormais un pays traqué, cerné par des conflits importés de ses voisins.
Comme souvent, à la situation exceptionnelle que correspond l’état de guerre ou de sédition, les dirigeants tentent d’apporter des réponses exceptionnelles, militaires ou législatives. Profitant de cet état de guerre asymétrique, le Cameroun a, par une loi adoptée subrepticement par son Parlement le 4 décembre 2014, décidé de prendre des mesures en matière de lutte contre le terrorisme.
Bien que l’association de malfaiteurs, la sédition, la menace, le meurtre, les dégradations, et bien d’autres soient prévus dans le dispositif répressif camerounais, pour réprimer les faits susceptibles de rentrer dans la définition du terrorisme, il n’est pas discutable que le Cameroun avait besoin d’un dispositif pénal approprié, c’est-à-dire harmonieux et organisé pour combattre le terrorisme.

Une telle démarche ne pouvait que contenir la définition du terrorisme telle qu’elle ressort des instruments juridiques internationaux de lutte contre le terrorisme. Encore faut-il s’entendre sur une définition de la notion de terrorisme.
Le terrorisme tire son origine du mot français « terreur » et se réfère à l’origine, au terrorisme d’Etat pratiqué par le gouvernement français pendant le règne de la terreur. Le mot français dérive du verbe latin terreo qui signifie « j’insuffle la peur ». Le  terror cimbricus, renvoyait à la panique et à l’Etat d’urgence à Rome, causé par l’avancée des guerriers cimbri en 105 Av. J.C. De nos jours, cette notion signifie habituellement, le massacre des victimes innocentes par un groupe non gouvernemental avec l’intention de créer une émotion médiatique. Cette définition peut remonter jusqu’à Sergey Netschajew (1) qui s’est réclamé terroriste.
Bien qu’il n’y ait pas de définition synthétique de l’acte terroriste, sont généralement considérés en droit international comme actes de terrorisme, les infractions graves constituées par « une attaque contre la vie, l’intégrité corporelle ou la liberté des personnes ayant droit à la protection internationale y compris les agents diplomatiques ; l’enlèvement, la prise d’otage ou la séquestration arbitraire ; l’utilisation des bombes, grenades, armes à feu automatiques, ou de lettre ou colis piégés dans la mesure où cette utilisation présente un danger pour les personnes ; ou la tentative de commettre une de ces infractions, ou la participation en tant que coauteur ou complice d’une personne qui commet ou tente de commettre une telle infraction ».
La loi 4 décembre 2014 qui vient comme une suite « logique » des instruments internationaux de lutte contre le terrorisme se fonde donc principalement sur la Convention de l’OUA de 1999 et la Résolution 2174 du 28 septembre 2014. Ainsi, le Cameroun a adopté la définition de l’acte terroriste telle que prévue à l’article 1 (3) a de la Convention de l’OUA de 1999 alors même que cette définition trop globalisante a souvent été contestée.
La référence à cette convention de l’OUA peut surprendre quelque peu le juriste dans la mesure où, pour qu’une Convention ait force exécutoire, il faut que l’Etat l’ait  préalablement ratifiée ; or la Convention de l’OUA n’avait pas été ratifiée par le Président de la République, le Cameroun n’ayant pas jugé nécessaire d’y adhérer.
Quant à la Résolution n° 2178 du 24 septembre 2014 du Conseil de sécurité des Nations Unies, elle traite du terrorisme en tant que phénomène résultant des extrémismes violents liés aux activités des terroristes étrangers. En novembre 2004 déjà, un rapport du Secrétaire Général des Nations Unies, décrit le terrorisme comme étant toute action menée avec l’intention de tuer ou de blesser des civils, des non combattants, visant l’intimidation de la population ou voulant forcer un gouvernement, une organisation internationale à faire ou à ne pas faire quelque chose.
Dans le préambule de la Résolution, le Conseil de sécurité se dit «gravement préoccupé par la menace terrible et grandissante que font peser les combattants terroristes étrangers, à savoir des individus qui se rendent dans un Etat autre que dans leur Etat de résidence ou de nationalité, dans le dessein de commettre, d’organiser ou de préparer des actes de terrorisme, ou afin d’y participer ou de dispenser ou de recevoir un entraînement au terrorisme, notamment à l’occasion d’un conflit armé ».
Ainsi, le projet de loi sanctionne la commission de l’acte terroriste et les activités de financement, de recrutement, de blanchiment des produits du terrorisme, de soutien ou d'apologie des activités de terrorisme dont l’énumération est largement empruntée à la Convention de l’OUA.
Mais, tout en prescrivant des mesures strictes contre le terrorisme, le même Conseil de sécurité prescrit aux Etats Membres de veiller à ce que les mesures qu’ils prennent pour combattre le terrorisme soient conformes à toutes les obligations que leur fait le droit international, en particulier le droit international des droits de l’homme, le droit international des réfugiés et le droit international humanitaire, que les mesures antiterroristes efficaces et le respect des droits de l’homme, des libertés fondamentales et de l’Etat de droit soient complémentaires et se renforcent mutuellement, et que tous sont des éléments essentiel au succès de la lutte contre le terrorisme, de respecter l’Etat de droit pour prévenir et combattre efficacement le terrorisme. Le Conseil de sécurité indique du reste que le «fait de se soustraire à ces obligations internationales particulières comme à d’autres, dont celles résultant de la Charte des Nations Unies, est un des facteurs contribuant à une radicalisation accrue qui favorise le sentiment d’impunité ».
Il était donc important de savoir comment le législateur camerounais avait réussi à traduire dans les faits ces exigences apparemment inconciliables.
La question juridique qui se pose est celle de savoir si la loi portant répression du terrorisme est conforme aux instruments internationaux qui en constituent la base.
Point n’est besoin de lire en profondeur la nouvelle œuvre législative pour constater que la loi du 4 décembre 2014 peut, à bien des égards, peut surprendre, voire inquiéter. En effet, alors que les éléments constitutifs du terrorisme sont définis de façon trop libérale (I), les peines sont effrayantes (II) et une procédure exceptionnelle, dérogatoire du droit commun (III)
I)Une incrimination nébuleuse

A – L’élément matériel de l’infraction principale est défini de façon imprécise
L’élément matériel d’une infraction est sa partie visible. Ce qui constitue le trouble à l’ordre social. Au nom du principe de la légalité défini à l’article 17 du Code pénal, l’élément matériel de l’infraction doit être défini avec autant de précision que possible par le législateur pour éviter aux citoyens de se retrouver dans les prévisions d’une infraction qui n’apparaissait comme telle au moment de ses agissement. Or, le moins que l’on puisse dire de la première lecture de la loi du 4 décembre 2014 est que celle-ci est une constellation confuse de choses imprécises. De fait, la loi brille par une véritable carence conceptuelle et définitionnelle. Si la loi prétend « réprimer les actes de terrorisme » (2)  elle n’en définit aucunement la notion. En effet, l’article 2 s’est contenté d’un inventaire à la Prévert de comportements qui ne sont pas typiques du terrorisme tels que le fait de « commettre tout acte ou menace susceptible de causer la mort, de mettre en danger l'intégrité physique, d'occasionner des dommages corporels ou matériels, des dommages de ressources naturelles, à l'environnement ou au patrimoine culturel dans l'intention :
a) d'intimider la population, de provoquer une situation de terreur ou de contraindre la victime, le gouvernement et/ou une organisation nationale ou internationale, à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte quelconque, à adopter ou à renoncer à une position particulière ou à agir selon certains principes ;
b) de perturber le fonctionnement normal des services publics, la prestation de services essentiels aux populations ou de créer une situation de crise au sein des populations;
c) de créer une insurrection générale dans le pays ». (alinéa 1er).
d) procède à une prise d'otage.

Si on peut comprendre que le Législateur soit soucieux de la protection de la vie et de l’intégrité physique des personnes physiques, on a du mal à comprendre l’alinéa 3 qui prévoit que l’infraction est constituée lorsque les conséquences prévisibles des actes visés aux alinéas 1 et 2 sont… la maladie d'animaux ou la destruction de plantes !!!
Toujours de la même veine syncrétique, aux termes de l’alinéa 4, les infractions visées aux alinéas 1, 2 et 3 ci-dessus sont caractérisées même en cas de guerre officiellement déclarée.
La loi punit également :
(1) celui qui procède au recrutement et/ou à la formation des personnes en vue de leur participation aux actes de terrorisme quel que soit le lieu de commission.
(2) Est puni de la peine prévue à l'alinéa 1er ci-dessus :
a) celui qui fait des offres, des promesses de dons, des présents ou avantages quelconques à autrui pour qu'il participe à un groupement formé ou à une entente établie pour réaliser des actes de terrorisme;
b) celui qui menace ou fait pression sur autrui pour qu'il participe à un groupement formé ou à une entente établie pour réaliser des actes de terrorisme.
(3) Est puni d'un emprisonnement de dix (10) à vingt (20) ans celui qui, volontairement, s'enrôle ou se forme dans un groupe terroriste à l'étranger, dans l'intention de commettre des actes de terrorisme sur le territoire national.
On peut toutefois s’interroger sur la compatibilité de loi aux dispositions de la Convention des Nations pour la répression du financement du terrorisme signée à New York le 10 janvier 2000 et à laquelle le Cameroun est partie et dont l’article 3 prévoit expressis verbis qu’il n’y a pas acte de terrorisme « lorsque l’infraction est commise à l’intérieur d’un seul Etat et, que l’auteur présumé est un national […] ».
Le Législateur camerounais n’a pas cru devoir s’encombrer de cette exclusion pourtant fondamentale. De la sorte, par son caractère imprécis, la loi paraît assez globalisante pour interdire même l’expression collective pacifique ou non de désaccords socioprofessionnels, sociaux ou politiques et assimiler ainsi de simples manifestations de mécontentement envisageables dans toute société démocratique à du terrorisme susceptible de tomber sous le coup de la nouvelle loi.
Après le printemps des Libertés des années 1990, serions-nous rentrés dans une nouvelle ère plus funeste ?

B – L’élément moral est indéterminé
L’élément moral est l’état d’esprit du délinquant. C’est la connaissance qu’il avait de ses agissements et des conséquences de ceux-ci. L’élément moral exigé en matière criminelle est un dol spécial, l’animus mecandi, c’est-à-dire l’acceptation des conséquences telles que prévues par le texte d’incrimination.
Cela suppose une véritable intention criminelle et non pas simplement une faute, par définition, non intentionnelle.
Traditionnellement, l’élément moral se distingue assez facilement de l’élément matériel. Toutefois, dans quelques rares infractions, les deux se confondent. Par exemple, l’acte d’étranglement sur autrui comporte l’intention incontestable de donner la mort.
La difficulté dans la définition adoptée par la loi du 4 décembre 2014 résulte dans le fait que le législateur intègre le mobile dans les éléments constitutifs de l’infraction. Comment lire sans risque d’erreur l’intention d’intimider ?
Normalement, lorsque le législateur envisage, comme c’est le cas en matière criminelle l’élément moral sous la forme d’une intention criminelle, il appartient au ministère public de démontrer l’intention criminelle spécifique exigée par le législateur. Toutefois, dans un système judiciaire où l’indépendance et l’impartialité sont entièrement à conquérir, il est à craindre que l’élément matériel ait été délibérément envisagé de façon confuse par le législateur, pour exonérer l’auteur de la poursuite de son obligation probatoire.

C – Indifférence du résultat
D’une manière générale, le droit camerounais prend en compte l’activité délictueuse, même lorsque le résultat n’est pas atteint, soit parce que l’infraction était ab initio, impossible, soit parce que, amorcée, l’exécution a été interrompue, par une circonstance ne dépendant pas de la volonté de l’auteur, comme c’est le cas en matière de tentative.
Le législateur camerounais prévoit que le résultat est indifférent. En d’autres termes, même si le résultat souhaité par l’auteur présumé d’acte de terrorisme, n’est pas atteint, l’infraction reste néanmoins punissable.  

D - La complicité est envisagée de façon ambiguë : l’auteur principal emprunte la criminalité et la pénalité du complice
Dans sa compréhension traditionnelle, la complicité est une participation accessoire à l’infraction, laquelle suppose donc une infraction principale.
La définition traditionnelle de la complicité, telle qu’envisagée par l’article 97 du Code pénal camerounais suppose des actes matériels d’aide, d’assistance ou de fourniture de moyens apportés par le complice à l’auteur principal dans la réalisation de l’infraction.
Or, le Législateur camerounais semble avoir défini la complicité de façon autonome. Aussi, punit-il le recrutement et la formation, qui sont des aides et des facilités accordées au terrorisme, puisque l’alinéa 1er de l’article 5 prend en compte l’activité de celui qui procède au recrutement et/ou à la formation des personnes en vue de leur participation aux actes de terrorisme quel que soit le lieu de commission.
Quant à l’alinéa 2 indiqué ci-dessus, il prévoit le cas de celui qui :
a) fait des offres, des promesses de dons, des présents ou avantages quelconques à autrui pour qu'il participe à un groupement formé ou à une entente établie pour réaliser des actes de terrorisme;
b) menace ou fait pression sur autrui pour qu'il participe à un groupement formé ou à une entente établie pour réaliser des actes de terrorisme.
(3) volontairement, s'enrôle ou se forme dans un groupe terroriste à l'étranger, dans l'intention de commettre des actes de terrorisme sur le territoire national.
(4) Dans les cas prévus à l'alinéa 2 ci-dessus, l'infraction est consommée même si l'incitation à participer au groupement et à l'entente n'a pas été suivie d'effets.

Dans le même ordre d’idées, l’alinéa 2 de l’article 2 prend en compte le comportement de « celui qui :
a) fournit et/ou utilise des armes et matériels de guerre,
b) fournit et/ou utilise des micro-organismes ou tous autres agents biologiques, notamment des virus, des bactéries, des champignons ou des toxines ;
c) fournit et/ou utilise des agents chimiques, psychologiques, radioactifs ou hypnotisants »;  
Mais, la répression de la complicité suppose également que le complice a eu l’intention de s’associer à l’activité criminelle envisagée par l’auteur principal. Ainsi la loi exige que le complice ait agi dans le but d’« […] atteindre les mêmes objectifs que ceux précisés à l'alinéa 1 ci-dessus ».
Or, il y a dans la loi du 4 décembre 2014 un risque manifeste de distorsion entre l’intention du « complice » et celle de l’auteur principal. En d’autres termes, le « complice » présumé peut parfaitement avoir fourni à son insu les matériels cités par la loi à une personne qui ne connaissait ni le contenu du colis, ni l’usage auquel il était destiné. Pourtant, le seul fait d’avoir reçu ce matériel le rend punissable.
Il est à se demander pourquoi le Législateur n’a pas simplement reconduit la notion de complicité qui fonctionne si bien dans le dispositif répressif actuel.
Avec la loi du 4 décembre 2014, la complicité devient une infraction autonome punissable même en l’absence d’une infraction principale non punissable. Désormais, c’est l’auteur principal qui emprunte sa criminalité et sa pénalité au complice.

E – L’élargissement de la répression au blanchiment des produits du terrorisme est pris en compte
L’article 4 de la loi punit:
(1) celui qui acquiert, recèle, détient, convertit, transfère, dissimule ou déguise des biens constitutifs des produits des actes de terrorisme.
(2) Celui qui utilise ou partage, même occasionnellement les produits des actes de terrorisme.
Le Législateur a étendu la répression au blanchiment des produits du terrorisme. Cette idée est plutôt, en soi appréciable. Le blanchiment est une infraction de conséquence. En d’autres termes, le Législateur a voulu traquer l’activité terroriste jusque dans ses produits dérivés. L’ennui c’est qu’avec la conception évasée de l’acte terroriste adoptée par le législateur camerounais, le « blanchiment » apparaît comme un filet supplémentaire pour ratisser large, même au-delà de l’acte terroriste proprement dit.

F – L’énonciation de la responsabilité des personnes morales est floue
La responsabilité pénale de la personne morale est envisagée par le législateur dans la loi du 4 décembre 2014. En effet, aux termes de l’article 6, « la personne morale peut être déclarée pénalement responsable ».
Mais, cette responsabilité pénale semble conçue de manière trompeuse. En effet, le législateur ne définit pas les conditions de la responsabilité pénale de la personne morale, laquelle, dans l’attente de l’adoption du projet de code pénal bilingue semble, du reste, exclue par l’article 74 (2) du code pénal actuel.
Au demeurant, il n’est indiqué nulle part les conditions de la mise en œuvre procédurale de cette responsabilité pénale.
Les règles de procédure pénale relevant de la compétence d’attribution du législatif, il n’est pas envisageable que cette omission soit réparée par un règlement censé être moins formel que la loi.
De toute évidence, la responsabilité pénale de la personne morale en matière de terrorisme est un trompe-l’œil, seules les personnes physiques étant dans le viseur du Législateur. Le régime de la répression en devient tout simplement extraordinaire.

II)    Une répression barbare et moyennageuse
La Convention de l'OUA de 1999 engage les Etats parties à "[…] établir comme crimes des actes terroristes". Tous les comportements prévus par le législateur au titre de la loi du 4 décembre 2014 ont, dès lors été criminalisés à l’extrême.

A - La banalisation de la peine de mort
À l’heure où le Cameroun a entendu, par un Code de procédure pénale entré en vigueur au début de l’année 2007, s’ancrer dans la tradition des pays modernes disposant d’un système juridique protecteur des droits de la défense, il est permis de s’interroger sur la banalisation de la peine de mort adoptée par le Législateur.
Il ne saurait être question dans cette réflexion, de trancher dans l’absolu, en faveur de l’abolition ou non de la peine de mort. Même des nations démocratiques continuent à prévoir la peine de mort dans leur arsenal répressif.
Ce qui choque, c’est la facilité avec laquelle le législateur édicte cette sanction extrême, compte tenu des imprécisions relevées plus haut.  

B – Autres particularités de la répression

1.Institution des peines-plancher
L’article 13 de la loi évoque les circonstances atténuantes et prévoit que pour l'application de la présente loi, et en cas d'admission des circonstances atténuantes :
(1) la peine d'emprisonnement ne peut être inférieure à dix (10) ans ;
(2) la peine d'amende ne peut être inférieure à vingt millions (20. 000. 000) de francs CFA
(3) dans tous les cas, le sursis ne peut être accordé.
En d’autres termes, la loi prévoit des peines-plancher et empêche toute possibilité de sursis.
Il s’agit, ni plus ni moins d’une reprise des dispositions des articles 184 et suivants du Code pénal sur le détournement de deniers public.
Cette façon de procéder heurte le juriste, puisqu’elle constitue une limitation, à notre sens, abusive du pouvoir du juge.

2.Les peines accessoires
Aux termes de l’article 14, «dans les cas prévus aux articles 2, 3, 4, 5, 6 et 7 ci-dessus, la juridiction compétente, en cas de condamnation, prononce en outre les peines accessoires prévues à l'article 19 du Code pénal ».
Cette disposition ne pose aucune difficulté particulière.

3.Imprescriptibilité de l'action publique et des peines
L’article 15 instaure l’imprescriptibilité de l’action publique en ces termes « Pour l'application de la présente loi, l'action publique et les peines prononcées par les juridictions compétentes sont imprescriptibles ».  
La prescription est l’effet, en l’occurrence extinctif du temps sur un droit ou sur une action. Elle empêche l’engagement de l’action publique ou l’exécution de l’exécution de la peine si le condamné y avait échappé.
On la justifie soit par l’évanescence des preuves du fait, qui se sont amenuisées avec le temps, soit par la nécessité de sanctionner l’inaction des autorités de poursuites qui n’ont pas agi, soit enfin, par le fait que la peur d’être arrêté a déjà constitué une sanction suffisante pour le délinquant.
Aux termes des dispositions du Code de procédure pénale, la prescription des crimes est de dix (10) ans pour l’action publique et de vingt (20) ans pour la peine.
Bien que ces délais soient relativement longs, la jurisprudence fait montre de réticence à admettre la prescription qui conduit à l’impunité.
Pourtant, seules étaient légalement imprescriptibles à ce jour, les infractions prévues par le Statut de Rome, à savoir les crimes contre l’humanité, le génocide, les crimes de guerre, etc.
Le législateur camerounais vient rajouter à cette liste le terrorisme.
Compte tenu de la gravité de l’infraction de terrorisme, la disposition législative prescrivant l’imprescriptibilité n’appelle aucune observation particulière, mis à part la nécessité de déterminer avec précision la définition des comportements constitutifs d’infraction.

III) Un cadre processuel contestable

A – La compétence inexpliquée du Tribunal Militaire
La loi prévoit des dispositions spéciales dérogatoires du droit processuel commun. Aux termes de l’alinéa 3 de l’article 1er  de la loi, « les infractions prévues par la présente loi relèvent de la compétence exclusive des juridictions militaires ».
L’article 12 ajoute que « pour l'application de la présente loi, le Tribunal militaire est saisi par ordre de mise en jugement direct du Commissaire du Gouvernement ».
Cette attribution de compétence au Tribunal militaire est étonnante, puisque l’on sait que le terrorisme relève de l’atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat et que la juridiction instituée à cet effet est la Cour de Sûreté de l’Etat.
Le législateur devra préciser ce conflit de compétences.

B – Autres particularités processuelles

1.Institution de délais de garde à vue exorbitants du droit commun

2.L’article 11 quant à lui, prévoit des conditions de Garde à vue en ce qui concerne les délais de garde à vue. Ainsi, pour l'application de la loi, le délai de la garde à vue est de quinze (15 jours), renouvelable sur autorisation du Commissaire du Gouvernement.
Ces délais excessivement longs sont déjà ceux prévus en matière de garde à vue administrative dans le cadre du maintien de l’ordre public.

3.Exemption de poursuites
L’article 16 prévoit les cas d’exemption de poursuites en ces termes :
Est exempte de poursuite  toute personne physique ou morale qui, s'étant concertée avec autrui pour commettre un acte de terrorisme et avant tout commencement d'exécution :
(1) en donne connaissance à l'autorité administrative, judiciaire ou militaire ;
(2) permet d'éviter par tous les moyens la réalisation de l'infraction ;
(3) permet d'identifier ses coauteurs ou complices.
Le législateur a entendu récompenser ceux qui, s’étant engagés dans un processus infractionnel décident, d’eux-mêmes, et avant tout commencement d’exécution, de dénoncer le projet et les coauteurs ou complices.
Cette loi du 4 décembre 2014, de même que celle autorisant le Président de la République à ratifier la Convention du 14 juillet 1999 de l'OUA sur la prévention et la lutte contre le terrorisme et son Protocole du 08 juillet 2004, ont été votés sans débat par l’Assemblée nationale. Ils ont déjà été transmis au Sénat dans le cadre de la navette parlementaire. C’est la dernière étape avant le retour en dernière lecture par l’Assemblée nationale, puis le texte sera transmis au Président de la République pour promulgation.
Il n’est pas trop tard pour que cette hérésie soit arrêtée.
Maître Claude Assira, Docteur en Droit
Maître de Conférences à l’Université Catholique d’Afrique Centrale
Avocat au Barreau du Cameroun

(1) Netschajew a fondé le groupe terroriste russe nommé «justice du peuple ».

(2)Article 1er de la loi.