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L’unité de l’UPC, ou le devoir de répétition : Convergences pour la refondation de l’UPC

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Deux UPC : une UPC alliée du pouvoir et une UPC de l’opposition. C’est sur ces mots que j’ai terminé la première partie de mon article. Mon avis est que tout le monde vive. En disant cela je n’invente rien, je ne fais que m’aligner sur Ernest Ouandié qui opposait le simple bon sens au cortège de déplorations de plusieurs « UPC » : tous les groupes upécistes, disait-il en substance, finiront bien par s’entendre mais, précisait-il, s’ils sont tous sur les terrains des luttes.
J’ajoute qu’en dépit des divisions upécistes, on n’a jamais assisté à une quelconque confrontation sur la place publique entre des membres de ces « familles » upécistes. C’est donc un abus d’autorité de la part des fonctionnaires du MINATD, des sous-préfets en l’occurrence, qui invoquent l’ordre public pour interdire des congrès qui leur déplaisent et qu’ils ne voudraient pas voir tenir (c’est le genre de tracasseries que subit notre « famille » depuis notre premier Congrès sous le « Renouveau » en 1991 ! Qui dit mieux ?). Le rôle du MINATD est seulement de prendre acte de ce que les « familles » upécistes sont dans des positions qui les empêchent, pour l’heure, d’être ensemble au sein d’une seule et même organisation ; et de faire droit à la démocratie qui commande de laisser chacune des « familles » libre d’exprimer sa spécificité. Les Kamerunais jugeront ! Le peuple et non le MINATD est l’unique autorité légitime pour trancher des différends entre partis et fractions des partis, aussi bien qu’entre ceux qui se réclament à tort ou à raison de l’UPC. Cet élémentaire point de la démocratie admis, il ne restera qu’à régler la question des appellations : chacune des parties pourra adjoindre à son nom le suffixe de son choix : par exemple UPC-Manidem, UPC-Koddock, etc., comme on le voit sous d’autres cieux où la liberté d’association, de réunion et de manifestation pacifique sont des droits indiscutables et garantis par les pouvoirs publics.

Premier élément de convergence : l’opposition.
La caractéristique commune de ceux qui se réclament de notre « famille » c’est de tenir pour certain que le combat d’Um est à poursuivre et que par conséquent il n’y a pas à abdiquer devant un pouvoir qui tient sa filiation du régime colonial et qui après plus d’un demi-siècle afflige les Kamerunais de son incapacité à régler leurs problèmes malgré la profusion des ressources matérielles et humaines dans le pays. D’où notre opposition au RDPC et notre ambition à préparer l’alternance et le changement(1).

Deuxième élément de convergence : le programme minimum.
Le combat des Um, Moumié, Ouandié et Kinguè que revendique notre « famille » repose sur un programme minimum. Et c’est à ce propos que nous nous essuyons la critique de certains de nos contradicteurs qui nous reprochent d’exhumer en 2014 un programme de 1952, ce qui selon eux serait la preuve de notre inadaptation à notre temps. Voyons cela. Le programme de nos aînés stipulait : 1) Réunification, 2) Indépendance, 3) Amélioration des conditions de vie des populations (formulé ainsi en 1952 : élévation du standard de vie des populations).
La Réunification d’abord. Depuis sa création en 1948 l’UPC exige la réunification des deux parties du territoire pour reconstituer les dimensions du Kamerun telles qu’elles étaient avant le partage du territoire entre la France et la Grande Bretagne comme s’il s’agissait des dépouilles de l’Allemagne vaincue. Par les modalités des référendums de 1961 on voit que l’important pour l’ONU était de contenter les deux puissances européennes sur le dos des Kamerunais : la Grande-Bretagne prit « sa part », le Northern Cameroons, et la rattacha au Nigéria qui était dans son aire d’influence, et la France prit « sa part », le Southern Cameroons, et la rattacha à la partie francophone qu’elle contrôlait déjà. La dislocation engendrée par ce hold up des deux grandes puissances ne sera surmontée ni par la discrimination continuelle de Yaoundé aux dépens de nos frères anglophones ni en allant faire la guerre au Nigéria(2). Seule l’adoption d’attitudes unissant Kamerunais et Nigérians notamment, résolument panafricanistes et révolutionnaires, travaillera à l’abolition des frontières absurdes héritées de la colonisation. Cela arrivera forcément car tout ce qui est artificiel ne peut durer indéfiniment. Les ambitions panafricanistes qui étaient dans les années 1950-60 l’apanage de quelques-uns, sont aujourd’hui les préoccupations de nombre de nos compatriotes convaincus qu’il n’y a désormais le choix, pour surmonter nos difficultés actuelles, que des sorties par le haut, c’est-à-dire par la constitution d’Etats à taille régionale voire d’un Etat à l’échelle du continent.
L’Indépendance. La référence à laquelle renvoie le terme d’indépendance est la souveraineté. Spontanément l’on invoque la souveraineté vis-à-vis de l’extérieur, et trop fréquemment on perd de vue que la souveraineté se décline aussi au plan intérieur. Réclamer la souveraineté vis-à-vis de l’extérieur c’est exiger que diverses institutions internationales et des Etats accordent la reconnaissance due aux institutions dont le Kamerun s’est dotées et qu’en même temps notre pays mette en place ses organes de souveraineté ; c’est exiger encore que les rapports entre le Kamerun et d’autres Etats, singulièrement les anciennes puissances coloniales, soient des rapports équilibrés. Or il est plutôt patent que ces rapports sont inégaux, de l’ordre de ceux qu’on observe ordinairement entre décideur et exécutant, entre un maître et l’élève, d’autant plus si M. Biya lui-même se flatte d’être le meilleur élève d’un président français(3).
La souveraineté au plan intérieur se rapporte à la nation, c’est-à-dire à la souveraineté du peuple qui est en fait décisive des termes du précédent aspect de la souveraineté. Qu’en est-il au Kamerun ? 70 membres du Sénat sont élus par des conseillers municipaux au mandat prorogé pour les besoins de la cause, tandis que 30 autres membres du même Sénat sont nommés par le chef de l’Etat, où voit-on l’expression de la souveraineté populaire dans ces manigances ? Ceci encore : les scrutins législatifs et municipaux de septembre 2013 auront confirmé ce que les populations savaient déjà et qui est la cause de leur désaffection vis-à-vis des élections, à savoir que RDPC n’atteindrait pas les quasi scores des systèmes des partis uniques (305 maires sur 360, 148 députés sur 180) si la souveraineté populaire s’exprimait librement, en toute transparence et équitablement. La souveraineté réclamée depuis 1948 fait donc encore défaut vis-à-vis de l’extérieur et sur le plan interne et certains de nos compatriotes l’expliquent parfois mieux que nous-mêmes à l’UPC.
Enfin, pour l’Amélioration des conditions de vie, je n’ai pas besoin de m’étendre, tant les Kamerunais  éprouvent mieux que je ne saurais le dire en peu de mots la difficulté d’avoir du travail, un logement décent, de l’eau potable, de l’électricité, des soins de santé, des écoles pour leurs enfants (que le chef de l’Etat trouve bon d’inscrire ses enfants à l’étranger fait penser qu’il n’aurait pas confiance dans le système d’enseignement de son pays).
Le combat initié par nos aînés en 1948 est donc à poursuivre et c’est précisément ce que notre « famille » upéciste réclame en héritage, tout en reconnaissant d’une part que de plus en plus de Kamerunais adhèrent théoriquement au programme minimum qui porte ce combat, et d’autre part qu’il y a constamment lieu d’expliciter ledit combat par un programme s’appuyant sur des données actualisées. Aussi, contrairement à ce qu’on pourrait être tenté de penser à cause de l’ostracisme dont nous sommes l’objet, notre « famille » s’est plutôt agrandie : sans être inscrits à l’UPC il y a dans ce pays de plus en plus de personnes qui reconnaissent que son combat fut juste et le demeure. Notre « famille » s’est agrandie mais elle est disparate.

Convergences upécistes
Dans la première partie de cet article j’ai rappelé le cas d’anciens upécistes ou de leurs descendants qui disent qu’ils auraient l’UPC dans le sang. La question qui se pose pour eux c’est de résister aux appels, ethniques notamment, qui voudraient mettre leur ardeur au service du pouvoir RDPC afin qu’ils rejoignent l’UPC dans l’opposition. Aspirer à porter l’héritage de nos fondateurs exclut toute alliance avec le RDPC qui par filiation remonte au BDC colonial, en passant par l’UC et l’UNC(4). En direction de nos upécistes « sanguinaires » nous devons œuvrer avec patience et pédagogie, et aussi avec un certain sens d’initiatives, afin que les proclamations upécistes de ces compatriotes-là et les nôtres se rejoignent dans des actions concrètes, les terrains des luttes dont parlait Ernest Ouandié.

Convergences avec des jeunes et avec l’intelligentsia
Au-delà de ceux qui se revendiquent de l’UPC, parfois en invoquant une filiation quasi naturelle qui fait sourire, il y a de nombreux autres compatriotes, en particulier parmi les jeunes et l’intelligentsia kamerunaise, qui n’attendent plus rien du RDPC et adhèrent tout à fait au programme minimum de l’UPC mentionné plus haut. En plus de cela, ils préservent leur indépendance de pensée vis-à-vis du système sans céder ni aux sirènes de la corruption et ni à celles du carriérisme malgré des conditions de vie souvent difficiles – ce qui n’est pas rien dans le contexte kamerunais. Si l’on ne s’en tient qu’aux données actuelles qui doivent conduire au changement, il n’y a pas l’épaisseur d’un cheveu entre les positions de ces compatriotes et celles de notre « famille » upéciste. Le rendez-vous entre eux et nous semble relever des nécessités qui fonderont l’avenir du pays. Ce rendez-vous aura lieu à la faveur d’un examen de conscience de part et d’autre, d’un changement des manières de part et d’autre, qui nous disposeront mutuellement à plus d’écoute, à cheminer ensemble et enfin à élargir le parti du nationalisme kamerunais.
Nous aurons d’autres occasions d’expliciter les formes de ce nouvel élan-fusion partant de différents foyers. Pour l’heure, je voudrais suggérer que l’humilité en sera le premier mot. Quand j’en appelle à l’humilité de nous autres upécistes c’est pour dire que si nous avons été capables de préserver le Parti pendant les années de clandestinité, de le rebâtir et de le poser à nouveau face à un régime néocolonial qui pensait en avoir fini après la mort d’Ernest Ouandié, nous voyons bien, aussi, que nous n’avons pas encore réussi à surmonter nombre d’écueils que le régime de M. Biya a semé devant nous sans nous épargner aucun. Quand j’en appelle à l’humilité des compatriotes dont la fibre nationaliste résonne de l’appel des pères fondateurs de l’UPC, compatriotes qui cependant sont encore en dehors de nos rangs, c’est pour dire que si leurs analyses sont pertinentes et indiscutable leur courage face au pouvoir, ce sont des individualités, des clubs tout au plus qui ont leur utilité mais que l’on ne saurait substituer à une organisation solide, aguerrie et ramifiée. En face, n’oublions pas, se tient un pouvoir aux moyens considérables et qui voudrait s’enkyster pour toujours dans les tissus de la société.
« La lutte des peuples qui nous ont devancés a fait école. Elle nous enseigne que rien ne s’obtient sans l’union et l’esprit de sacrifice(5). »
Albert Moutoudou
Homme politique.
Le 11 mars 2014
(1) Le tronc-commun de cette « famille » est formé des militants jeunes et anciens  ayant activement travaillé dans la clandestinité entre 1970 et 1990 pour éviter à l’UPC de disparaître ; vers la fin des années 1980, se sont joints à ces militants d’autres anciens upécistes qui furent orphelins du Parti pendant les années de M. Ahidjo et au début de celles de M. Biya. Cette branche a gardé l’appellation d’UPC. Toutefois cette « famille » n’est pas uniforme non plus. Il y a eu en trois occasions à ma connaissance des tentatives de constitution de nouveaux partis distincts dont un seul subsiste aujourd’hui : le Manidem créé en 1995. En nous quittant pour créer leur nouveau parti, nos ex-camarades ont gardé le sigle Manidem tout en transformant sa signification : Manidem (Mouvement Africain pour la Nouvelle Indépendance et la Démocratie, créé en 1995) est différent de Manidem (Manifeste National pour l’Instauration de la Démocratie, créé en 1974). Ce dernier fut à la fois un rassemblement de patriotes (front-uni) et une sorte de pépinière d’où l’UPC tirait les meilleurs éléments pour se reconstituer.
(2) Encore moins, cela va sans dire, par un rituel de commémoration de la réunification tous les cinquante-trois ans.
(3) Pour n’évoquer qu’un des domaines parmi d’autres où la souveraineté du Kamerun vis-à-vis de l’extérieur est en défaut c’est le domaine la monnaie que nous utilisons, le franc CFA. A ce propos j’invite à lire la vigoureuse interpellation de M. Babissakana : « Lettre de réforme aux Chefs d’Etat des quinze (15) pays membres de la Zone franc ».
(4) BDC : Bloc Démocratique Camerounais, Parti de Louis-Paul Aujoulat, l’éminence grise des plans de la France coloniale sur le Kamerun fut  à cause de sa mission le maître d’œuvre de la promotion des élites favorables à la France, notamment de la promotion de MM. Ahidjo et Biya. UC : Union Camerounaise, UNC : Union Nationale Camerounaise, tous deux partis de M. Ahidjo.   
(5) Ruben Um Nyobé : Conditions historiques du mouvement de libération dans les pays coloniaux, 1951.