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Assommoir La liste du Père Noël - Page 2

La liste du Père Noël - Page 2

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Index de l'article
La liste du Père Noël
Comme une boussole qui nous permet d’aligner des phrases
Un plan sur la comète
Après dissipation du brouillard
Toutes les pages
Comme une boussole qui nous permet d’aligner des phrases
Alors que l'on me dise à quoi sert toute cette comédie ?! La coopération au développement ?! Quel développement ?! Dans un pays qui décline chaque jours plus encore ... quand je regarde le bateau-Cameroun sombrer, dans l'indifférence de ses «passagers» je n'ose pas croire que ce fatalisme généralisé pourrait, en dernière analyse, n'être que le moyen d'accepter l'inacceptable ? Ma déploration peut sembler poignante... Et le développement... À une époque, à la fin de mon adolescence, je me rappelle que certains refusaient l'emploi de ce doux euphémisme : «pays émergent» pour lui préférer, contre les reproches des bonnes âmes qui les tançaient vertement, l'expression : «pays en voie de sous-développement»... Aujourd'hui l'ordre des facteurs s'est inversé ! Je relis un mail reçu il y a longtemps :
« C'est pourtant bien clair que quelque chose a historiquement merdé : pour de bon ? J’en sais trop rien pour l'instant, mais l'heure est à ce constat amer d'impuissance et d'inutilité. Quand tu tentes d'entreprendre quoi que ce soit d'intelligent à ton propre compte, c'est tout aussi difficile et frustrant, à moins de sombrer dans l'allégeance aux caciques de l'ordre établi depuis 1960 ... défaitisme ?! Corruption, guerres civiles, négation des minorités, stigmatisation, hystérie religieuse, poubelle à déchets toxiques, choléra ou autre infection de destruction massive, l'Afrique est la risée du monde désormais ... Cameroun, pays maudit d'un continent maudit ?!  ... poids écrasant de l'histoire  qui déstabilise et empêche d'avancer ?! C’est dur mais rien ne permet d'espérer. Où alors, une nouvelle donne. Quelque chose à quoi personne jamais n'a pensé. Tu as vu comme la Nouvelle-Orléans, d’un coup de vent, a pris soudain des allures de pays sinistré, de pays du tiers-monde ... est-ce que toutes les images et même les stéréotypes peuvent ainsi s'inverser ? »
En attendant, l'obscurantisme est devenu la loi générale. Désormais, rien de rationnel n'a cours ... tout ce qui se passe, tout ce qui se pense est affaire de sorcellerie, de magie, de mysticisme ... on ponctue chaque phrase d'un «s'il plait à Dieu» incroyable aveu de renoncement au pouvoir de l'intelligence, à notre humanité ! ... moi qui avait découvert Sartre et Camus dans un formidable élan d'appétit pour tous les possibles ainsi offerts à l’intelligence, je me retrouve ici, maintenant, encerclé de «déserteurs de la raison», satisfaits de justifier toutes leurs lâchetés par des formules qui laissent aux autres, au destin, la responsabilité de leurs actes, de leur situation ! Le fameux «le verre s'est cassé» ou encore «la voiture a fait l'accident» pour refuser d'admettre que l'on a laissé tomber le verre que l'on tenait entre ses mains, qu'une erreur de conduite nous a précipité contre un arbre ! Non ! Si un accident est arrivé je n'y suis pour rien ! Étranger à sa propre vie, heurs et malheurs sont causés par une altérité, tantôt bienveillante [Dieu] tantôt malveillante [un sortilège «lancé» par un ennemi]
Jamais le Camerounais n'accepte la responsabilité de ses actes. S’il est sanctionné par son patron pour une faute ? Évidemment le patron veut l'évincer pour donner le poste à son frère, à sa petite amie, à un cousin de son village ! Jamais l'individu ne prendra la mesure de ses fautes, ne sera capable de faire une introspection a minima ... le Camerounais a réduit à quasiment rien la sphère de sa vie [privée ou professionnelle] sur laquelle il s'estime capable d'avoir un contrôle. Même le médecin renonce à soigner le malade ! Quand on sait les progrès que la science fait tous les jours pour améliorer le quotidien des hommes, c'est effarant de voir le système de santé de ce pays sinistré à ce point ! Je ne parle pas de manque de moyens ou d'absence de technologie [on ne soigne pas tout, of course, avec un scanner ou un bistouri-laser]. Je parle simplement de gestes : écouter le malade, l'ausculter... puis savoir établir un diagnostic... le médecin camerounais ne «soigne» que les manifestations de la maladie, jamais les causes... tu as mal au ventre ?! On va te prescrire des anti-inflammatoires en quantité industrielle... et tu mourras d'une chouette péritonite ! Les médecins ont décidé que leur sphère de compétence se résume à quelques maux aisément identifiés : palu ! De toutes les façons ici, dès que tu as une poussée de fièvre on dit que c'est une crise de palu, palu ou parfois ... palu !
Alors que l'on me dise à quoi sert la coopération au développement ?! Quel développement ?! Que l'on me dise à quoi sert toute cette comédie ?! Une addition sans fin de séminaires de formations, d’ateliers de restitution, de colloques … ce qui revient à bosser avec ces gens qui, tous, sont devenus des boutiquiers et se pressent aux séminaires de formations, aux ateliers de restitution, aux colloques pour les perdiem attendus ! Car, en effet, c'est assez incroyable : oui, on paye des gens pour qu'ils viennent recevoir un complément de capacité technique ou pratique ! On développe les compétences des gens et pour cela ils reçoivent, en plus, de l'argent ! Et, à l'évidence, ce qui les motive en réalité, c'est le petit pécule qu'ils gagneront à l'issue de la session de la formation ! Le contenu des apprentissages dispensés ? Une évaluation à peine deux mois plus tard montre que l'essentiel s'est évaporé ! L’environnement social est particulièrement morose et les gens d'ici [comme ceux d'ailleurs] se laissent prendre par un désintérêt pour les choses de la politique et affirment, sans détour, ne plus attendre de changement ! Il faut se battre et, why not, s'engager ! Mais, aujourd'hui, que dois-je dire face à ce pays qui sombre chaque jour un peu plus ?! Pour ceux qui nous gouvernent, pour ces serviteurs de l’État qui se servent, le confort est trop fort ! «Que le peuple crève, on en trouvera un autre !»
Stéphane Akoa